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PREMlERE

ABDICATION. -

ntAR.S

:l8!4.

ili05

fit

promeltre

a

son tour de garder a Paris la ré–

serve d'un parlemcntaire, puis il le quitta, car

l'heure du triomphe approchait, et son orgueil

était impatient. 11 ne voulait pas brU!er Pal'is,

mais

y

entrer.

Lejeudi 51 mars 1814, jour de douloureusc

et ineffac;able mémoire, les souvcraíns alliés se

mirent en marche, vers les dix ou onze heures

du matin, pour faire dans París leur entrée

triomphale. L'empereur Alexandre s'étaít attri–

bué, et on luí avait laissé prendre, le premier

role. Le roí de Prusse le lui cédait de bien grand

creur, trop heureux du succes des armes alliées ,

succcs que sa défiance du sort lui avait fait

mettre en doute jusqu'au dernier instant. L'em–

pereur Franc;ois et M. de Metternich, séparés

du quartier général des alliés par la bataille

d'Arcis-sur-Aube, s'étaient retirés

a

Dijon, ou

ils ignoraient la prise de París. Le prince de

Schwarzenberg avait du reste assez d'autorité et

de conuaissance de leurs intentions pour les

remplacer complétement dans ces graves circon–

stances. Lord Castlereagh, ministre d'un gou–

vernement ou il faut tout expliquer

a

la natíon,

était allé donner au Parlement les motifs du

traité de Chaumont. Personne ne pouvait done

en ce moment disputer au czar l'empire de la

sítuation, et

il

y parut bienlót par le dehors

aussi bien que par le fond des choses.

Alexandre ayant asa droite le roí de Prusse,

asa gauche le prince de Schwarzenberg, derriere

luí un brillant état-major, et pour escorte cin–

quante mille soldats d'élite, observant un ordre

parfait, et portant au bras une écharpe blanche

qu'ils avaient adoptée pour éviter les méprises

sur le champ de bataille, Alexandre s'avanitait a

cheval

a

travers le faubourg Saint-Martin. Une

proclamation des deux préfets, annonc;ant les

intentions bienveillantes des monarques alliés,

avait averti la population parisienne de l'événe–

ment solennel et, douloureux qui allait attrister

ses murs. Dire les émotions de cette population,

en~roie

aux sentiments les plus contraires, se–

rait difficile. Le peuple de París, toujours si

sensible

a

l'honneur des armes

fran~aises,

irrité

de n'avoír pas obtenu les fusils qu'íl demandait,

soup~onnant

meme des trahisons la ou

il

n'y

avait eu que des faiblesses, supportait avec une

aversion peu dissimulée la présence des soldats

élrangers. La bourgeoisie plus éelairée saos etre

moins patriote, appréciant les causes et les con–

séquences des événements, était partagée entre

l'horreur de l'invasion, et la satisfaction de voir

cesser le despotisme et la gucrre. En(in, l'an–

cienne noblesse franitaise, a force de ha'ir la ré–

volution oubliant la gloire du pays qui jadis luí

était si cbere, éprouvait de la chute de Napoléon

une joie folle, qui ne lui permettaít pas de sentir

actuellement le désastre de la patrie. Quelques

membres de cette noblessc, daos le désir d'ame–

ner

a

París un événement semblable

a

celui de

Bordeaux, parcouraient le faubourg Saint-Ger–

main, la place de la Concorde, le boulevard, en

agitant un drapeau blanc, et en poussaÍlt des cris

de

vive le

1·oi

!

qni restaient sans écho, et pro–

voquaient meme assez souvent une désapproba–

tion manifeste. Calme et triste, la garde natio–

nale faisait partout le scrvice, prete

a

maintenir

l'ordre, que personne au surplus ne songeait

a

troubler.

Tel était l'aspect de París. En suivant

a

tra–

vers une foule pressée et silencieuse le faubourg

Saint-Martín jusqu'au boulevard, les souverains

alliés ne rencontrerent d'abord que des visages

mornes, et parfois menac;ants. Du reste pas une

insulte, pas une acclamation ne signalerent lcur

marche grave et lente. En arrivant au boulevard

et en s'approchant des grands quartiers de la

capitale, les visages commencerent a changer

avee les sentiments de la population. Quelques

cris se firent entendre qui indiquaient qu'on

appréciait les dispositions généreuses d'Alexan–

dre.

JI

y répondit avec une sensibilité marquée.

Bientót ses saluts répétés a la populatíon, l'ordre

rassurant observé par ses soldats, amenerent

des manifestations de plus en plus amicales.

Enfin parut le groupe royaliste qui depuís le

matin se promenait dans París en agitant un

drapeau blanc. Ses cris enthousiastes de

vive

Louis XVIII,

vive Alexandre, vive Guillaume,

éclaterent subitemen

t

aux oreilles des souve–

rains, et leur causerent une satisfaction visible.

Aux cris violents de ce groupe vinrent se joindre

eeux de fcmmes élégantes, agitant des mouchoirs

blancs, et saluant avec la vivacité passionnée de

leur sexe la présence des monarques étrangers:

triste spectacle qu'il faut déplorer saos s'en

étonner, car c'est celui que donnent en tous

lieux et en tout temps les peuples divisés. Les

joies des partis

y

étouffent en effet les plus légi–

times douleurs de la patrie!

Ces dernieres manifestations rassurerent les

souverains alliés, que la froideur malveillante

témoignée par les masses populaires dans le

faubourg Saint-Martin et ·1e boulcvard Saint–

Denis avait inquiétés d'abord, non pour leur