PREMlERE ABDICATION. -
nu.ns18!4.
pas venus en France pour
y
opérer des révolu–
tions, mais pour
y ·
chercher la paix ; qu'ils
l'auraient faite
a
Chatillon, si Napoléon s'y était
preté, mais que n'ayant trouvé
a
Chatillon que
des rcfus, obligés de venir chercher cette paix
jusque dans les murs de Paris, ils étaient prets
a
la conclure avec ceux qui la voudraient fran–
chemcnt; qu'il ne leur appartenait pas de dési–
gner les hommes qui seraient chargés de repré–
senter Ja France en cette circonstance, et de
constituer son gouvernemcnt, qu'a cet égard ils
n'avaient Ja prétention d'imposer personne, que
Napoléon lui-meme ils n'auraicnt pas pris sur
eux de l'exclure, s'il ne s'était exclu en refusant
péremptoirement des conditions auxquelles
l'Europe atta'chait sa sureté; mais qu'aprcs lui
la régente Marie-Louise, Je prince Bernadotte,
la
république elle-mcme, et enfin Jes Bourbons,
ils étaient prets
a
admellre tout ce que la
nation fran<¡aise paraitrait désirer. Seulement,
dans l'intéret de l'Europc et de la Francc, on
devait choisir un gouvernement qui put se
maintenir, surtout en succédant
a
la puissante
main de Napoléon, car l'reuvre qu'on allait
accomplir,
il
ne fallait pas qu'on cut
a
Ja recom–
mencer.
Alexandre ne dissimula pas que, tout en ayant
pour Jes Bourbons une préférence naturelle, les
múnarqu es a11iés craigoaient que ces princes,
inconnus aujourd'hui de la France et ne la con–
naissant plus, ne fussent incapables de la gou–
verner; qu'ils n'cspéraient pas non plus qu'on
parvint
a
composer un gouvernement sérieux
avec une femme et un enfant, comme Marie–
Louise et le Roí de Rome, que c'étail l'avis no–
tamment de l'empereue d'Aut.riche; que
cher~
chant ainsi le mcilleur gouverncment
a
donuer
a
la Frunce il :ivait, lui, songé qucJquefois au
princc Ilernadotte, mais que, ne trouvant pas
beaucoup d'assenliment lorsqu'il parlail de ce
candidat,
il
se guderait bien d'insistcr; que du
reste dans cet état d'indécision , l'avis des souve–
dfos serait d'aulant plus facile
a
plier au vreu
de la France, seulc autorité
a
consulter ici; que
pour eux ils n'avaient qu'un intéret et un droit,
e'était d'avoir
la:
paix, mais de l'avoir sure en
l'accordant honorable, telle qu'on la devait
a
une
nation couverte de gloire,
et~
laquelle ils ne s'en
prenaient point de leurs maux, sachant bien que,
sous le joug détesté qu'on venait de briser, elle
avait souffert aulant que l'Europc.
A ce langage doux, flatteur, insinu ant, un
seul homme était appelé
a
répondre, et c'était
M. de Talleyrand. C'est
a
lu i que s'adressaient
particulierement ces questions, comme au plus
accrédité des personnages auxquels on pouvait
les poscr. Généralement peu impatient de se
prononcer, laissnnt volontiers les plus pressés
dire leur sentimcnt, rnais sachant se décider
quand
il
le fallait, M. de Talleyrand possédait au
plus haut point Je discernement des situations,
savait découvrir ce qui coovenait
a
chacune, et
avait d-e plus .l'art de donner
a
ses avis une forme
piquante ou sentencieuse, qui Jeur valait tout de
suite la vogue d'un bon mot, ou d'un mot pro–
fond. Il avait clairement discerné qu'élevé par
la victoire, Napoléon ne pouvait se soutenir que
par elle; que, vaincu
1
il
éta.itdétróné; que la ré–
publique n'étant pas proposablc
a
une généra–
tion qui avait assisté aux horrcurs de
1795,
la
monarchie étant Je seul gouvernement alors pos–
sible, il n'y avait de dynastie acceptable que celle
des Bourbons, car on ne crée pas
a
volonté et
art.ificieJlement les conditions qui rendent une
fa mille propre
a
régner. Le génie, le hasard des
r·évolutions, peuvent un moment élever un
homme, et on venait d'en avofr la preuve, mais
ce phénomcne passé, les peuples reviennent
promptement
a
ce que Je temps et de longues
habitudes nationales ont consacré. A l'abri désor–
mais des vengeances impériales, M. de Talley–
rand dit lentcment mais nettement la vérité
a
ce
sujct. Napoléon, selon lui, n'était plus possible.
La France, a laquelle
il
avait rendu de grands
scrviccs, qu'il luí avait malheureusement fait
payer cher, voyait en Jui ce qu'y voyait l'Europe,
c'est-a-dire Ja guene, et elle voulait la paix. Na–
poléon était done en ce momcnt le contraire du
vrou forme!, absolu de la génération présente.
Consentirail-il
a
signcr la paix,
il
ne faudrait pas
y
compler. En cffet une paix, meme tres-honora–
ble, lelle que la Frailee pourrait l'accepter, telle
que l'Europc daos sa haute raison devrait l'ac–
corder, cette paix quelle qu'elle
fUt,
serait tou–
jours lellement au·dessous de ce que Napoléon
devait prétendre, qu'il ne saurait y souscrire sans
déchoir, des lors sans avoir l'intention de la rom–
pre. 11 ne fallait done plus songe1·
a
lui, puisqu'il
était incompatible avec Ja paix, qui était le bc–
soin du monde entier, et on verrait bientót, en
Jaissant éclater l'opinion univcrselle encore com–
primée, que cctte maniere de pcnser était au
fond de tous les esprits. Que si Napoléon était
impossible personnellemcnl, il était tout auss
impossible dans sa femme et son fils. Qui pou–
vait croire sérieusement qu'il ne srrait pas der-
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