PREMIERE ABDICATION. -
MARS
t8U.
ti07
l'adulant
il
l'avait toujours ha! au fond du coour.
l\'Iais pour inspirer
a
ce corps le courage de se
prononcer, il fallait que Napoléon parut irré–
vocablement condamoé. Sans cclte ccrtitude, la
mernc timidité qui avait tenu le Sénat silencicux
devant Napoléon, le tiendrait silenc.ieux cncore
devant son ombre. Pour lever cette difficulté,
il
se présentait un moyen fort simple, mais qui
devait précéder toute autre démarche, c'était de
déclarer que les monarques alliés, réunis
a
Paris,
et
disposés
a
concéder Ja paix Ja plus honorable
a
la Frunce, avaient pris la résolution de ne plus
traiter avec Napoléon, avec lequel toute paix
sincere et durable était jugée impossible. Bien
que ce füt un engagement assez grave
a
prendre,
ce moyen étant le seul qui put faire éclater
l'opinion publique a l'égard de Napoléon, il n'y
avait guere a hésiter, et on n'hésita point. Le
projet de déclaration fut adopté. Pourtant, au
gré de ceux qui désiraient les Bourbons et you–
laient etre satisfaits le plus lót possible, ce n'était
pas assez de dire qu'on ne traiterait plus avec
Napoléon, il fallait dire encore qu'on ne traite–
rait avec aucun aulre membre de sa famille, car
si on laissait une chance ouvcrle en faveur de
son fils, ce serait assez pour glacer les gens
timides, sur lesquels il importait d'agir daos le
moment. Ce complément indispensablefut ajouté
sur la proposition de l'abbé de Pradt, et la décla–
ration suivante, signée par Alexandre au nom
de ses alliés, fut immédialement placardée sur
les murs de Paris.
1(
Les armées des puissances alliées ont oc–
" cupé la eapitale de la France. Les souverains
1(
alliés accueillent le vceu de la nation fran<;aise.
1t
Ils déclarent:
u
Que si les conditions de la paix devaient
1(
renfermer de plus fortes garanties Jorsqu'il
u
s'agissait d'enchainer l'arnbition de Bonapaí'le,
1\
elles doivent etre plus favorables, lorsque, par
1(
un retourvers un gouvernement sage, la France
cc ~elle-meme
offrira des assurances de repos.
1<
Les souverains alliés proclament en consé–
u
quence:
11
Qu'ils ne traiteront plus avec Napoléon Bo–
(cc
naparte ni avee aucun membre de sa famille ;
«
Qu'i ls respectent l'intégrité de l'ancicnne
u
France, telle qu'elle a existé sous ses rois
(( légitimes ; ils peuvent memc faire plus, parce
«
qu'ils professent toujours le principe que,
u
pour le bonheur de l'Europe,
il
faut que Ja
11
France soit grande et forte;
«
Qu'ils reconnaitront et garantiront la Con-
1(
stitution que la nation fran<;aise se donnera.
11
lls inviteut par conséquent le Sénat
a
désigner
u
un gouvernement provisoire, qui puisse pour–
«
voir aux besoins de l'administration, et pré–
u
parer la constitution qui conviendra au peuple
11
fran<;ais.
ce
Les intentionsquejeviens d'exprimer mesont
u
éommunes avec toutes les puissances alliées.
C(
ALEXANDRE.
11
P. S. M.
l.
ce
Le secrétaire d'État,
comte de NESSELllODE.
" Paris,
le
51mai·s1814,
lrois
heures
up1·es mi<li. "
11 ful convenu que, s'appuyant sur cette décla–
r ation,
.l\f.
de Talleyrand et ses coopérateurs
s'abouchcraient avcc les membres du Sénat, les
décideraicnt a nommer un gouvernement pro–
visoire, et qu'ou aviscrait ensuile aux moyens
de prononcer directcmcnt et définitivcment la
déchéance de Nnpoléon.
A
pres ce pl'emier acte, les souverains se sépa–
rcrent. Alexandre de.meura .chcz M. de Talley–
rand, Je roi de Prusse alla fixer sa résidence
dans l'hótel du prince Eugene, qui est devenu
depuis l'hótel de la légation de Prusse. Les
ordres furent donnés pour que les troupes alliées
ne prissent point leur logement chcz les habi–
tanls, mais que, pourvues des vivres nécessaires,
elles établissent leurs bivacs sur
les
principales
places de la capitale, et notamment dans les
Champs-Élysées. Le général Sacken fut nommé
gouverneur de Paris. Les rédacteurs des divers
journaux furent, ou changés, ou invités a parler
dans le sens de la révolution nouvelle. On se
servit du télégraphe, tel qu'il existait alors,
pour annoncer les grands événements accomplis
daos la capitale, avec mcntion réitérée des inten–
tions généreuses des puissances. Les royalistes,
anciens ou nouveaux, qui avaient dans cette
journée assiégé l'hótel Talleyrand, se répandi–
rcnt daos la capitale afio d'y propager l'espé–
rance et presque la certitude du prochain réta–
blissement des Bourbons. Ceux d'entre cux qui
avaient promené le matin daos Paris le drapeau
blanc, s'étant assemblés tumultueusement, pro–
poserent de s'adresser aux souverains étrangers,
pour leur demander que les Bourbons fuss ent
immédiatement proclamés. Ils trouvaient que si
c'était déja quelque chose de déclarer qu'on ne
traiterait plus avec Napoléon, ce n'était point
assez, et qu'il fallait annoncer qu'on traiterait
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