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LIVRE CINUUANTE-TROISIE!\'IE.
a
ce qu'on lcur proposerait. On avait trouvé
plus de caractere chez ceux qui, disciplcs de
M. Sieyes, avaicnt formé dans le Sénat une op–
position inactive, mais sévere. Ccux-la parais–
saient prets
a
tout oser contre Napoléon , et leur
dignité était
a
l'aise, car ils ne l'avaient jamais
encensé, mais leur résignatio11
a
tout acceptcr
ne s'était pas montrée égale
a
celle de leurs col–
Jcgucs. lis avaicnt demandé si c'était en vaincus
qu'on entcndait les amencr aux pieds des Bour–
bons, et si, en r appelant cctle famillc, on ne son–
gcrait pasa garantir les príncipes de la r évolution
fran~.aise,
et a relever Ja liberté immolée si long–
tcmps a l'auteur du
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brumaire. On avait cher–
ché
a
les rassurer, en Jcur disant qu'indépcn–
dammcnt de ses grandes lumieres, J'ancicn
évcque d'Autun était fort intércssé
a
pr cndre ses
précautions contrc les Bourbons, et qu'apres
avoir écarté Napoléon par les votes du Sénat, il
s'occuperait immédiatement de faire rédiger une
conslitution appropriée aux besoins et aux lu–
mieres du siecle.
Les choses ainsi entendues, M. de Tallcyrand
prit, en sa qualité de grand dignitaire et de vice–
président du sénat, la résolution de convoqucr
ce corps pour Je
1
•r
avril, lendemain de l'entrée
des armécs alliées, afin de pourvoir
a
la défaillance
de J'autori té publique. Bien q u'on cttt frappé
a
beaucoup de portes , qu'on eut visité beaucoup
de sénatcurs, le nombre de ccux qui nvaient
quitté Ja capitalc
a
Ja suite de l\fa ric-Louise, ou
qui étaicnt par Jeurs fonction s rctcnus aupres de
Napoléon , Je nombre surlout des intimidés était
si grand , qu'a peine put-on réunir soixante-dix
sénateurs environ sur cent quarante. A trofa
h eurcs ils étaient en séancc, attendant avec r é–
signatioo ce qu'on a\Jail leur proposcr. Dans un
discours asscz mal écrit par l'abbé de Pr:-idt,
l\L de Talleyrand Icor dit q u'ils étaicnt appclés
a
venir au secours d'un
peuple délaissé
(maniere
de fonder sur le départ de fa r égcntc Ja r ésolu–
tion qu'il s'agissait de prendre), et
a
pourvoir
au plus indispensable bcsoin de toutc société,
celui d'etrc gouvernéc; qu'ils étaicnt done in–
vilés
a
créer un gouvernemcnt provisoirc, Jeque}
saisirait les renes de l'administration actuelle–
ment abandonnées. A ce discours, prononcé avec
l'ordinaire nonchalance de M. de Talleyrand, et
écouté dans un profond silencc, pcrsonnc n'op–
posa une objec:tion. l\'Iais les membres de l'oppo–
sition libérale dcmanderent sur-le-champ que
l'reuvre de ce gouvernement provisofre ne con–
sistat pas seulement
a
se saisir de !'administra-
tion de l'État que personne ne dirigeait plus eh
ce moment, mais
a
rédiger une constitution qui
consacrerait les príncipes de la révolution fran–
<¡aise, et .,un séducteur, aposté pour nllécher ses
collegues, s'empressa d'ajouter que Je Sénat et
le Corps législatif devraient occuper Ja place des
grands corps politiques dans
la
constitution fu–
ture. On s'accorda réciproqucment ces diverses
propositions, et il fut
enten.duque le gouverne–
ment qu'on allait nommer, apres s'etre emparé
du pouvoir, procéderait immédiatement
a
la ré–
daction d'une constitu tion. Ces points convenus,
il fallait songer
a
composer ce gouvcrnement
qualifié de provisoire. 11 cst inutile de dire que
le nombre, le choix des individus, tout avait
été arreté d'avan ce chez
l\'I.
de Talleyrand. Le
nombre <le trois ne répondant pas assez aux di–
vers besoins de Ja circonstance, on avait ad'opté
celui de cinq, et, quant aux pcrsonnes, on avait
cherché parmi les amis de l\f. de Talleyrand les
hommes qui, tout en Jui étant soumis, avaient
d'utiles relations avec les di:fférents partís.
A M. de Talleyrand, chef indiqué du nouveau
gouverncment, on acljoignit done quatre per-_
sonnes .
J,a
premicrc fut le duc de Dalberg, peu
connu en France, mais l'ouvrier le plus ancien,
le plus actif, Je plus habiJe de Ja trame sourde
qui éclatait actuellement au grand jour, et en
outre lié intimcment avec les princes et les mi–
nistres él.rangers qui étaient les appuis néces–
saircs de la nouvelle révolution. Ce choix imaginé
pour Ja diplomatie étrangere,
il
en fallait un
pour l'nrrnée. On songea au vieux Beurnon–
ville, officier des premicrs temps de Ja révolu–
tion, médiocrilé bienveillante et mobile, tout
a
l'heure s'apitoyant avec M. de Lavalelte sur les
malhcurs de NapoJéon, et a présent indigné
contrc ses fautes
a
l'hótel Tallcyrand, ayant ·du
reste de grandes rclations d'amitié avec la plu–
part des mécontcnts de J'armée. Il fallait aussi
r épondre Je plus possible aux opinions des par–
tís, sans sortir de la société de M. de Talleyrand,
cssenticllement modérée. On désigna l\L de
J aucour t, galant homme, ancicn constituan.t,
doux, éclairé, Iibéral, ayant appartenu
a
la
minorité de la noblesse, et rcprésentant heu–
rcuscmcn t les homrnes qui voulaicnt unir les
Bourbons et la liberté. Enfin pour que le roya–
lisme, in1luencc importante du momcnt, cut sa
part., on choisit l\f. J'abbé de l\fontesquiou, l'un
des présidents de l'Assemblée constituante, resté
pendant l'Empire Je corrcspondant sccret de
Louis
XVIII ,
hommc d'églisc et hommc du