PREl\flERE ABDICATION. -
MARS
18:14.
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manda-t-il. -Général -Belliard, répondit le prin–
cipal d'entre eux. - C'était en effet le général
Belliard, qui, en exécution de la eapitulation de
Paris, se rendait a Fontainebleau, afin d'y
chercher un emplacement convenable pour les
troupes des deux maréchaux. Napoléon, se pré–
cipitant alors a has de sa voiture, saisit par le
bras Je général Belliard, le conduit sur le cóté
de la route, et la multipliant ses questions, il lui
donne
a
peine le temps d'y répondre, tant elles
sont pressées. - Ou est l'armée? demande-t-il
tout de suite. - Sire, elle me suit. - Ou est
l'ennemi? ·- Aux portes de París. - Et qui
occupe Paris? - Personoe; il est évacué
! -
Comment, évacué
!. ..
et mon fils, ma femme,
mon gouvernem,ent, ou sont-ils? - Sur la Loire.
- Sur la Loire
!...
Qui a pu prendre une réso–
lution pareille? - Mais, Sire, on dit que c'est
par vos ordres. - Mes ordres ne portaient pas
telle ehose... Mais Joseph , Clarke, Marmont,
Mortier, que sont-ils devenus? qu'ont-ils fait? -
Nous n'avons vu, Sire, ni Joseph, ni Clarke, de
toute Ja journée. Quant
a
Marmont et
a
Mortier,
ils se sont conduits en braves gens. Les troupes
ont été admirables. La garde nationale ellc–
meme, parlout ou elle a été au feu, rivalisait
aveé les soldats. On a défendu héro'iquement les
hauteurs de Belleville, ainsi que leur revers
vers la Villette. On a meme défend u
l\f
ontmar–
tre, ou
il
y
avait
a
peine quelques pieccs de
canon , et l'ennemi , croyant qu'il
y
en avait da–
vantage, a poussé une colonne le long du chemin
de la Révolte pour tourner Montmartre, s'expo–
sant ainsi
a
etre précipité dans la Seine. Ah!
Sire, si nous avions cu une réscrve de 10 mille
hommes, si vous aviez été la, nous jetions les
alliés dans la Seine, et nous sauvions Paris, et
nous vengions l'honneur de nos armes!. .. -
Sans doute si j"avais été la, ma-is je ne puis etre
partout
!. ..
Et Clarke, Joseph, ou étaient-ils?
l'\lcs· deux cents bouches
a
feu de Vinccnnes,
qu'e~
a-t-on fait? et mes braves Parisicns, pour–
quoi ne s'est-on pas servi d'eux? - Nous ne sa–
vons rien, Sire. Nous étions sculs et nous avons
fait de notre mieux. L'ennemi a perdu 12 mille
hommes au moins. - Je devais m'y attendre
!
s'écrie alors Napoléon. Joseph m'a perdu l'Es–
pagne, et il me .perd la France... EL Clarke !
J'aurais bien du en croire ce pauvre Rovigo, qui
me disait que Clarke était un Iachc, un traltre,
et de plus un homme incapable. Mais c'est assez
se plaindre ,
il
faut réparer le ma
1,
il
en est
temps encol'e. CaulaincourL l ma Yoiture ... -
Ces mots dits, Napoléon se meta marcher dans
la direction de París, en commandan t a tout le
monde de le suivre, comme s'il pouvait ainsi ga–
gner du temps. Mais Belliard et ceux qui l'en–
touren t s'efi'orcent de le dissuader. - 11 est trop
tard, lui dit Belliard, pour vous rendre
a
Paris;
l'armée adule quitter; l'ennemi
y
sera bientót,
s'il n'y est déja. - Mais, r épond Na poléon,
l'armóe nous la ramenerons en avant, l'cnnemi
nous le jetterons hors de Paris; mes braves Pari–
siens entendront ma voix, ils se ICveront tous
pour refouler les barbares hors de leurs murs. ____,
Ah! Sire,
il
est trop tard, répeLe Belliard ,
l'infanterie est la qu i me suit; d'ailleurs nous
avons signé une capitulation qui ne nous permet
pas de rentrer. - Une capitulation ! et qui done
a été asscz lache pour en signer une? - De
bravcs gens, Sire, qui ne pouvaicnt fa ire autre–
ment. - Au milieu de ce colloque , Napoléon
marche toujours, ne voulant ri en écouter, de–
mandant sa voiture que Caulaincourt n'amene
point, lorsqu'on
aper~oit
un officier d'infanterie.
C'était Curial. Napoléon l'appellc, et apprend
alors que l'infanlerie est la' c'est-a-dire
a
trois
ou quatre lieues de Paris, et qu'il n'est plus
temps d'y rentrer. Vaincu par les faits, par les
explications qu'on lui donnc,
il
s'arrete aux dcux
fonlaincs qui s'élevent sur la ro ute de
J
uvisy,
s'assied au bord, et demeure quclque temps la
tete dans ses rnains, plongé dans de profondes
réflexions.
On se tait, on regardc, on aLlend. Enfin il se
leve,
il
demande un lieu ou
il
puisse s'abriter
quelques instants.
JI
anit foit, outre trente licues
en voiture, trente lieues a cheval, il élait acca–
blé par la fatigue, mais il ne la sentaiL pas. 11
voulait une table, de la lumiere, pour étaler ses
cartcs, pour donner ses ordres. On se rend chez
le rnaitre de poste voisin . On fait luire un pcu
de lamiere et on
apcr~oit
cnfin son visage, qui
conservait un reste d'animation , mais sans aucun
troublc; et ne laissait paraitre qu'une invincib!e
énergie.
On étalc des cartes;
il
examine, il réfléchit,
puis
il
dit : Si j'avais ici l'armée, tout scrait ré–
paré
!
Alexandre va se montrer aux Parisiens ;
il
n'cst pas méchant, il ne veut pas brUlcr Paris,
il ne veut que se faire voir a cette grande ville.
11 passera demain une revue, il aura une partie
de ses soldats a droite de la Seine, une autre
a
gaucbe;
il
en
aur~
une portion dans París , une
autre dehors, et, daos cette position, si j'avais
mon arméc, je les écras.rais lous. La population
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