PRE!\llERE ABDICATION . -
AVRIL
i 814.
!H 5
Talleyrand, n'aimaient pas qu'on marchat trop
vite. 11 venait d'arriver
a
Paris l'un des membres
les plus ar<;J.ents du parli royaliste, et en ce mo–
ment le plus utile; nous voulons parler de
1\f.
de
Vitrolles, dépeché, comme on l'a vu, au camp
des souverains alliés, admis auprcs d'eux aprcs
la ruplure du congres de Chatillon , et envoyé
ensuite en Lorrainc, par donner qu elques bons
avis
a
M. le comtc d'Artois , et le préparer ainsi
au róle que la Providence semblait lui destincr.
Le choix pour faire parvenir au prince des co11-
seils de prudence n'était pas le mcilleur peut–
etre; mais M. de Vitrolles, homme d'csprit, long–
temps familier de .MM. de Talleyrand et de Dal–
berg, était convaincu qu'on ne pouvait arriver
qu'entouré d'eux, et gouverner qu'avec eux.
C'était la vérité sur les personnes, si ce n'était
pas encore la vérilé sur les choses, et l'une pou–
vait conduire
a
l'autre. M. de Vitrolles arrivé
a
Nancy, avait cu de la peine
a
trouver le prince
qui étai t encore obligé ele se cacher , et l'avait
rcmpli de contentement en lui faisant conna1Lrc
les récentcs résolutions des souverains , et les
raisons qu'on avait d'espéror un prochain chan–
gement daris l'état des choscs en France. La
nouvelle de la bataille du 50 mars avait changé
cette espérance en ccrlitude. Le princc, que la
joie rendait facile
a
lout entendre,
a
tout accor–
der, n'avait opposé d'objcction
a
rien. S'entourer
d'hommes devcnus illustres et restés puissanls,
bien traiter l'armée, lui semblait tout simple.
- D'ailleurs, r épétait-il fréquemment, j'ai bcau–
coup connu M. l'éveque d'Autun, nous avons
passé ensemble quclques-unes des plus belles
années de notre jeunesse, et je suis ccrlain qu'il
a pour moi les sentiments d'amiti é que j'ai con–
servés pour luí. - En effet, M. le comtc d'Arlois,
quand
il
était jeune et ami des plaisirs, avait
rencontré M. de Talleyrand faisant et pensan t,
sous son habit sacerdotal, ce que faisait et pen–
sait Je prince sous son habit de gentilhommc.
J.\L
le comte d'Artois s'cn .:Hait rcpenti, il est
vrai et lH. de Talleyrand pas du lout ; mais ces
~ '
d .
souvenirs formaient entre eux un genre e hen
quineleur était pasdésagréable.
l\'I.
de Vitrolles,
en assurant au princc qu'il trouvcrait dans
}~.
de
T.alley~an~
des
sentimen~s
pareils aux
(s1ens, lu1 ava1t bien recommande cependant de
ne pas l'appcler. évequc d'Autun, et s'était at-
· 1
Je n'aime point la cal'icature en histoire, el j e ne veux
point en fnire une ici, mais je rapporle ce délail parce qu'il
me parait caractéristique, et qu'il e L contenu dans les mé-
CONSULAT.
O.
taché
a
graver dans sa mémoire que l'éveque
d'Autun , sorti des ordres et marié, était devenu
prince de Bénévcnt, grand dignitaire de l'Em–
pire, président du Sénat.
l\f.
le comte d'Artois
averti se r cprenait alors, appelait
l\f.
de Talley–
rand prinee de Bénévent, puis l'instant d'apres
l'a ppelait encorc éveque d'Autu n, se reprenait
de nouveau, retombait sans ecsse da ns' la meme
fa ute, et dans ces choses insignifiantes donnait
déja l'exemple de eette mémoire malhenreuse,
de laqu elle ríen n'était sorti , dans Jaquelle rien
ne devait pénétrer , et qu i allait cleux fois en–
core entrainer sa chute et celle de son auguste
race
1 •
Pour le moment, Je seul point don t il falJait
convenir , c'est qu'on s'entourerait des hommes
de l'Empire qui eonsentaient
a
livrer l'Empire
aux Bourboos; et sur ce point M. de Vitrolles
et le comte d'Artois avaient été natur ellement
d'accorct . Seulement le prince voulait entrer
dans París tout de suite, et
y
fairc r econnaitre
son titre de lieutenan t général du royaume
comme émanant exclasivcmcnt de son frere
Louis XVIII, lequel n'avait pas quitté Har twell ,
r ésidence située aux environs de Londres .
M. de Vitrolles élait de cet avis auta nt que le
prince, et il était repartí pour París avcc mis–
sion d'y négocier cctte entrée immédiate, et
cctte reconnaissancc sans restriction du litre de
Jieutenant général. En route, il avait été ex–
posé, comme on l'a vu, aux acciden ts les plus
étranges, avait été pris avec M. de Wessenberg,
rclaché avec Jui , puis arrivé
a
París, était tombé
subilement au milieu de I'hótel Saint-Florentin,
daos le momcnt meme ou, s'occupant tres-peu
du comte d'Artois, on songeait
a
se débar rasscr
successivemcnt des li ens qui attachaient encorc
hommes et choscs
a
l'Empire. Ces liens , quoiqu c
rclachés et presqu e brisés ,
il
restait
a
les
rompre défi nitivemen t, et pour cela meme il
fallait un peu de tcmps. Le Sénat, apres avoir
insti tué un gouvcrnemcnt provisoire, se prépa–
rai t
a
frapper Napoléon de déch éance, mais ne
voulait se donner aux Bourbons qu'au prix d'une
consti tu ti on.
l\I.
de Talleyrand qu i partageait
cette opinion, promettait dcp uis vingt-quatre
heures
a
tous les sénatcurs qu'il en serait ainsi,
et de plus l'empereur Alexandre, sinceremen t
épris alors des idées libérales, avec la parfaite
moires intéressanls, spiriluels et cerlainemenl sinceres de
M. de Vitrolles.
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