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LIVRE CINQUANTE:..TROISIEME.

riere Marie-Louise et le Roi de Rome, pour gou–

verncr sous leur nom? Pcrsonne. Ce serait

Napoléon avec tous ses inconvénients et tous

ceux de

la

dissimulation. 11 fallait par conséquent

rcnoncei·

a

une semblable combinaison, et puis–

que le prince auguste qui avait donné sa fili e

a

Napoléon faisait un géuéreux sacrificc

a

l'Eu–

rope, on dcvait accepter ce sacrifice en remer–

cian t l'empereur d'AuLriche de si bien comprcn–

dre les besoins de la situation . Quant au pl'ince

Bernadotte-, devenu l'héritier du tróne de Suede,

c'était chose 'moins sérieuse encore. Apres avoir

eu un soldat de génie, la France n'accepterait

pas un soldat médiocre, couvert du sang fran–

t¡ais. Restaient done les Bourbons. Sans doute la

France, qui les avait tant connus, les connaissait

pcu aujourd'hui, et éprouvait meme a leur égard

cerlaines préventions. Mais elle referait connais–

sancc avee-eux, et les accueillcl'ait volontiers s'ils

apportaient, en revenant, non les préjugés qui

avaient déja perdu lcur maison, mais les saines

idées du siecle. M. de Talleyrand ajouta1t qu'il

fallait les lier par de sages loisi et les réconci–

lier avee l'armée, en plat¡ant aupres d'eux ses

représentants les plus il!ustrcs; qu'avec du tact,

des soins, de l'applieation, tout cela pourrait se

faire; qu'il fallait bien, d'ailleurs, que ce füt pos–

sible, car c'était nécessaire; qu'apres tant d'agi–

tations, le besoin le plus impérieux des esprits

était de voir l'édifice social rétabli sur ses -véri–

tables bases, et qu'il ne semblerait l'etre que

lorsque le tróne de France serait rendu a ses

antiques possesseurs. Résumant enfin son opinion

en quelques mots, M. de Talleyrand dit : La

république est une impossibilité; la régence

Bernadotte, sont une intrigue; les Bourbons

seuls sont un príncipe.

Un tel langage avait de quoi plaire aux souve–

rains alliés, et

il

aurait Lrouvé parmi eux des

approbateurs encore plus chauds, si le vrai

représentant de la vieille Europe, l'empereur

l<'ran<¡ois, si le chef. du parti tory, lord Castle–

reagh, eussent été présents. Pourtant le rare

bon sens du roi Guillaume désirait que tout ce

_qu'on venait de dire fü t vrai. Alexandre, sans le

désirer autant, était pret cependant a l'admettre,

si la restauration des Bourbons était un moycn

de pacifier la Frunce sans l'humilier, de lui

p1aire surtout apres l'avoir vaincue. M. de

Talleyrand voulant donner

a

son opinion, nette,

ferme, mais exprimée sans véhémence, l'appui

d'un langage plus vif, plus chaleureux que le

sien, propasa aux souverains alliés et a leurs

ministres assemblés daos son salon, de leur

fair~

entendre quelques Frarn;ais, qui, a

des~titres

di–

vers, par leur esprit, leurs fonctions, leur róle,

-méritaient d'etre écoutés. On introduisit l'abbé de

Pradt, archeveque de Malines,récemmentambas–

sadeur

a

Varsovie, le baron Louis, financier hahile,

employé par Napoléon dans quelques opérations

importantes, le général Dessoles, l'ancien chef

d'état-major de Moreau, l'un des hommes les

plus estimés de l'armée.

L'entrevuc cessa des lors d'avoir le caractere

J 'un tete-a-tete. L'entretien devint animé, et

quelquefois confus a force de vivaeité. L'abbé de

Pradt avec la pétulance de son langage, le baron

Louis avec la

fermeU~

de son esprit, le général

Dessoles avec une haute raison, affirmerent,

chacun a sa maniere, que c'en était fait de la

domination de Napoléon, que personne ne vou–

lait plus d'un furieux, pret

a

immoler la France

et l'Europe a de sanglantes chimeres; que dans

sa femme et son fils en ne verrait que lui sous

un nom supposé; que dans Bernadotte on ver–

rait un outrage; que, désirant une monarchie,

on ne pouvait admettre que les Bourbons; que

sans doute on ne pensait pas

a

eux, mais qu'on

n'avait pas eu le temps d'y penser, que leur nom

une fois prononcé franchement, tout le monde

comprendrait qu'il n'y avait que ces princes de

possibles, et qu'en prenant par de bonnes lois

des précautions contre leurs préjugés, on aurait

leurs avantages sans leurs inconvénients.

Personne n'était plus influencé que 1'empe–

reur Alexandre par l'ensemble et la chaleur des

avis. - Si vous etes tous de cette opinion,

s'écria-t-il, ce n'est pas a nous

a

contredire

!

Et

regardant ses alliés qui donnaient leur assenti–

ment d'un signe de tete, notamment le prince

de Schwarzenberg, qui avait tres-visiblement

approuvé ce qu'on avait dit contre la régence d«?

Marie-Louise ,

il

se montra pret

a

accepter les

Bourbons; car, ajoutait-il, ce n'étaient pas les

représen lants des vieilles monarchies euro–

péennes qui pouvaicnt élever des objections

contre le rétablissement de cette antiquefamille.

Le príncipe admis,

il

s'agissait du moyen a

employer pour consommer la déchéance de

Napoléonj et pour instituer un gouvernement

nouveau qui pacifierait la France avec l'Europe,

et la France avec elle-meme. M. de Talleyrand

et ceux qui composaient son conseil improvisé

furent d'avis qu'on pourrait se servir du Sénat.

et qu'on le trouverait empressé a renverser le

maitre qu'il avait adulé si longtemps, car en