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PHEMlERE ABDICATION. -

AVRIL

1814.

un sentiment 1out opposé animait les états-ma–

jors et les chefs. La journée du 5 avril ne

fit

qu'accroitre ce double courant d'idées con–

traires, sous l'inflÚence des communications

venues soit de Paris, soit des avant-postes.

Le jour suivant, c'est-a-dire le 4 au matin,

Napoléon parut enfin décidé a agir.

n

s'en cxpli–

qua positivcment avec M. de Caulaincourt. Les

corps de Macdonald, d'Oudinot, de Gérard,

étaient pres d'arriver

1

et en leur accordant cette

journée de repos,

il

comptait pouvoir le lende–

main

o,

ou le surlendemain 6 au plus tard, les

porter en ligne, et attaquer l'ennemi avec 70

mille combattants. Le succes ne Jui semblait

pas douteu.x. Il donna de tres-grand matin des

ordrcs pour que la garde s'ébranlat tout entiere,

et allat se placer derriere Marmont et l\fortier

sur l'Essonne,

a

l'cffet d'appuyer le mouvement,

et de laisser Ja place libre pour les troupes qui

arr.iveraient successivement. Apres avoir passé

en revuc les corps qui allaient partir,

i1

fit for–

mer en ccrcle autour de lui les officiers et sous–

officiers, et de sa voix vibrante,

il

lcur adressa

ces paroles énergiques :

" Soldat.s, l'ennemi en nous dérobant trois

" marches, s'est rendu maitre de Paris. 11 faut

" l'en chasser. D'indignes Frarn;ais, des émigrés,

" auxquels nous avons eu la faiblesse de par–

ce

donner jadis, ont fait cause commune avec

" l'étranger, et ont arboré la cocardc blanche.

«

Les Iaches

!

ils recevront le prix de ce nouvel

" altentat... Jurons de yaincre ou de mourir,

«

et de venger l'outrage fait a la patrie et

a

nos

«

armes.

» -

Nous le jurons

!

répondirent

avec ardeur ces vieux officiers passionn és pour

leur drapeau , et ils s'en allerent répandre la

flamme dont ils étaient pleins dans les rangs de

leurs soldats. Les troupes défilerent en pous–

sant des acclamations fanatiques .

Cette scene terminée, Napoléon remonta l'es–

calier du palais, suivi d'une foule d'officiers,

animés les uns de l'enthousiasme qui venait d'é–

clater, les autres de sentiments tout contraircs.

Sur~e-champ,

on se forma en groupe autour des

maréchaux, et la il n'y eut qu'un cri , c'est que

Ja résolution de jouer leur existence et celle de

la France dans une derniere folie, était évidem–

ment prise, et que e'était le cas de l'empeeher

en se pronon<;ant conlre un pareil acte <le dé–

mence. Tous furent de cet avis , mais c'était

a

qui ne dirait pas les premiers mots. Les aides

de camp entourerent les généraux, les généraux

les maréehaux et , s'exeitant les uns les au-

tres, ils demanderent bientót que leurs chefs

refusassent l'obéissance. Le maréchal Macdo–

nald arrivait

a

peine, car

il

n'avait pas quitté

son corps. Il descendait de cheval couvert de la

boue des grandes routes, et on venait de lui re–

mettre une leltre de Beur nonville, portant J'a–

dresse erronée que voici :

A M. le maréchal

Jfacdonald, duc de Raguse.

-

l\farmont ,

a

qui

le titre de duc de Raguse, inscrit sur l'adresse,

avait fait par venir Ja lettre en

qu c~ tion,

l'avait

lue, et ayant reconnu qu'elle était destinée au

mar échal Macdonald , la lui avait renvoyée. Cetle

leltre conjurait Macdonald, au nom de l'amitié,

au nom de sa famille exposée

a

périr au milieu

des flammes de la enpitale , et

a

laquelle

il

était

tendrement attaehé, de se séparer du tyran qui

n'était plus qu'un rebelle, pour se donner au gou–

vernement légitime des Bourbons, qui allaient

rentrer en France, la paix dans une main, la

liberté dans l'autre. -Maedonald avait conservé

dans le creur les sentiments de l'a rmée du Rhin ,

iI

était irrité de ce qu'il avait vu et sou:ffert dans

les deux dernieres campagnes, et il aimait ses

enfants avec passion. On venait de lui donner

de lcurs nouvelles et de lu i apprendre qu'ils

étaient dans París. 11 en eut l'ame navrée. On

l'entoura, on lui dit qu'il devait se joindre aux

rnarécbaux ses collegues, et contribuer

a

mettre

fin a un regn e odieux et insensé.

JI

Je promit,

et demanda seulement le temps d'aller revctir

un costume plus convenablc. On était arrivé

ainsi jusqu'a Ja porte du cabinet de Napoléon,

et on s'anima jusqu'a ne plus vouloir quitler

J'anti chambre, daos l'intention de veiller sur les

rnaréchaux et de les défcnd re si,

a

la suite de la

scene qui se préparait ' l'empei'eur voulait les

faire arretcr. Il y eut mcme daos cetle especc

d'émeute quelqucs officiers assez égarés pour

s'écrier qu'au besoin

il

fallait se débarrasser ele

la personne de Napoléon

1 •

En un mot, c'était le

spectacle d'une de ces révoltes de la soldatesque

dont l'empire romaín avait fourni autrefois de

si oclieux excmples, et c'était bien ,

il

faut le r e–

connaitre, une digne fin de ce regne si déplo–

rablcment gucrrier, que de s'achever au milieu

d'une sédition mililaire

!

Les maréchaux enlrerent : c'étaient Lefeb vre,

Oudinot, Ney. i\Jacdonald allait les r ejoindre. lis

trouverent autour de Napoléon le major-général

t

Je liens ce déplorable 1lélail <le Lémoins oculai1·es, hom–

mcs respeetables que je ne puis nommer, el qui pruvcnt ctre

rangés au nombre des plus honnetes gens <le lt>ur lemps.