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LIVRE CINQUANTE-TROISIEi\'JE.

Instituer un gouvernement provisoire, c'était

déclarer que celui de Napoléon n'existait plus,

et cepas était considérable. On ne l'eut pas osé

faire sans l'appui des deux cent mille bai'onnetles

étrangeres qui occupaien t París. Ce résultat tou–

tefois ne suffisait pas

a

l'impatience des royalisLes

encore peu nombreux,mais zélés, qui s'agitaient

daos la capitale, et qui,

a

défaut du nombre,

avaicnt pour eux l'empire des circonstanccs. Jls

auraient voulu qu'on proclamat sur-lc-champ les

Bombons; ils obsédaient M. de Talleyrand et

M. de l\fontesquiou pour qu'on prít

a

cct

égard un partí décidé, et que, sans transition

comme sans délai, on déclarat Louis XVIII seul

souverain légitime de la France, n'ayant pas

cessé de régncr depuis la mort de l'infortuné

Louis

XVII.

Aller si vite ne convenait ni aux

calculs de M. de Talleyrand qui ne voulait prrs

des Bourbons sans conditions, ni

a

son carac–

tere qui n'était jamais pressé, ni

a

sa prudence

qui voyait cncore bien des intermédif1ires

a

franchir. A tous les impatienls il opposait ses

armes habituelles,. la nonchalance et le dédain,

et il se croyait fon dé

a

leur dirc, ce qui était vrai

au moins pour quelque temps, que c'était

a

lui

seul

a

régler le mouvement des choses.

Battus de ce cóté, les royalistes ardents s'é–

taient rejetés sur le conseil municipal de París

et sur l'état-major de Ja garde nationale. 11

y

avait dans l'un et dans l'autre de grands proprié–

taires, de riches négociants, des membres dis–

tingués des professions libérales. On devait done

y trouver des partisans du royalisme. On en

trouva en effet dans le conseil municipal, et un

avocat de talent ayant plus d'éclat que de jus–

tesse d'esprit, M. Bellart, rédigea une adressc

aux Parisiens, dans laquelle

il

énumérait en un

langage virulcnt ce que· les partis appelaient

alors les crimes de Napoléoo, ce que l'histoire

plus juste appellera ses fautcs, quelques-unes

malheureusement fort coupables , presque toutes

irréparables. A la suite de cetle longue énnmé–

ration,

l\'I.

Bellart proposait la déchéance, en

ajoutant résolument que la France ne pouvait se

sauver qu'en se jetant dans les bras de la dynas–

tie légitime, et que les membres du conseil

municipal, quelque danger qu'ils eussent

a

cou–

rir, se faisaient un devoir de le proclamcr

a

la

face de Jeurs concitoycns. Cetle adressc fut adop–

tée

a

l'unanimité. La délibération avait lieu en

présence du préfct, l\'J. de Chabrol, qui devait

a

Napoléon sa soudaine élévation, car

il

avait passé

tout

a

coup de la préfecturc de l\fontcnotte

a

celle de la Seine. 11 aurait pu s'y opposer; cepe_n–

dant,

il

crut avoir concilié ses devoirs envers

Napoléon dont

il

était l'obligé; et envers les

Bourbons qu'il aimait, en déelarant que ses con–

victions étaient conformes

a

l'adresse proposée,

mais que sa reconnaissance l'cmpechait de la

signer. La piece, revetue de la signature de tous

les membrcs présents du conseil municipal, fut,

dans la soirée meme du

1

er

avril, moment ou Je

Sénat instituait le gouvernement provisoire ,

placardée sur les murs de París. On courut en

meme temps

a

l'hótel Saint-FJorentin pour obte–

nir du gouvernement provisoire qu'il la fit in–

sérer au

Moniteur.

M. de Talleyrand se montra

importuné de cctte impatience, qui, selon lui,

pouvait tout gater. Ses collegues, excepté M. de

1\fontesquiou, furent de cet avis, et on se con–

tenta de laisser afficher la piece dans les rues de

la capitale sans lui donner place au

!rloniteur.

L'essai ne fut pas aussi heurcux aupres de

l'état-major de la garde nationalc. Le général

Dessoles, qu'on venait de mettre

a

sa tete, avait

sans hésiter pris parti pour les Bourbons, en

voulant toutefois qu'on les liat par une sagc

constitution. 11 se preta aux efforts qui furent

tentés pour faire arborer la cocarde blanche

a

la

garde nationale. Mais on fut arret.é

pa1~la

-ré–

sistance que l'on rencontra, particulierement

dans le chef de l'état-major, l\'I. Allent, si eonnu

et si estimé pendant trente anoées comme le

membre le plus éclairé du conseil d'État. Il

y

avait

dans cette garde, avcc beaucoup de lumieres,

de sagesse, d'amour de l'ordre, de blame surtout

pour les fautes de Napoléon, un grand sentiment

de patriotisme. Elle rougissait de voir l'ennemi

au sein de la capitale; elle s'était partiellcment

battue aux barrieres, elle se scrait battue tout

enliere si on luí avait fourni des armes, et sur–

tout si la régente ne l'eut pas abandonnée, et

aurait rivalisé avcc le peuple dans Ja défense de

Paris. Sans improuver ceux qui cherchaient

a

remplacet' un gouvernement devenu insuppor–

table et .impossible, elle voyait avec une sorte

de répugnance cette ceuvre entreprise de moitié

avcc l'étranger, et

il

fallait des ménagements

pour Ja conduire, un acte apres

l'aut~c,

a

Ja dé–

chéance de Napoléon et

a

Ja proclamation des

llourbons. Apres quelqucs tentatives,

il

fut évi–

den t qu'on ne devait pas trop se hater, et qu'on

s'exposait

a

heurter des sentiments honnetcs,

sinceres et encore tres-vifs.

Ce fut une le-:on pour les impatients, une

force pour les gens sages qui, eommc M. de