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UVRE

CINQUANTE-TROISIEME.

se joindrait

a

moi, jetterait ce qu'elle a de plus

lourd sur la tete des alliés, les paysans de la

Bourgogne les achevcraient. Il n'en reviendrait

pas un sur le Rhin, la grandeur de la France

serait refaite. Si j'avais l'armée

!. ..

mais je ne

l'aurai que daos trois ou quatre jours. Ah! pour–

quoi ne pas tcnir quelques heures de plus?... -

Et en proférant ces paroles, Napoléon va et

vien t dans la piece fort petite, qui le contient

a

peine avec les témoins peu nombreux de cctte

sccne étr:rnge... - Pour le calmer,

l\J.

de Cau–

laincourt lui dit : Mais, Sire, l'armée viendra,

et dans quatre jours Votré Majesté pourra encore

faire ce qu'elle ferait aujourd'hui. - Napoléon

qui j usque-la ne semblait ni écou ter ni saisir ce

qu'on Jui disait, releve tout

a

eoup la tete, va

droit

a

M. de Caulaincourt, et lui, qui n'avait

jamais paru admettre la possibilité d'une révo–

lution, s'écrie : Ah! Caulaincourt, vous ne con–

naissez pas les hommes ! Trois jours, deox jours

!

vous ne s&vez pas lont ce qu'on peut foire dans

un temps si court. Vous ne savez pas tout ce

qu'on fera jouer d'intrigues contre moi ; vous ne

save.zpas combien il y a d'hommes qui me quitte–

ront. Je vous les nommerai tous, si vous voulez.

Tenez, on prétend que j'ai ordonné de faire sor–

tir de :earis l'lmpératrice et mon fils; la chose

est vraic, mais je ne puis pas tout dire. L'lmpé–

ratricc est une enfant, on se serait serví d'clle

contre moi, et Dicu sait quels acles on lui aurait

arrachés

!...

l\'Iais oublions ces miscres. Trois

jours, quatrc jours, c'est bien long! Pourtant

I'armée arrivera, et si on me seconde,

la

France

pcut etre sauvéc. - Napoléon se tait, réfléchit,

fait encore quelques pas toujours rapides, puis,

avec l'accent de l'inspiration : Caulaincourt,

s'écrie-t-il, je tiens nos cnnemis; Dieu me les

livre

!

je les écrascrai dans Paris, mais

il

faut

gagner du temps. C'est vous qui m'aidercz

a

le

gagner. - .Alors, indiquan t qu'il voulait etre

seul, il demeure avec M. de Caulai.ncourt, et lui

expose ses idées, qui sont les suivantes : 11 fa ut

que M. de Caulaincourt se rende

a

París, aille

voir Alexandre, duque! il sera bien accueilli ,

qu'il fasse appel aux souvenirs de ce prince, qu'il

cherche

a

réveillcr ses anciens sentiments, qu'il

lui fasse entrevoir les dangers qui le menacent

dans cette grande capitale, Napoléon surtout

approchant avec soixante mille hommes, en re–

cueillant vingt mille qui sortent de Paris, les uns

et les autres avides de vengeance, et voulant

a

tout prix relever l'honneur de nos armes. Cette

perspective, Alexandrel memc sans qu'on la lui

monlre, doit en avoir l'imagination frappée, et

quand on s'appliquera

a

}a placer

SOUs

ses yeux,

cJle produira bien plus d'effet encore. Si, dans

cette disposition d'esprit, on luí offre une paix

immédiate,

a

des conditions qui s'approcheront

de celles de Chatillon,

il

ne voudra pas compro–

mettrc son triomphe,

il

pretera l'oreille, il ren–

vcrra

l\f.

de Caulaincourt au quartier

g~néral

fran<_:ais.

l\f.

de Caulaincourt ira et reviendra.

Trois, qu atre joursseront bientót passés, etalors,

ajoute Napoléon, j'aurai l'armée, et tout sera

réparé ! - Mais

1

Sire, répond M. de Caulain–

court, ne serait-ce pas le cas de négocier sérieu–

sement, de vous soumettre aux événements si ce

n'est aux hommes , et d'accepter les bases de

Chatillon, au moins les principales? - Non, ré–

plique Napoléon, c'est bien assez d'avoir hésité

un instant. Non, non, l'épée doit tout terminer.

Cessez de m'humilier

!

on peut aujourd'hui cn–

core sauver la grandeur de la France. Les chances

réstent belles, si vous me gagncz trois ou quatre

jours. -

:M.

de Cautaincourt, tout ferme qu'il

était, avait peine

a

résister au torrent de cette

énergic que tant de malheurs n'avaient point

abattue, et

il

demande qu'on lui adjoignc le

prince Berlhier, qui a le secret des ressources

dont l'Empereur dispose encore, qui cst connu,

estimé des souverains, qui pourra se faire écou–

ter. Napoléon ne !aisse pas achever

M.

de Cau–

laincourt. D'abord

il

a besoin de Berthier, qui

seul connait daos tous ses détails la distribútion

de l'armée sur le théatre confus de la guerre;

mais ce n'est pas sa plus forte raison. Berlhier

est excellent, dit Napoléon,

il

a de grandes qua–

lités, il m'aime, je l'aime, mais il est faiblc. Vous

n'imaginez pas ce qu'en pourraient faire les.intri–

gants qui vont s'agiter. Allez, partez sans lui,

il

n'y a que vous dont la trempe puisse résister au

foyer de ces intrigues.

Apres ce colloque si animé, il fut convenu que

Napoléon irait s'établir

a

Fontainebleau, qu'il

y

concentrcrait l'arméc,

y

réunirait les ressources

qui lui restaient, et que tandis qu'il préparerait

tout pour une derniere et formidable lutte,

M.de

Caulaincourt s'efforcerait sinon d'arreter, du

moins de ralentir les entreprises politiques que

les alliés allaient tenter dans Paris avecle secours

des mécontents, qu'iJ gagnerait ainsí trois ou

quatrc jours, qu'alors l'heure supreme du salut

sonnerait, et que Napoléon paraitrait aux portes

de Ja capitale pour

y

succombcr peut-etre, mais

pour y cntrainer certainement la coalition dans

sa chute. M. de Caulaincourt accepta cette mis-