!528
LlVfiE CINQUANTE-TROISIEME .
l'idée du moment., que e'était peut-etre une sa–
tisfaction
a
donner
a
des ames troublées, et
il
déclara qu'il y était tout disposé, pour leur prou–
ver l'inanité d'ime semblable combinaison. - Je
consens, dit-iln l\L de Caulaincourt,
a
ce que vous
retourniez
a
Paris pour oCfrirde négocier sur cette
bnse, a ce que vous emmcniez mcmc avee vous les
maréchaux les plus épris de ce projet; vous me
délivrerez d'eux, ce qui ne sera pas un médiocre
avantage, car j'ai de quoi les remplaccr ici, et,
pendant que vous occuperez les alliés au moyen
de cette nouvelle proposition, moi je mareherai,
et je terminerai tout l'épée a la main. Il faut
meme vous ha.ter de partir' car' d'ici
a
vingt...
quatre heurcs, vous ·ne pourriez plus franchir
la ligne des avant-postes.
Napoléon adhéra done assez promptement
a
fa proposition d'abdiquer au profit de son fils,
comme :Lune nouvelle maniere de gagncr deux
ou trois jours, d'endormir Ja vigilance de l'en–
nemi, de satisfaire ses maréchaux, et de se dé–
barrasscr <le deux ou trois d'cntre eux qui étaient
devenus singulierementincommodes. Cependant,
il
ajouta que si on aecordait la r égence de sa
femme au profit de son fils, a des conditions tout
~1
Ja
fois
honorables et rassurantes pour le maio–
tien de ce nouvel ordre de choses,
il
était pos–
sible qu'i l acceptat. Malgré ce langage, il y avait
bien peu de chances pour que
la
négoeiation
qu'il se proposait d'interrompre bientót a coups
de canon, put réussir.
Aprcs avoir donné aussi brusquement cette
face nouvelle
a
la situation,
i1
s'agissait de choi–
sir les hommcs chargés d'aecompagner
l\f.
de
Caulaincourt a Paris. l\f. de Caulaincourt aurait
voulu avoir Berthier pour faire valoir les consi–
dérations militaires , M. de Bassano pour se tenir
le plus pres possible de la pensée de Napoléon.·
Mais Napoléon n'en voulut pas entendre parlcr.
Berthier lui était indispensable pour transmettre
ses ordres
a
l'armée. l\L de Bassano, quoiqu'il
fllt, disait-il, bien innocen t des dernieres guerres,
en était responsable aux yeux du public et des
souverains. Il ne eonsentit qu'a l'envoi de M. de
Caulaincourt, accompagné de deux ou trois ma–
réchaux . Il sone-ea d'abord
ú
Ney. - C'est le
plus brave des hommes, dit-il, mais j'ai des
gens qui en ce moment se battront aussi bien
que lui , et vous m'en débarrasserez. Cependant
veillez sur luí, c'est un enfant. S'il tombe dans
les mains de Talleyrand ou d'Alexandre,
il
est
perdu, et vous n'en pom'rez plus ricn faire.
Prenez Marrnontqni m'estd évoné, et qui soutien-
dra bien les droits de mon fils.-Puis revcnant sur
ce qu'il avait dit, Napoléon ajouta : Non, ne pre–
nez pas l\farmont, il est trop nécessaire sur l'Es–
sonne. - Alors on proposa Macdonald, qui au–
rait plus de crédit que Marmont parce qu'il
n'avait jamais passé pour un complaisant, qui
d'ailleurs était un parfait honnete homme, et dé–
fendrait les intérets qu'on luí confierait comme
les siens proprcs. Napoléon adhéra a ces propo–
sitions, rédigea lui-meme- l'acte de son abdication
conditionnelle, avec ce tact , cette hauteur de
langagc qu'il apportait dans toutes les pieces
émanées de sa plumc, et ordonna qu'on
fit
ren–
trer les maréchaux.
- J'ai réfléchi, leur dit-il,
a
nolre situation,
a ce qu'elle vous a inspiré, et j'ai résolu de mettre
a l'épreuve la loyauté des souverains. Ils pré–
tendent que je suis le seul obstacle
a
la paix et
au bonheur du monde. Eh bien, je suis pret
a
m'immoler pour foirc tomber cetle prévention,
et
a
quitteJ' le tróne' mais a Ja condition_de le
transmettre
a
mon fils, qui, pendant sa minorité.
sera placé sous la régence qe l'impératrice. Cette
proposition vous convient-elle?--A ces mots, ·1és
maréchaux .qu'une pareille solution tirait d'em- ·
barras, et
a
qui elle convenait fort d'ailleurs ,
· car ils aimaient bien mieux vivre sous un en–
fant et une feminc_qui leur appartenaienb que
sous les Bourbons qui. leur étaicnt absolument
étrangers, pousserent des cris de reconnaissance
et d'admiration, saisirent lesmains de Napoléon,
les scrrerent avec une vive émotion, en s'écriant
qu'il n'avait jamais été plus grand
a
aucune
époque de sa vie. Apres ces témoignages, qu'il
rec;ut avec une médiocre satisfaction, sans lals–
set' voir toutefois ce qu'il éprouvait, Napoléon
leur dit : l\fais maintenant que je viens de.con:–
descendre a vos désirs' vous me devez de dé–
fendre les droits de mon fils, qui sont les yótres,
de les défendre non-seulement de votre épéc,
mais de votre autorité morale. -
JI
Ieur au–
nonc;a ensuile qu'il avait choisi deux d'entre
~Ul'
pour aeeompagncr Je duc de Vieence
a
París, et
pour aller négoeier l'établissement de
Ja
régence
de l\farie-Louise. 11 désigna Ncy et l\foedonald,
en raeontant col'nment
il
avait d'abord songé
a
l\far mon t, et pourquoi il y avait renoncé. Ne.y
fut extrcmement flatté de ce choix-;-1\facdonald
en fut touché, car
il
n'avait jamais été l'Ún. des
amis personn9ls de l'empereur. - Maréchal, lui
dit Napoléon, j'ai eu longtemps des préventions
contre vous,' mais, vous le savcz,. elles sont dé–
truites. Je éonnais
vot.rcloyauté, et je suis sur