PRE1\11ERE ABDICA'fION. -
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aurions pu . en ce
~oment
infliger un grave
échec aux alliés. Mais loin d'etre en mesure de
prendre l'offensive, nous avions
a
peine de quoi
défendre nos positions. Dans cet état de choses,
le prince de Schwarzenberg attendant ses deux
ailes qui étaient en retard, et nos deux maré–
chaux étant réduits
a
la défensive, on se bornait
de part et d'autre
a
canonner et
a
tirailler, avec
grande supériorité, du reste, de notre cóté, grace
au zele des troupes et
ti
l'avuntage du terrain.
A cette heure, J oseph tenait conseil sur
la
butte Montmartre, ou il était allé s'établir.
Plusieurs officiers envoyés aupres des marécbaux
lui avaient apporté de leur part, avee la pro–
messe de se faire tuer eux et leurs soldats jus–
qu'au dernier homme, de tristes pressentiments
pour les suites de la journée, et
a
peu pres
In
eertitude d'etre obligés de rendre la eapitale. Ces
nouvelles agitaient fort Joseph , qui redoutait
non pas le danger, mais les humiliation s, et qui
ne voulait
a
aueun prix devenir prisonnier de la
eoalition. Orles progres de l'attaque lui faisaient
craindre d'etre en quelques heures au pouvoir
de l'cnnemi. On voyait du haut de Montmartre
les masses naires et profondes de Blucher tra–
verser la plaine Saint·Denis, et des officiers
venus des environs de Vincennes affirmaient
qu'a l'est et au sud on apercevait une nouvelle
armée qui tournait París, et cherchait a y péné–
trer par les barrieres de Charonne et du Tróne.
Ainsi ce qu'on recueillait par les yeux, ce qu'on
recueillait par la bouche des allants et ven:rnts,
tout annonc;ait une catastrophe imminente. Jo–
seph en délibéra avec les ministres qui l'avaient
accompagné, avec les directeurs du génie et de
l'artillerie, et tout le monde fut d'avis que sous
quelques heures il faudrait rendre París. En effet
la défcnse étant réduite
a
une bataille livrée en
plaine dans la proportion d'un contre dix, le ré–
sultat ne pouvait etre douteux, quelque braves
que fussent nos soldats et nos généraux. En pré–
sence d'une telle certitude, Joseph résolut de
s'éloigner. Des reconnaissances lui ayant appris
qu'on découvrait déjal es Cosaques sur le chemin
de la Révolte et
a
la lisiere du bois de Boulogne,
il se bata de partir, en ordonnant aux ministres
.de le suivre, ainsi qu'on en élait convenu,
lorsque le moment supreme serait arrivé. Pour
toute instruetion il autorisa les deux maréchaux,
quand ils ne pourraient plus se défendre,
a
sti–
puler un arrangemen-t qui garantit la sureté de
Paris, et procurat
a
ses habitants le meilleur .
traitement possible.
Sus ces entrefaites, l'attaque de l'ennemi avait
fait des progres inévitables. Au nord, e'est-a–
dire dans la plaine Saint-Denis, le maréchal
Blucher avait francbi enfin la distance qui le
séparait de nos positions. Le général Langeron
avait repoussé d'Aubervilliers et de Saint-Denis
nos faibles avant-postes, et envoyé sa cavalerie et
son infanterie légeres par le chemin de la Ré–
volte jusqu'a la Jisiere du bois de Boulogne. Le
gros de son infanterie se dirigeait vers le pied
de 1\'Iontmartre, tandis que Je corps du général
d'York prenant a gauche (gaucbe des alliés) se
portait sur la Chapelle par la route de Saint–
Denis, et que les corps de Kleist et de Woron–
zoff, prenant plus agauche encore, marchaient
sur la Villette. Le prince de Scbwarzenberg,
voyant Blucher en ligne, lui demanda un renfort
pour aider le prince Euger;ie de Wurtemberg
a
enlever Pantin, les Prés Saint-Gervais, tous les
villages, en mot, situés au pied du plateau de
Romainville. La division p1•ussienne Kotzler, les
gardcs prussienne et badoise furent alors en–
voyées au secours du corps de Rajeífsky, et pas–
serent le canal de l'Ourcq, pres de la ferme du
Rouvray, pour participer
a
une nouvelle attaque.
Tandis que ces mouvements s'exécutaient au
nord, le prince royal de 'Vurtemberg au sud
av~it
franehi également la distance qui le séparait
du point d'attaque, et apporté son concours aux
troupes alliécs. Apres avoir traversé le pont de
Neuilly-sur-1\farne, et y avoir laissé le corps de
Giulay pour garder ses derrieres,
il
avait marché
sur deux colonnes, l'une longeant les bords de
la l\'Iarne, l'autre traversant par le cbemin le
plus court
la
foret de Vincenncs. La premiere
avait enlevé le pont de Saint-1'\faur, eontourné la
foret, et assailli Charenton par la rive droite.
Les gardes nationales des environs, qui avee
l'École d'Alfort défendaient le pont de Charcn–
ton' se trouvant prises
a
rcvers ' avaient été
forcées, malgré une vaillante résistancc, d'aban–
donn er le poste, et de se jeter
a
travers la cam–
pagne sur Ja gauche de la Seine. Cette colonne
ennemie ayant atteint son but, qui était d'oc–
cuper tous les p0nts de la Marne pour empecher
aucun corps auxiliaire de venir troubler l'atta–
que de Paris , s'était mise
a
tirailler avec la
garde nationale devant la barriere de Bercy. La
seconde colonne du prince de "Vurtemberg avait
travcrsé en ligne droite le bois de Vincennes, et
preté assistance au comte Pahlen, ainsi qu'aux
troupes de Rajeffsky et de Paskewitch qui atta–
quaient Montreuil, Bagnolet, Charonne.