PREMIERE ABDICATION. -
AVRIL
!814.
1519
répétant sans ccsse qu'.il était dupc d'intrigants,
de gens de parti qui le trompaicnt sur les senti–
QICnls de la Francc, et que pour vouloir pousscr
son triomphe
a
bout, il s'cxposait peut-étre
a
quclquc cal.astroplrc qui cnveloppcrait dans un
désastre commun
Ja
capitalc de la Francc et
l'armée alliéc, Alexandre lui avait dit qu'il n'en
croyait ni les gens de pnrti, ni les intrigants,
mnis ses proprcs yeux; que personnc ne voulait
plus de Napoléon, que la France n'était pas moins
_ fatiguéc de luí que l'Europc cllc-meme, qu'il
faHait done se soumcttrc
lt
la nécessité et renon–
cor
a
le voir régner; qu'on savait bien ce dont
il était capable,. mais qu'on était prct, et que
sous peu on le scrait davantage ; que ceux qui
aimaicnt Napoléon n'avaicnt plus qu'un service
a
luí rcndrc, c'était de l'cngager
a
se résigncr,
el que c'était le seul moycn d'obtenir pour luí
un sort moins dgourcux. S'appliquant toujours
a
ménagcr M. de Caulaincourt, Alcxandre, cu
parlant d'un sort moins rigourcux pour Napo–
léon, avait laissó cnt1·cvoir qu'il s'agissait pour
sa personnc d'unc rctraile mcillcurc, et pour
son frls d'un treme sous la régcncc de Maric–
Louisc. M. de Caulaincourt, quoiqae pcu cnclin
aux illusions, avait alors con<;u ccrtaincs cspé–
ranccs, et s'était dit que ce
~róncscrait
peut-etre
cclui de Franco, accordé au roi de Romo sous la
tutellc de sa mere. Pret
a
se rcndre
a
Fontainc–
bleau,
il
avait tenté un dcrnicr cífort aupres du
princc de Schwarzenberg, qni , en qaalité de
repr€scntant du beau-pcrc de Napoléon, d'ancien
négociat.Cut' du mariagc de Maric-Louisc, devait
etre un pcu plus disposé
a
ménagcr sinon Napo–
léon lui-mcmc, au moins sa dynastic.
l\lai!i l\I.
de
Caulaincom1t I'avait trouvé encorc plus décou–
rageant qu'Alcxandrc, et beaucoup moins réscrvé
dans ses termes. Le princc de Schwarzcnbe!'g,
importuné de la présence de .M. de Caulaincourt
et de ses instances, luí avait dit qu'il fallait cnfin
s'expliqucr franchcment; qu'on ne voulait plus
d.e Napoléon ni des siens; que I'Aulrichc avait
IetLé pour lui jusqu'au bout; que, dans le désir
de fairc naitrc une dernicrc occasion de rappro–
chcment, elle avait imaginé l'armistiee de Lusi–
gny; qu':m lieu de rópond.11c
a
ses intcntions
(.
patcrncllcs, Napoléon avait écrit
a
son bcau-pcrc
une leHre offensante pour cemonarquc, car elle
le supposait prct
a
Lrompor ses alliés, et dange–
rcuse pour l'Em1ope si la cour d'Autrichc avait
été capablc de se laisscr séduirc; qu'a partir de
ce jour l'cmpcrcur Frarn;ois profondément blessé
avait cnticremcnt adhéré
a
l'idéc de ne plus trai-
ter avcc Napoléon; qu'ou avait dans ccllc idée
tenté l'opération hasardcuse de marchc1· sur
Paris; qu'on
y
avait réussi malgré les dangers
attachés
a
une scmblable cntrcprise, et qu'on
ne rcstcrail ccrLaincmcnt pas au-clessous de sa
bonnc fortunc ; qu'on ne voálait done plás de
Napoléon
a
aucun prix.; que trouvant d'ailleurs
Ja l"rancc du mernc avis, il ne voyajt pas pour–
quoi on s'urretcraiL dnns une voie qui était la
seulc vraimcnt surc, car il n'y avait de rcpos
a
cspércr qu'en se débarrass:\'nt de l'hommc qui
dcpuis dix-huit ans boulevcrsait le monde; que
pour ce qui conccrnait sa fcmme et son fils,
c'étnit une chimcre de chcrchcr
a
les faire ré–
gner, que ni l'un ni l'uuLre ne le pouvaicnt; que
l"Aulrichc au surplus ne vo olait pas en assumer
la respo11sabilité; que ce scrait ou le gouverne–
mcnt de Napoléon contiuoé s_ous un nom sup–
posé, ou le plus faible, le plus impuissant des
gouvcrncments, qui ne donnerait ni repos
i1
la
Frunce, ni sécurité
a
l'Europc ; qu'il fallait done
cu prcndrc son pnrti, et que lui ,
l\L
de Caulain–
court, aiu licu de sollicitcr vaincmcnt des gens
qui l'écoulaient avee le visagc attcntif par poli–
tcsse, et I'oreillc fcrméc par devoir, fcrait mieux
d'allcr dirc la vérilé
a
Nnpoléon, et en le déci –
dant
a
SC
résigncr
a
SOl~
sort, tcrminer pour Jui,
pour Ja Francc, pom· tout le monde, une dou–
Joureusc et trop longue agonic.
Irrité par ccttc rud c franchise,
1\1.
de Cau–
laincourt, qui aimait heaucoup aussi
a
dire la
vérité sans ménagements, demanda au princc de
Scltwarzenberg, s'il n'était pas étonnan t que, Iui
rniuislrc du hcau-pcrc de Napoléon, affcclat
<l'ctre contre Napoléon le plus décidé des i'epré–
scntants de I'Europe ; que, lui nagucre l'humbfc
sollicitcur du mariagc de Marie-Louise, (ut au–
jourd'hui le contcmptcur le plus haulain de ce
maringc et <les devoirs moraux qui en résul–
taicnL; que, lui le licutcnant si cmprcssé et si
bien récompcnsé de l'cmpereur des Fran<;ais
dans la campagne de Russic, se montrat si séverc
pour ses cntreprises guerricrcs ; qu'il oubliát cn–
fin si tót., aprcs avoir cu des occasions si ré–
ccntes de s'en souvenir, ce qu'étaient l'm·mée
fran<;aise et son chef? - Vous supposez peu t–
étrc, ajoula fi crement M. de Caulaincourf·, que
parce que moi, eonslant apótre <le la paix, je
suis ici en suppliant pour avoir celte paix que je
désirais aprcs Wagram, apres Dresdc comme
a
préscnt, vous · supposez que rnon altitude cst
celle du maitrc que je scrs
!
Vous vous trompez.
Son génie cst aussi indomptable que jamais. Il
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