. PREl\HERE ABDICATION. -
AVRlL
1.
8·14.
ts27
envers son maitre. Napoléon écouta cetle lec–
turc avec un calme dédaigneux, puis sans se
plnindre de la franchi se du maréchal l\facdo–
nald, il répétn que Ileurnonville et ses pareils
n'étaien t que des intrigants, qui, de moitié avec
l'étranger, ehcrchaient
a
opérer une conlre–
r évolution; qu'ils -laisseraicnt
Ja
Franee ruinée
et
a
jamais aifaiblie; que les Bourbons, loin de
pacifier la France, Ja meLLra¡icnt bientot en.
confusion, tandis qu'avec un peu de pcrsévé–
rancc
il
scrait facile de changer cctt.e situation
en deux heures. -:- Oui , reprit Mncdonald,
tonjours le creur navré
l1
l'idéc d'nne bataille <fans
Paris, oui, on le pourrait peut-etre, mais en
nous .battimt dans notrc capitalc en cendres, et
prohablemcnt sur les cadavrcs de nos cnfants.
- De plus, sans oscr dire qu'il désobéirai t, le
maréchal déclara qu'on n'était pas sur de
l'ohéissance des soldats. Ney scmbla confirmer
cette déclaration. Arrivés ainsi
ti
Ja limite qui
sépare le respect de la révoll1!, les maréchnux
mettaient sur le comple des soldats un refus
<l'obéir qui n'appartenait qu'a cux. Napoléon le
scntit et leur dit fiercment : Si les soldats ne
vous obéissent point
a
vous, ils m'obéironl
a
moi, et je n'ai qu'un mot
a
dire poor les con–
duirc ou je voudrai
!. . -
Puis, nvec un ton de
hauteur qui n'admcttait pas de répliquc,
iI
ajouta : Retircz-vous, mcssieurs; je vais aviscr,
et je vous fcrni connaitre mes résolutions.
lis sortireot lout étonnés de s'Mre montrés si
hardis, quoiqu'ils l'cusscnt été bien pcu, et si
émerveillés de lcur cour:ige , qu'ils se vantcrcnt
auprcs de lcurs aides de camp d'avoir déchiré
tous les voiles, se faisant ainsi bcnucoup plus
coupnbles qu'ils ne l'avnicnt été récllemcnt
1
•
lls
se rctirerent, attcndant le résullat ele cctle sccne
extraordinaire, extraordinnire vraimcnt, cnr
Napoléon tout-puissant ils n'avaient jamais osé
lui adresser une observation , lorsqu'il aorait
peut-etre suffi d'un mot pour l'arreter sur la
ponle qui menait aux abimcs.
Napoléoo, dans cettejournéc, n'aurait eu qu'un
pns
r
fairc en dchors de son cnbinet, poor en
1
On u dit, oo u écrit, oo u 1•épété sous ton tes les formes,
que
lu
sceoe qui s'étuit pusséc le 4 UVl'il, au rnatin, dans le cu–
binet de l'Ernpereur, uvuil élé une secne de violcoce pousséc
jusqu'~
lu rnenace, jusqu'u luí urracher prcsque son abdicution
par In force. J'ai cu. sous les ycux les mémoires maouscrils des
deux témoins les plus respectablcs de cellc sccnc ; j'ai re–
cueilH les souvcnirs de témoios ocnlaircs dignes tle foi, el j'ai
acquis la conviction que les récils qu'on a répandus
~ce
sujct
sont entierement coutrouvés. A1t fond, la sccne cut bien pom·
but et pour résullal d'arrachcr
a
Napoléon son abdicatiou
conditionnelle ; mai_s, quant
11
la forme, les choses se renfern1c-
appeler des ruaréchaux aux colonels et aux sol–
dats, et il eut trouvé des serviteurs enthou–
siastes' prets
a
le suivrc parlout , prets meme
a
lui faire raison de serviteurs ingrats et rassasiés.
Mais vouloir que dans ce moment
il
jetat
n
la
porte de son pnlais lout un état-major, fom1é
de généraux et de maré_!!haux qui lui avaient
prodigué leur snng pendant vingt annécs, qu'il
en composat un avec des colonels et des chefs
de halaillon, pour marcher ainsi
a
une opération
formidable, c'est trop demander mcme au carac–
tere le plus énergique et le plus résolu.
Resté seul avee Berthier, avec Ml\J. de Cau–
laincourt et de Bassano, Napoléon doiina cours
a
l'irritation qu'il avait jusque-la contcnue. -–
Les avez-vous vus, leur dit-il, ardcnts quancl
il
s'agissa it de ne pas vivre sous les Bourbons, si–
lencicu x qu nnd je leur parlais de mon nbdica–
tion ? C'est
la
en eifet ce qo'ils désircnt, car on
Ieur a pcrsuadé que moi hors de cause, ils pour–
ront jouir sous mon fils des richesses que je leur
ai prodiguées . Pauvres esprils qui ne voient pas
qu'cntre les Ilourbons et moi
il
n'y a rien, que
ma femme et mon fils ne sont qu'une ombrc,
destinée
a
s'évanouir en quelques joors ou en
quelqucs mois
! --
Ensuite Napoléon se plaignit
qu'on cut osé Jire en sa présence une lett1·e aussi
inconvenante que celle de Beuroonville, et s'éten–
<lit sur Ja faibl csse et l'ingralitude des hommes.
JU.
de Caulaincourt essnya de le calmcr, en luí
disant que le maréchal Macdonald était un per–
sonnagc du plus noble carnctere, qui n'avaít
monlré cctte lcttrc que parce que Napoléon la luí
avait dcmnndée; que cette répugnancc
a
se baltrc
dans Paris, prétexte pour les uns, était pour
d'autrcs un scntimcnt sérieux et sincere, et il
ajouta que l'idée de son abdication en favcur de
son fils était fort répanduc, et qu'elle était du
reste la seule base sur laquclle on put encorc né –
gocicr.
Napoléon , revenu bientót
a
cettc indifiércnce
supérieurc avec laquelle les grands esprits se
meltcnt au-dessus des événemenbs, avoua que
son abdication au profit du roi de Rome était
renl duns la mesure quej'aigardée
tia
ns ce réci t. Les vcrsio1:s
exagérées clonl je conlcslc l'exactilmle ont en pour origine,
el pour ti·islc origine, les vantcrics de certains pcrsonnagcs
militaircs, qui, vou.Janl se foirc val'oir quclques jours apres,
se représcnlerenl comme plus coupables envcrs Napoléon
qu'ils ne l'avaicnL élé véritablemcnl, et curenL fo1·t
a
le regret–
ter un an apres. Ce son l ces vanleries, cxagérées encorc pUI'
eles colporteurs de faux b1•11ils, qui ont donné lieu au·x ver–
sions incxactes répandues sur ce sujet, et je snis cerl ain que
lu vérité se réduita ce queje vicns rl'exposer.
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