PREI\UERE
ABDICATION. -
n1Ans
1814.
49!)
que les troupes qui avaient défcndu Paris dépo–
sassent les armes. Un mouvement d'indignation
rut la seule réponse des deux maréchaux. Puis
les parlementaires ennemis se réduisirent
a
demander que les maréchaux se retirassent en
Bretagne avcc lcurs troupes, pour qu'ils ne pus–
sent exercer aucune influcnce sur Ja suite de la
guerre. Les maréchaux refusercnt de nouveau,
et exigerent qu'on les laissat se retirer ou ils
voudraient. On en tomba d'accord, moyennant
qu'ils évaeueraient la ville dans la nuit. Cette
condition fut acceptée, et
il
fut convenu que
des officiers se réuniraient dans Ja soirée pour
réglcr les détails de l'évacllation de la capitale.
Telle fut cette célebre capitulation de París,
a
Jaquelle il n'y a rien de sérieux
a
reprocher, car
pour les deux maréchaux elle était devenue une
nécessité. Ils avaient assurément fait tout ce
qu'on pouvait attendr'? d'eux, pllisque avec 25 ou
24 mille hommes ils avaient pendant une jour–
née enti9re tenu tete a
170
mille, dont 100 mille
engagés, et qµ'ayant eu 6 mille hommes hors de
combat, ils en avaient tué ou blessé le double
a
l;enuemi. Qu'on se figure ce qui serait arrivé, si
Paeis occupant les coalisés trois ou quatre jours
encore, ils avaient été surpris par Napoléon pa–
raissant sur leurs derrieres avec 70 mille com–
battants
!
Et s'il n'en fut pas ainsi,
a
qui s'en
prendrc, sinon a Napoléon d'abord, qui se déci–
dant trop tarda avouer sa situation, n'avait pas
fait exécuter sous ses yeux les travaux nécessaires
:rntour de la capitale; qui dispersant ses res–
sources d'Alexandrie a Dantzig, n'avait pas· eu
cinquante mille fusils
a
donner aux Parisiens; et
aprcs Jui,
a
ceux qui, chargés de Je suppléer en
son absence, avaient montré si peu d'activité,
<l'intelligence et d'énergic, et avaient réduit la
défense de la .eapitale
a
une bataille de 24 mille
hommes contre 170 mille?
En traitant pour leurs corps d'armée, les
deux maréchaux n'avaient rien pu stipulcr rela-
.tivement
a
la ville de París, et au gouvernement
qui résidaiL en ses murs, car ils n'avaicnt ni
pouvoirs ni mission pour le faire. De plus tous
les ministres s'étaientretirés
a
la suite de Joseph.
Le duc de Rovigo, obéissant
a
ce qui était con–
vcnu (on avait réglé que les ministres suivraient
la Régente des que Paris ne serait plus tenable),
était partí en lajssant aux deux préfets, celui qui
dirige l'administration de la capi tale et celui qui
en dirige la police, le soin d'y maintenir Ja tran–
quillité. 11 n'y avait done plus de gouvernemcnt,
et le vide, dont le danger avait été tant de fois
signalé par ceux qui s'opposaient au départ de
la Régente, était enfin produit.
L'homme destiné
a
rcmplir bienlot ce vide,
I\L
de Talleyrand, que par un instinct secret
Napoléon avait entrevu comme l'auteur proba–
ble de sa chute, et que le public, par un instinct
tout aussi
sur,
regardait comme l'auteur néces–
saire d'unc révolution prochaine,
I\f.
de Talley–
rand se trouvait en ce moment dans une extréme
perplcxité. En sa qualité de grand dignitaire, il
devait suivre
la
Régente; mais en partant .il
fuyait le grand role qui l'attcndait, et en ne par–
tant pas il s'exposait
a
etre pris en flagrant délit
de trahison, ce qui pouvait devenir grave, si
Napoléon, par un coup de fortune toujours pos–
sible de sa part, rcparaissait victorieux aux portes
de la capitale. Pour sortir d'embarras, il imagina
de se transporter aupres du duc de
l~ovigo,
afin
d'en obtenir l'autorisation de rester
a
Paris, car,
disait-il, en l'absence de tout gouvernement,
il
scrait en position de rendre encore d'importants
services. Le duc de Rovigo, soupc;onnant que ces
services seraicnt rendus
a
d'autres qu'a Napo–
léon , lui rcfusa eettc autorisation, qu'il n'avait
pas d'ailleurs le pouvoir d'accordcr.
I\L
de Tal–
leyrand alla trouver les préfets, n'obtint pas da–
vant.age ce qu'il désirait, et ne sachant comment
faire pour couvrir d'un prétcxte spécieux sa
présence prolongée
u
París, prit le parti de
monler en voiture pour feindre au moins la
bonne volonlé de 'suivre la Régente. Vers la
chute du jour,
a
l'heure ou finissait le combat,
il se présenta, sans passc-port et en grand appareil
de voyage,
a
la barriere qui donnait sur la route
d'Orléans. Elle était occupée par des gardes na–
tionaux fort irrités contre ceux qui dcpllis deux
jours désertaient la eapitale.
JI
se
fit
autour de
sa voiture une sorte de tumulte, naturel selon
quelques contemporains, ét, selon d'autres, pré–
paré
a
dessein. On lui demanda son passe-port
qu'il ne put montrer; on murmura contre ce dé–
fautd'une formalité essentielle, et alors, avec une
déférenee afi'ectée pour la consigne des braves
défenseurs de París,
il
rebroussa chemin et rentra
dans son hotel. La plupart de ceux qui avaient
contrihué
a
le rctenir, et qui ne désiraient pas
de révolution , ne se doutaient pas qu'ils avaient
retenu l'homme qui allait en faire une.
N'étant pas complétcment rassuré sur la régu–
larité de sa conduite, M. de Talleyrand'se rendit
chez le maréchal Marmont, qui, la bataille finie,
s'était haté de regagner sa demeurc, située dans
le faubourg Poissonniere. Des gens de toutc
•
•