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LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.

sureté personnelle, mais pour la suite de leurs

dcsseins. lis se rendirent sans s'arreter aux

Champs-Élysées, pour y passcr la revue de leurs

soldats. C'était une maniere de remplir, par un

grand spectacle militaire, les heures de ·cettc

journée, tandis que leurs ministres vaqueraient

a

des soins plus sérieux et plus pressants. Il

était urgent, e:ffectivement, de parler

a

cette

ville de París, si redoutée meme dans sa défaite ,

de luí dire qu'on ne venait ni conquérir, ni op–

primer, ni humilier la France, qu'on lui appor–

tait seulement la paix, dont n'avait pas voulu un

chef intraitable, et que, quant

a

la forme de son

gouvernement, on la laisserait libre de choisir

celle qui lui conviendrai

t.

Mais pour concerter ce

langage, pour savoir mcmc

a

qui l'adresser'

il

fallait s'aboucher avec des personnages accrédi–

tés, et pendant

la

revue des Champs-Élysées ,

M. de Nesselrode s'était rendu aupres de celui

q1.1'indiquait une sortededésignation univcrselle,

c'esl-a-dire aupres de M. de Talleyrand . IlTuvait

lrouvé dans son célebre hotel de Ja rue Saint–

Florentin, altendant cette démarche si facile

a

prévoir, et lui avait demandé, au nom des mo–

narques alliés, que! était le gouvernement qu'il

fallait constituer, en lui déclarant qu'on s'en

fierait

a

ses lumieres plus volontiers qu'a celles

d'aucun homme de Frunce.

l\J.

de Talleyrand,

qui connaissait et appréciait depuis longtcmps

l'habile diplúmate dépeché. aupres de Jui, l'ac–

cueilli t avec empressement, et lui dit., ce qui

était vrai , que le gouvernemcnt impérfol était

complétement r uiné dans les esprits, que le ré–

gime de la guerre perpétuelle inspirait en

1814

autant d'horrcur que celui de la guillotine en

1800,

et que ricn ne serait plusfocile que d'opé–

rer une révolution, si l'on traitait la France avec

les égards dont ce grand pays élait digne, si on

Iui prouvait surtout par les faits aussi bien que

par les paroles, que les souverains alliés vou–

Jaient clre non pas ses conquérants, mais ses

libérateurs. Dans ces termes généraux

il

élait

aisé de s'enlendre. 1\f. de Nesselrode répéta les

assurances qu'il était chargé de prodiguer, et les

- deux diplomates commern;aient

a

disculer les

graves sujcts que comportait la eirconstance,

lorsque M. de Ncsselrode re<;ut ele l'cmper eur

Alexandreun messagesingulier, dont l'objct était

le suivant. Par une modestie pleine de <léliea–

tcssc, Alexandre avait voulu loget· non aux Tui–

Jories, mais

a

l'Élysée, et pendant la revue on

luí avait rcmis un billet dans lequcl on préten–

dait que l'Élysée était miné. 11 avait envoyé ce

billet

a

M. de Nesselrode pour que celui-ci s'in–

format si un tel avis avait le moindrefóndement.

J\j ·

de Nesselrode communiqua ce message

a

M. de Talleyrand, qui sourit d'un avis aussi pué–

ril, et qui cependant o:ffrit courtoisement de

meUre

a

la disposition de l'empcreur Alexandre

son hotel, ou aucun dangcr n'était

a

craindre, et

ou depuis longtemps régnaient des habitudes

tout

a

fait princieres.

l\f.

de Nesselrode saisit

cette offre avec empressement, car c'était donner

un haut témoignage de considération

a

un per–

sonnage dont on avait grand besoin, c'était aug–

menter son influence, et se ménager meme bien

des commodités pour l'oouvre qu'on allait e'ntre–

prendre.

Les hommes qui depuis quelque temps étaient

ou les eonfidents ou les visiteurs assidus de

M. de Talleyrand,

le

duc de Dalberg, l'abbé de

Pradt, le baron Louis, le général Dessoles, et

une infinité d'autrcs, étaient accourus chez lui

pour s'entretenir des prodigieux événements qui

étaient en voie de s'accomí)lir. 11 avait done sa

cour toutc formée pour recevoir l'empcreur

Alexandre lorsque celui-ci, apres avoir passé ses

troupes en revue, -se transportcrait

a

l'hótel de la

rue Saint-Florentin. L'empereur Alexandre étant

descendu de eheval sur la place de la Concorde,

se rendit

a

picd chcz le grand digoitaíre impé–

rial, lui tendit la main avec celle courtoisie qui

séduisait tous ceux qui ne savaient pas combicn

il y avait de finesse cacbée sous Je charme de ses

manieres, traversa les appartements qui conte–

naient déja une foule empressée, se laissa pré–

senler les nouveaux royalistes, dont le nombre

augmentait

a

vue d'reil, et apres avoir prodigué

a

chacun les témoignages les plus flattcurs, s'en–

fe1-ma avec M. de Talleyrand pour le consulter

sur les importantes résolutions qu'il s'agissait

d'adopter. Leroi de Prusse, le prince de Schwar–

zenbcrg, appelés

a

cette conférence, s'y rendirent

immédiatement, et M. de Talleyrand demanda

l'autorisation d'y introduire son véritable, son

unique complice, le duc de Dalberg, qui, plus

téméraire que lui, avail osé envoyer un émis–

saire au camp des alliés. A peine assemblés, ces

éminents personnages enlreprirent de traiter le

grand sujet qui les réunissait, celui du gouver–

nemen

ta

donner

a

Ja Franee.

Alcxandre qui avait déja pris l'habitude, et

qui continua de la prendre chaque jour davan–

tage, d'ouvrir les entretiens et de les clore,

Alexandrc commen<;a _par répéter ce qu'il disait

a

tout le monde, que lui et ses alliés n'étaient