518
LIVRE CINQUANTE-TROISIEl\IE.
une faute grave, qui cependant ne lui avait pas
altiré tous les reproches qu'il aurait mérités, et
il en voulai t
it
Napoléon au licu de s'cn vouloir a
lui-mcme. Ces miscrcs de la vanité, M. de Tal–
leyrand les avait parfaitemcnt démelées dans l'en–
Lrcticn qu'il avait cu avec Marmont le
50
mars
au soir, el il avait désigné ce maréchal comme le
but auquel devaient tcndre toutes les séduetions.
La vanité mécontcnte est, en effet, dans les mo–
ments de crisc, un but vers lequel !'intrigue pcut
se diriger avcc grande probabilité de succes.
Ajoutez que Marmont avait dans la circonstancc
présente une position qui devait, autant que son
caraclere, attire1· sur lui les efforts des séduc–
teurs. 11 venait de défendre París avec éclab,
s'était attribué tout I'honneur de eetle défcnsc,
bien que la moitié en revint de droit au maréehal
Mortier. 11 était enfin avec son corps d'arméc
µlacé sur PEssonnc, il couvrait
le
rassemblcment
qui se for:mait
a
Fontainebknu, et le foire passcr
du cóté du eouvcrnemcnt provisoirc, <fétuitdéci–
der
Ja
question que le génie et le caractcre in–
domptables de Napoléon scmblaient rendre dou–
teuse cncorc. On avait cherché un intcrmédiaire
qu'on put employer en cette occasion, et on en
avait trouvé un parfaitement choisi, dans la per–
sonne d'un ancien. ami, d'un aneien nide de camp
de MarmÜnt, de M. de Montcssuy, qui avait jadis
quiLLé l'armée pour Ja finanee et honorablcment
réussi dans cette nouvellc carricre, qui pnrtageai·t
toutes les idées saines de la haute bo1ugeoisie
sur le despotisme impérial et sur la gucrre,
qu~
avaitcnfin sur Marmontl'iníluence qu'on.t sou vent
les aides de camp sur Jeurs généraux, inOucnec
consistant a cormaitre leurs faihlesscs et
a
savoir
s'en servir. On chargea M. de Montessuy de letlrcs
des principaux pcrsonnages du nouvcau gouvcr–
vernemcn l, tant pour l\Iarmont que pour d'autres.
chef::; de I'armée, et on l'cnvoya
a
Essonnc. A eo
moyen , on en ajouta un aulre non moins efficaee.
Depuis que Napoléon, retiré
lt
Fontaioeblcau,
avait paru y concentrer ses forces, on avnit trans–
porté une parlie de l'arrnéc coaliséc SUil' la rive
gauche de la Scinc. On avaib réuni
11
Pa 1is et
- daos les environs les réservcs des nlliés, plus
le corps de Bulow employé d'nbord au blocus de
Chalons, et on avait rangé entre Juvisy, Choisy–
le-Roi, Longjumcau, Monllhéry, une portioa
notable des troupes de la coalition. On avaH établi
non loin d'Essonne le quartier général du prince
<le Scbwarzenbcrg, pour que le généralissimc se
Llnt prct
a
proflter des prcmieres faiblesses de
Murmont. l\Iarmont ne fut pas le se1,1l objct de
ces menées; on expédia auprcs du maréchal Ou.:.
dinot un officici>de ses parents, on
fil
écrire par
.JBeurnonvillea son ami Je maréchal Maedonald, on
dépecha onfin
a
Fontainebleau unequantitéd'émis–
saires , qui étaientmilitaires pour Ja plupart, et que
le désir ardent d'avoir des nouvelles dcvait faire
accueillir par la euriosité, la fatigue ou l'infidélité.
Le thcme dévcloppé dans toutes les commu–
nications ·écrites ou verbales-, c'est qu'on appar–
tcnait au pays et non
a
un homme ; que cct
homme avait perdu la France ; que si , aprcs
l'avoir compromise ,
il
avait les moyeus de la
sauvcr', On devrait pcut-clrc Se dévouer CnC(_)l'e
a
luí, mais qu'il ne pouvait plus rien que répandFc
inutilcment un snng généreux déja v01·sé
a
trap
grands flots ; que l'Eur0pe étai_t résoluc
a
ne
plus traiter avec lui , et qu'a tout gouverncmenl,
cxcepté Je sien, clic serait prcte
a
concéder des
conditions honoi:ables;
fIU'il
fallait done, sans
plus tardcr, se rnttacher au gouvcrnemcnt pro–
visoirc, avcc -lcqucl i'Europe était disposée
a,
traitcr; qu'cn se rattacbanl
a
ce gouvcrncmcnt
on lui donncraü de la force, de l'autori té, tous
1
les moyens en un mot de s.c Faire rcspeclcr, soit
des monarques coalisés, soit des llo.urbo1 s_co.nlrc
lesqucls on vouhtit, en l,cs 1·app.ela-ríf, prcodrc
des précautions légalcs. Enfin
a
ces raisons
parfaitcmcnt sensécs et honnelcs, on en dcvai.t
ajoulcr de moins élcvécs., qu,oi'!luc a\·Quab:lcs,
c'cst que les IloUl'bons, dont le retour était pro–
cbain, aceueillcraicnla
bras.011.vc!'.'ts les mititaires
qui reviendriaicnl
i1
el!lx, et parlicuHC.rement
ceux <tui se pron,onccraicn,t les prcmiers.
Indép.endamm~nt
de ces ID.cnécs, Jics auteurs
prin.ei.paux de la nouv.clle révolution avaicnt cu
s0in
de
faire p.arlir ele Paris M. de Caulaincourt,
car ce personnage, admis ai,iprcs d'Alcxandre
auss i intimcment que Jorsqu'il représcntait
a
Saint-Pótersbourg le vainqueur d'Auslcrlilz et
de Frjedland , les offusquail par sa présenee au–
tant q,ue les avait offusqués naguere le congres
de Chatillon. En clJ'et, lanl
qM.(>n
semblaib négo–
cicr avcc l'cmpcreur décl1:u , ríen n'était sur
a.
Jcurs ycux, et
i.lsavaicn.t.
fait
sentir au czar qu'jJ
n'étail ni sage ni généreux de les engagcr
a
s<; _
compromettre davantage, s'il reslait quelque
ch ance de rapprochc1:n.cnt avec Napoléon.
Alexandre l'avait compris, et bien que par un
sentimcnt de pure
h<m~é
il lui en coUtat de dire
In vérité !out cntiere
a
M. de Caulaincourt,
il
avait fini par le découragcr complétemcnt, afin
de Je contraindne
a
quittcr
p,~ ris
saos etre obligé
de lui en donneF l'ordrc. M. de Caulaincou vt luí
(