PREMIERE
ABDICATION. -
MARS
1814.
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a
son bon sens, et conseillé ce qu'il y avait
de mieux. De plus, lc'projet de départ le con–
trariait. Restcr
a
Paris apres avoir conseillé d'cn
sortir, e'était se mcttre gravement en faute;
partir, c'était courir les aventures
a
la suite du
gouvernemcnt qui s'cn allait, et s'éloigner du
gouvernement qui arrivait. Enfin, le conscil de
rester avait une coulcur de qévouement qui pou–
vait ctre utile, si Napoléon, qu'on ne croirait
récllement perdu qu'cn le sachant mort, vcnait
a
triompher. Apres avoir ainsi obéi
a
la nature
de son esprit et
a
ses convenanccs, l\L de Tal–
leyrand se tut, ótant
a
tous les assistants le cou–
ragc d'émcttrc un avis politiquc apres le sien.
On rccucillit les voix, et un premier rcccnsc–
mcnt des votes parut assurer une majorité con–
sidérable
u
ceux qui désapprouvaient le départ
ele l'lmpératricc et du Roi de Rome.
Ce résultat était
a
peine annoncé, qu'une
anxiété singuliere éclata sur le visagc du minis–
tre Clarke, et surto ut sur celui du prince Joseph,
qui ccpendant avait encouragé visiblement l'opi–
nion en faveur de laquelle la majorité vcnait ele
se prononcer. Alors, comme s'il cut cédé a une
nécessilé impérieuse, le ministre de la gucrre se
leva, et pronon¡;a un discours développé pour
conseiller de nouveau le départ de l'Impératrice
et du Roi de Rome. 11 en donna des raisons qui,
saos etrc bonnes, étaient les moins mauvaises
qu'on put alléguer. Tout n'était pas dans Paris,
disait-il, tout n'y devait pas ctre, et Paris pris,
il fallait défcndre
a
outrancc le reste de la
France,
el
le disputeropiniatrément
a
l'enncmi.
JI
fallait, avec l'Impérntrice, avec le Roi de
Romc, se rcndrc dans les provinccs qui n'étaient
pas envahies, y appclcr les bons Franc;ais
a
sa
suite, et se faire tuer avcc eux pour la défensc
du sol et du trónc. Or, cctte lutte prolongée
~'
ét.ait p~1s
possihle, si, en laissant l'Impéra lrice
et son fils da ns la capi tale, on les cxposait
a
tom–
ber clans les mains des souvcrains coalisés. On
rendrait ainsi
ii.
l'empercur d'Autrichc le gage
peécieux qu'on tcnait de luí, et si quelquc part
on voulait lcver l'ét.endard de la résistancc, on
n'au rait aucunc des personnes augustes autour
desquelles il scrait possible de rassemblcr les
sujct dévoués
a
l'Empire. Or, cctte probabilité
de Yoir l'cnn cmi pénétrer dans Paris était plus
grande qu'on ne l'imaginait, car il
y
avait lres–
peu de chance , avcc les rcssources restées dans
la capitalc, de résister aux 200 mille hommes
qui marchaient sur elle.
Le mini trc de la guerre avait pris tant de
peine par purc obéissance. Au fond il n'avait
d'avis sur rien. Les arguments qu'il avait fait
valoir, et qu'il avait puisés dans le souvenir his–
torique des résistances désespérées, ces argu–
ments, vrais
a
Vienne sous l\farie-Thérese, a
Berlín sous le grand Frédéric, faux a Paris sous
un soldat v:iincu, ne toucherent personne, car
sans s'en rendrc compte, et sans oser le dirc,
chacun sentait qu'avcc un gouvcrnement d'ori–
gine révolutionnaire, dont la faveur était pcrdue,
et auquel il
y
avait un remplac;ant tout préparé,
quitter la capitule c'était donncr ouverture a un·c
révolution. Chaeun done persista, et les avis
ayant été recueillis de nouveau, on vit la presque
unanimilé se prononcer pour que l\faric-Louise
et le Roi de Rome restassent dans Paris.
Alors Joseph sortit de son silence obstiné, et
ce qui semblait inexplicable dans son attitudc
s'expliqua.
ll
lut deux lettre3 de l'Empereur,
l'unc datéc de Troyes apres la bataillc de la
Rothierc, l'autre de Reims apres les batailles de
Craonne et de Laon, dans lesquelles Napoléon
disait qu'a aucun prix il ne fallait laisser tomber
son fils et sa fcmme dans les mains des alliés.
Nous avons fait connaitre le motif qui avait
inspiré Napoléon en écrivant
ces
deux lettres.
C'était, indépendamment de l'aífection tres-réelle
qu'il avait pour sa femme et son fils, le désir de
conservcr dans ses mains un gage précieux;
c'était de plus la crainte que l\farie-Louise ne
devint l'inslrument docile de tout ce qu'on vou–
drait tentcr contre lui, notamment en créant
une régencc qui serait son exclusion du trónc.
Apres l'inquiétantc bataille de Ja Rothiere,
il
avait pensé ainsi, et il avait pensé encore de
meme apres les doutcuses batailles de Craonne
et de Laon. Ces deux lettrcs furent pour le Con–
scil de régence un coup accablant. Au premier
moment , ceux dont l'opinion était vaincue
s'écrierent qu'on avait eu bien tort de les assem–
bler pour lcur demander un avis, s'il
y
avait un
ordrc de Napoléon, ordre absolu, n'admettant
pas de discussion. Mais bientót, la réfl.e.xion
succédant
a
la prcmiere impression, ils exami–
ncrcnt les lcttrcs citées, et contcsterent l'usage
_qu'on en faisait. La premiere avait été écritc
dans d'autres circonstances, apr es la bataille de
la Rothiere, lorsqu'il paraissait n'y avoir aucune
chance de résister
a
l'ennerni. Depuis, d'éclalants
succes, melés,
il
est vrai, d'événements moins
heureux, avaient prolongé la guerre, et en
avaient rendu le résultat incerlain. Les circon–
stances étaient done différentes , et Napoléon ne