PREMIERE ABDICATION. -
AVRI L
i8t4.
monde
a
la fois, ne disant point la messe, fré–
quentant les salons, conser vant plus d'un prc–
jugé politique quoique affectant de n'avoir aucun
préjugé religieux, instruit, spirituel, indépen–
dant, mais hautain et irritable, adopté aujo ur–
d'hui presque comme un accessoire, et destiné
a
devenir bientot le personnagc princi pal, par ce
qu'a l'avantage de r eprésentcr une puissa nce qui
grandissait d'heurc en heurc,
iI
joignait eelui
d'ctre, parmi les membres du nouveau gouverne–
ment, l'homme qui avait les sentiments les plus
prononcés.
Comme nous venons de le dire, on avait pré–
paré ces choix ehez
M.
de Talleyrand . Le Séoo t
se forma en groupes, se les communiqua de
bouche en bouchc, et les confirma par son vo te
sans avoir l'idée de repousser un scul nom parmi
ceux qu'on lui avnit préscntés . Ces i·ésolutions
une fois arretées,
M.
de Talleyrand laissa aux
sénatcurs le soin de les r édiger en termes offi–
cicls, et r etourna rue Saint-Florentin, ou l'at–
tendaient les nombreux courlisnns de sa nou–
velle grandeur, tous convaincus qu'il r appell erait
les Bourbons, et les dominerait aprcs les avoir
rappelés.
Les hommes qu'on venait de désigner pou–
vaient constitucr un gouvernemen t nominal ,
nuancé des couleurs du jour , mais non un gou–
Yernement effectif, capable
d
administrer le
affaires. Pour s'cn procurer un pareil,
i1
fa llait
composer un minister e. A peine revcn u du
Luxembourg chez lui, l\f. de Tallcyrand , r éuni
a
ses collegucs, s'occupa
de
cherch er des m inis–
tres. Deux importaient avan t tout , celui des
financcs et celui de Ja guerre, car
i1
fallait se
procurer de l'argent et détacher l'armée de
Napolénn. On
fit
pour les fin ances u n choix dont
la Fran ce devra étern ellement s'applaudir , celui
du baron Louis, esprit véhémen t et vigoureux,
eompreoaot mieux qu'aucun homme de ccltc
époque la puissance du crédit," puissance féconde,
seule capable de fcrmer les plaie de la guerre
et • e r emplacer le génic créatcur de Napoléon .
Pour la guerre, on céda trop
a
la passion du
jour, et oo fi t une nomination qui avait malheu–
r euscmeot tous les caracteres d'une réaction en
¡i1)pelant
a
ce dépar tement le géaéral Dupon t
1infortunée victime de Ba
1
len.
Dan les derniers
temps on avait songé plus d une fois aux bril–
Iants xploits du général Dupont pendant les
nnnée
180t>
et
1
06 on avait plain t ses infor–
tune immér itée et depui qu loo eommen–
<¡ait
a
bhi.mer Nnpoléon en ccr t tou t en e nti-
nuant de l'nduler en public, on a ait dít
a
voix
basse que Je génér al Dupont avait été la victime
désignée pour abuser l'opiaion sur les fa utes de
la guerr e d'Espagne. On crut
a
tortque ce eboix,
accusateur pour Napoléon , mais réparateur
cnvcrs l'armée, plairai t
a
celle-ci, et on ne com–
prit pas qu'au contraire il l'irritcrait. M. de Tal–
leyrand , !'un des juges du général Dupont, 1cn–
voya chcrch r
a
Dreux ou il était prison nicr. On
fit ven ir égalcmcnt un administralcur impérial,
homme de beaucoup d·esprit, qui s'étai t signalé
réccmmcnt par de vfres épigrammcs contrc
l'Empire, et on le chargea du département de
l'iotérieur . Cet administratcur élait
M.
Bcugnot.
On remit la j ustice
a
llD
magi lrat r espcctablc
et Iibéral,
M.
Henrion de Panscy; la mar ine,
a
un conseillcr d'État disgracié , esti mable et labo–
rieux, 1\1. l\folouet ; les aífaircs étrangercs,
a
un
diplomate instru it, étranger aux partis, ayan t la
modération ordinair e de sa prof'cs ion, l\J. de
Laforest. La police, sous la forme de direction
générnle, fu t coofiéc
a
u n employé de ce dépar–
temcnt,
.M .
Angles, ami secret des Bour bons, et
les postes fu rent livrécs
a
un ennemi subalterne
de Napoléon ,
l\I.
de Bourriennc, son ancien
sccrétairc, éloigné de son cabinet pour des mo–
tifs qu i n'avaient r íen de politiquc.
A
ces nom inations, les unes excellentes , les
aulres méd iocres ou facheuscs, on en ajou ta une
qui était des mieux enlend ue . La garde na–
tionalc, lrcs·bieo composée , avait tcnu une con–
duile forme et honorable, et elle mér itait qu'on
lui tén10ignat de Ja consiuération. On lui doona
un commandant digne d'elle,
M.
le général
Dcssolcs, ancien chef d état-major de Moreau,
caractere arrcté, esprit fin et cultivé, jadis r épu–
blicain , aujourd'bui parlisan de la monar chie con–
stitutioonellc, ctréunissanten lui le double carac–
tere mili lairc et civiJ, qui convient
a
Ja tete d'unc
troupe qu'on a nommée la milice citoycnnc.
Ce divers pcrsonnnges ne re<;urent qu'un
titrc provisoire, comme celui du gouvcrn cment
qui les institu ait.
11
fur cnt qual ifi.é" d
commis–
aires délégué
a
l'admini trntwn
d
la ju licc,
de la guerre, de I intérieur etc. Jls eurent ordre
de
e
rendre immédialemcot
a
leur po te, pour
e
sai ir des affaircs le pl us tót et le plus om–
plétement qu ils pourraien t. n avait done un
gouveroemcot auquel
il
' tait pos ible de s'adre -
ser a>cc lequel le ourerains avaicnt 1 mo n
de traiter, et don t ils a1Jai nt se n ir pour ar –
r acher
a
Nnpol 'on ce qui lui r laiL d pui ao
militaire
t
ivile ur la France.
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