Table of Contents Table of Contents
Previous Page  540 / 616 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 540 / 616 Next Page
Page Background

?>50

LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.

des bontés de Napoléon, a un soJdat surtout

chargé d'une consigne, celle de garder l'Essonne

avec 20 mille hommes, consigne capitale qui inté–

ressait non-seulement Napoléon, mais la Franee;

car tant qu'il restait quelque part une force

imposante, ce n'était pas seulemcnt le sort de

Napoléon, muis celui de la Franee qu'on pouvait

améliorer en négoeiant, consigne saerée enfin

comme celle de tout soldat, jusqu'a ce qu'il en soit

relevé.

Saos doute, un militaire ne cesse pas d'etre

citoyen parce qu'il est soldat, et parce qu'il verse

son sang pour la patrie, ne perd pas le droit de

s'intéresser a ses destinées, et d'y contribuer.

Aussi Marmont pouvait-il courir

a

Fontainebleau

aupres de Napoléon, forcer l'entrée de son paJais,

apres l'entrée de son palais cclle de son coour,

lui parler au nom de la France, le supplier de ne

pas la déchirer dav.antage, de la céder aux Bour–

bons plus capables que lui de la réconcilier avec

l'Europe et de la rendre libre; il pouvait lui

dire toutes ces choses, s'il était de ceux qui les

croyaient vraies, et puis s'il n'était pas écouté, il

devait remettre a Napoléon son épée, avec son

épée le poste qu'il occupait, et se rendre aupres

du gouvernement provisoirc pour apporter

a

ce

gouvernement, en se ralliant publiquement

a

sa

cause, une chose de grande valeur, une chose

dont Marmont pouvait disposer saos ingratitude

et sans trahison, son exemplc

!

La reconnais–

sance, en effet, enchaine l'intéret personnel,

mais n'enchaine pas le devoir. Sans cette dé–

marche préalable, livrer secretement a l'ennemi

la position de l'Essonne, était une trahison véri–

table

!

Et pourtant Marmont n'avait pas l'ame d'un

traitre, loin de la! Mais

il

était vain, ambitieux

et faible, et malheureusement

il

suffit de ces dé–

fauts dans des circonstances graves pour aboutir

quelquefois a des acles que la postérité frappe de

réprobation. Marmont avait écouté ce qu'on Jui

disait sur ses talents a la

fois

militaircs et poli–

tiques, sur l'importance persounelle qu'il pouvait

acquérir, sur les services qu'il pouvait rendre,

et, cédant a l'appat trompeur d'une position

irnmense daos l'État, égale peut-etre a celle de

M. de Talleyrand,

il

avait consentí a entrer en

pourparlers avec le prince de Schwarzenberg, qui

s'était, pour ce motif, transporté a Petit-Bourg.

A

pres de nombreuses allées et venues, on était

secretement convcnu des conditions suivantcs :

Marmont devait, avec son corps d'armée, quitter

l'Essonne le lendemain, gagner la route de Ja

Norrnandie ou

il

se mettrait

a

la disposition du

gouvernement provisoire, et comme

il

ne se dis–

simulait pas les conséquences d'un acte pareil,

car non-seulement

il

cnlevait

a

Napoléon pres du

tiers de l'armée, mais la position si importante

de l'Essonne, il avait stipulé que si, par suite de

cet événemcnt, Napoléon tombait daos les mains

des monarques alliés, on respecterait sa vie, sa

liberté, sa grandeur passée, et on luí procurcrait

une retraite

a

la fois sure et convenable. Cetlc

seule précaution, dictée par un repentir hono–

rable, condamnait l'aete de Marmont,en révélant

toute Ja gravité que lui-meme

y

atlachait.

Ces eonditions, consignées par écrit, rivaient

été remises au prince de Schwarzenberg. Mais

ce n'était pas tout que d'avoir été séduit, il en

fallait séduire d'autres,

il

fallait gagner les géné–

raux de division, placés au-dessous du maréchal

Marmont, car sans leur concours

il

était difficile

de faire exécuter aux troupes le mou vement con–

venu. Il n'était pas, du reste,

tr~s-diffieile

de les

entrainer. lis ne savaient ríen ou presque rien

de la situation générale; ils ne savaient pas s'il

était possible, ou non, d'arracher la France des

mains de la eoalition au moyen d'une derniere

bataille; ils se disaicnt seulement ce que tout Je

monde se disait alors, c'est que Napoléon apres

avoir fait tuer le plus grand nombre d'entre cux,

était pret a faire tuer encore ccux qui survi–

vaient pour obéir

a

son entelement. Profitant

de leur disposition -d'esprit, Marmont leur dit

qu'apres avoir fait faute sur faute, apres avoir

laissé cntrer les coalisés dans Pa1·is, Napoléon

voulait commettre la folie insigne de les atta–

quer dans Paris meme, avcc 50 mille hommes

contre deux cent mille, d"exposer ainsi le peu

de soldats qui lui restaient a etre tués tous, en

leur donnant pour tombeau les ruines de .Paris

et de la Frañce. On pouvait assurément repré–

senter ainsi les choses, car elles avaient par plus

d'un coté cet affreux aspect. A de telles peintu–

r es, que répondirent les généraux

a

qui Mar–

mont s'adressait? lis répondirent qu'Hne fallait

passuivre Napoléon dans cette dernierc et extra–

vagante aventure, et qu'on devait mettre soi –

meme un terme aux malheurs de la Francc. Jls

promirent done de suivre

M~ont

sur Ver–

sailles, des qu'il leur en donnerait l'ordrc. Pour

eux, ce qui par le fait est devenu une défcction,

n'était qu'une séparation fégitime et urgente

d'avee un insensé

!

·

Tels étaient les liens dans lesquels les maré –

chaux lrouverent Marmont enlacé, lorsqu'ils