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LIVRE ClNQUANTE-TROISIEl\fE.
exclusivement avec les Bourbons, seuls souve–
rains légitimes de la France.
A
pres une délibé–
ration vive et confuse, on se sépara d'accord sor
un point, l'envoi d'une députatio11
a
Alex\\nrlrc
pour lui exprimer Je vreu forme! des royalistcs .
En cffct, cette députation alla chercher Alexan–
dre
a
l'Élysée d'abord, puis
a
l'hótcl de la rue
Saint-Florentin, ne ful point re<;ue par ce prince,
mais par M. de Nesselrodc, qui , se rcnfcrmant
dans Ja réserve convenable, leur répéta que
l'Europc rétrnie
a
París cntendait suivre exclusi–
vemcnt le vreu de la Francc, et que si, commc
tout l'indiquait, ce
' 'OOU
étnit favorable aux
Bourbons, les souverain s alliés seraient heureux
d'assister
a
leur restauration' et
d'y
contribuer
par leur plein assentiment.
Le premier acte de cette révoluLion était done
accompli. Les sotivcrains entrés daos París, rc<;us
paisiblement par une populat.ion désarmée qu'ils
s'attachaient
a
flatter, s'étaient mis en rapport
avcc quelques grands pcrsonnages, et, sur leur
conseíl, avaient déclar·é qu'ils ne traiteraieñlplus
avec Napoléon, landis qu'ils élaient prcts, au
contraire,
a
traíter avantageusement avec tout
gouvcrnement issu du vreu de la nation fran –
<;aise. C'était assez pour que l'opinion , fatiguée
de
la
domination d'un soldat qui ne prenait
jamais de repos et n'en laissait
a
pcrsonne, se
pronon~aL bient~t
en faveur de la seule dynastie
qui s'offrit
u
'}'esprit en dehors de cel!e que la
victoire avait élevée et que la victoire renver–
sait. Un rnoment d'hésitation en préscnce d'un
événement si subit, et apres vingt-quatre ans
d'abscnce des Bourbons, était bien naturel ;
mais les heures allaient produire ici l'effet qu'en
d'autres temps produisent les mois et les années.
Le soir meme, et le lendemain 1
cr
avril, tous
ces esprits remuants qui se précipitent dans le
torrent des révolutions, les uns pour en profi–
ter, les auLres pour le plaisir de s'y meler, al–
laient, venaient sans ccsse, et de chez
:M.
de Tal–
leyrand couraient chcz les personnagcs dont le
concours était nécessaire, en particulicr chcz les
sénateurs.
11
n'y avait d'aucun cóté grande résis–
tance
a
craindre, car pour Lout Je monde Napo –
léon vaincu était Napoléon détróné . ll exislait
bien, dans le peuple de Paris, quelques rcgrets
pour le guerrier éblouissant qui avait longtemps
charmé son imagination, et qui , quclques jours
auparavant, sernblait encore le défenseur de ses
murs; mais si , on excepte le peuple de quelques
grandes villes, et surtout les paysans dont la
chaumiere avnit été ravagée, pour la France en-
tiere, la paix, conséquence assurée de la chute
de Napoléon, était un immense soulagement. Du
reste, parmi ceux qui mettent plus directement
Ía main aux événements, l'entrainement vers un
nouvcl état de choses était général. Les anciens
révolutionnaires, sans songer que c'étaient les
Bourbons qui allaient remplacct• Napoléon, se
Jivraient au plaisir de la vengeance contre l'au–
teur du 18 brumaire. Les gens sensés reconnais–
saient daos ce qui arrivait la suite tant prédite
des foll es témérités qu'ils avaient déplorées, et
d'un pouvoir saos contre-poids. Les hommes,
occupés particQlierement de lcurs intérets, cher–
chaicnt la fortune poul' al!er vers elle, et, ne Ja
voyant plus <lu cóté de Napoléon , tournaient ail–
leurs leurs regards. Avec des dispositions aussi
uoanimcs, on n'avait })Oint
a
craindre que le
Sénat se souvint de sa longue soumission pour
en rougir ou pour
y
persévérer. Ordinairemcnt
on s'cn prcnd d'une trop longue soumission
a
celui qui vous l'a imposée, et loin d'etre un
embarras pour la pudeur, elle est au eontrairc
un · prétcxte pour l'ingratilude. Le fidcl e et
infortuné du c de Viceuce avait pu s'en con–
vaincre dans ccttc meme journéc du 51 mars, et–
dans la nuit qui avait suivi, car en sortant de
chcz l'cmpercur Alexaodre il n'avait cessé de
visiter tour
a
tour les nombreux personnagcs qui,
u
des titres divcrs, avaient serv i le gouvernement
impérial, et pouvaient en ce momcnt extreme
lui apporter un utile secours.
11
luí semblait
qu'cn invoquant la foi pro rnisc, ou au moins la
reconnaissancc, car il n'y avait pas alot'S une
fortune qui ne fUt due
a
Napoléon,
OH
pf:lrvicn–
drait
a
raífermir les fidélités ébranlées, et que si
les souverains alliés, fort soigncux de ménager le
sen timent public, le trouvaient tant soit pcu
persistant en faveur de Napoléon, ils s'arrete–
raient, et., au lieu de faire une révolution, se
borneraient
a
faire la paix, reuvre pour laquelJe
l\I.
de Caulaincourt était aujourd'hui tout pré–
paré. Cclle fois, en effet, il avait pris au fond de
son creur Ja résolulion de violcr ses instructions,
et dut-il ctre désavoué
a
Fonlainebleau, il élait
déterminé
a
signer
a
París la paix de Chatillon.
l\Iais sa tournéc, non interrompue pendant vingl–
quatre heures, le consterna, l'indigna, le remplit
de mépris pour les hommes, qu'il ne eonnaissait
pns assez pour s'attendrc
a
ce qui lui arrivait.
Droit, rude, sensé, M. de Caulaincourt n'avait
pas cette profonde science des hommes, qui óte
to ute colere en óta nt tou te surprisc.
11
passa ces
deux jours
a
s'étonner et
a
s'emporler. Sa