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LIVRE
CINQUANTE-TROISIE~IE.
est de plus exaspere. Ses soldats partagent ses
ressentiments, et si les Autrichiens ont pu, en
aya nt J'ennemi dans lcur capitale, livrer encore
les batailles d'Essling et de \Vagram, les
Fran~ais
J
ne feront pas moins pour arracher leur patrie
aux mains de l'étranger, et, apres tout,
il
n'y a
pas si grand orgueil
a
croire que les
Fran~ais
valent les Autrichiens, et Napoléon l'archiduc
Charles!
Un peu ramené par
Ja
rudesse de M. de Cau–
Jaincourt;'le-prince deSchwarzenberg lui répondit
qu'il n'avait jamais oublié ce qu'il devait person–
nellcment
a
Napoléon, mais qu'il y avaitqucl–
qu' un
a
qui
il
devait davantage, c'était son propre
souverain; que le mariage de Maric-Louise,
il
l'avai t désiré, demandé meme, qu'il n'cn méeon–
naissait pas la valeur, qu'il y voyait un lien,
mais pas une chaine ; qu'en considération de ce
líen, l'Aütriche avait tout fait en 1813 et en 18'14
pour éclairer Napoléon et l'amener
a
des réso–
Jutions modérées, qu'elle n'y avait pas ;Jussi, et
qu'il devait
y
avoir terme
a
tout, meme aux
ménagements de la parenté; que, quant aux
acles de désespoir, on en prévoyait de redouta–
bles de la part d'un homme degénie commandant
l'armée
fran~aise,
mais qu'on était préparé,
qu'on se battrai t aussi en désespérés ; qu e si, pour
les
Fran~ais,
il
s'agissait d'arracher leur patrie
aux mains de l'étranger, il s'agissait pour toutes
les puissances d'arracher leur indépendance aux
mains d'un dominateur impitoyable; qu'on avait
été esclave, qu'on ne voulai t plus l'etre; que s'il
fallait sortir de Paris, on en sortirait, mais qu'on
y
rcntrerait, et que les alliés ne scraient pas
moins dévoués
a
leur indépendance que les
Fran~ais
a
l'intégrité de leur sol.
Il est évident que si l'Autriche, par conve–
nancc et par prudence, avait vo ulu ménager
Napoléon en 1815, et s'était contentée, en lui
o.lfrant la paix de Pragu e, <le mettre des bornes
a
sa domination absolue sur l'Europe, que si
a
Francfort elle avait cncore, par convenance et
prudence, offert de lui laisser la France avec le
Rbin et les Alpes, eL que si en dernier licu
a
Chatillon, pour éviter les hasards de la marche
sur París, elle avai t offert de lui laisser la France
de 1790, il est évident qu'aujourd'hui, croyant
avoir surmonté tous les dangers, et satisfait a
toutes les convenances, l'Autriche aimait mieux
en finir d'un gendre insupportable, et surtout re–
cueillir tous les fruits de la commune victoire,
fruits pour elle inespérés et immenses, car en
ótant
a
la France les Pays-Bas et les provinces
du Rhin et en
y
renon~ant
pour elle-meme, elle
aurait en échange la ligne de l'Inn, le Tyrol, et
enfin l'Italie. Le plaisir fort donteux pour elle,
et en beaucoup de cas tres-embarrassant, de voir
une archiduchesse demcurer régente de Francc,
ne valait pas le danger de voir son terrible gen–
dre ressaisir le sceptre, et elle préférait donner
a
celte archiduchesse une indemnité en Italie,
meme
a
ses dépens,
qu~
de la laisser a Paris
pour y garder la place de NHpoléon. Ce calcul,
fort naturel, ne prouvait pas que
Fran~ois
11 fUt
mauvais pere ; il prouvait que ce prince aimait
mienx l'intéret de ses peuples que celui <le sa
filie, et on ne peut pas dire qu'il manquat ainsi
i1
ses véritables d.evoirs.
C'est la ce qui expliquait le peu d'appui que
la cause de Napoléon trouvait aupres du 'princc
de Schwarzenberg, représentant beaucoup trop
franc d'une politique que M. de Metternich, s'il
eut été
a
Paris en ce moment, eut suivie avec
plus de ménagement, mais avec autant de con–
stance. M. de Caulaincourt, convaincu par tout
ce qu'il avait vu et fait pendanL ces trois jours,
qu'il ne ramenerait personne
a
Napoléon, ni
parmi les serviteurs les plus éminents de l'Em–
pire, ni parmi les représentants' des souverains
alliés, voulut cependant voir l'empereur Alexan·
drc cncore une fois, afin de savoir si la personne
de Napoléon étant sacrifiée,
il
ne reslcrait pas
du moins quelque chance pour sa dynastie.
Alcxandre le
re~ut
avec la meme bonté, mais en
luí répétant
a
peu pres ce qu'il luí avait dit de
la nécessilé d'aller
a
Fontainebleau conseiller un
grand et dernier sacrifice. - Partez, lui dit-il,
partez, car on me demande
a
chaque instant
votrc renvoi; on me dit que votre préscncc
intimide bcaucoup de gens et leur fait craindrc
de notre part un relour vers Napoléon. Je fini–
rai par etre obligé de vous éloigner, car ni mes
alliés ni moi ne voulons autoriser de pareillcs
suppositions. Je n 'ai aucun rcssentiment, croyez–
le. Napoléon est malheureux, et des cet instant,
je luí pardonne le mal qu'il a fait
a
Ja Russie.
Mais Ja Frunce, l'Europe ont besoin de repos, et
avec luí elles n'en auront jamais. Nous sommes
irrévocablcment fixés sur ce point. Qu'il réclamc
(
ce qu'il voudra pour sa personne : il n'cst pas
de retraite qu'on ne soit disposé
a
lui accordcr.
S'il veutmcme accepter la main quejelui tends,
qu'il vienne dans mes États, et
il
y recevra une
magnifique, et, ce qui vaut mieux, une cordiale
hospitalité. Nous donnerons lui et moi un grand
exemple
a
l'univers, moi en offrant, luí en ac-