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LJVRE
CINQUANTE-TROISIEl\IE.
pu arrivcr encore au rendez-vous, et
il
fallut
l'y aLtcndre, afio de prévenir une séparation.
Réunis, les deux maréchaux comptaient tout au
plus
'1
o
mille hommes : que scraient-ils devcnus
s'ils avaient éLé séparés?
l\farmonLattendit done de pied ferme l'arrivée
d son collcgue, mais il lui fallut essuyer bien
des chargcs de cavaleric, et, ce qui était facheux,
perdre bien des moments précieux , pendant
lesquels les colonncs ennemies avaicnt le Joisil'
d'ava ncer et de devenir
pl~s
menai;aotcs. Eofin
Mortier parut, et on se mi ten route pour la Fere–
Champenoise.
A peine avait-on franchi quelques mille metres
que l'on fut assailli par une masse effrayantc de
troupes
a
chcval, appuyées par de l'iofanterie.
Les dcux maréchaux se réfugierent dans une
position qui leur permettait de résister un cer–
tain temps. Deux ravins assez rapprochés et cou-
1·ant, parallelement, l'un vers Vassimont; l'autrc
vers Connantray, laissaient entre eux un
espa.ceouvert de peu d'étendue, et assez facilc
a
défen–
drc. Les maréchaux vinrent se placer entre les
deux ravins, barrant l'espace qui les séparait,
nyan t leur gauche au ravin de Vassimont, leur
droite
a
celui de Connantray, et couvrant ainsi
l route de la Fere-Champenoise. (Voir In carte
n° 62.) Ils tinrent autant qu'ils purent dnns cette
position en face de la cavalerie et de l'artillerie
cnnemies. La cavalerie fran¡;aise, restée en plaine,
s'y défendit vaillamment, mais fut enfin refoulée
par celle de Pahlen, et forcée de se replier der–
riere notre infanterie.
Sur ces cntrefaites, le temps qui était mau–
vais, étant devenu pire, et une grele abondante,
chassée dans les yeux de nos artilleurs, leur
ótant presque la vue des objcts, les gardes russcs
a
cheval s'élancerent sur les cuirassiers de Bor–
dessoulle qui étaient
a
notrc gauch e, un peu en
avan t de l\fortier, et les refoulerent sur notre
infanteric. La jeune garde ayant formé ses carrés
n toute hate, mais privée de ses feux par Ja
pluie , ne put arreter l'en nemi, et dcux carrés de
la brigade Jamin furent enfoncés. Au meme
instant un spectacle inqui étant vint troubler
l'e prit des troupes restées jusquc-Ia iuébranla–
ble malgré leur jeunesse. Ce n'était pas tout
que de di puter pendant une heure ou deux le
t
rrain qui s'étendait entre les ravins de Vassi–
mont et de Connantray, il fallait bien finir par
e replier, et défiler alors
a
traver le village
m 'me de onnantra ou nous avions appuyé
nolre droil et ou passait la grande route de
Ja
Fere-Champenoise. Or tandis que le gros de la
cavalerie
ennemi~
nous chargeait de front, une
partic de cette cavalerie ayant franchi le ravin
de Connantray
a
notre droite, gah>pait sur nos
<lcrrieres vers la Fcrc-Champenoise. Des menaces
pour nos derrieres se joignant ainsi
a
des atta–
quesréitérées sur notre front, on
fit
volte-face un
peu trop vite, et on se retira sur la Fere-Cham-
. penoise avec une certaine confusion. Le corps
de .Marmont parvint
a
traverser Conoantray sans
pcrdre autrc cbose que quelques canons, mais
Morticr eut de la peine
a
se tirer d'embarras, et
il
aurait été accablé si un secours incspéré ne
ftit
survcnu tout
a
coup. ,
·
Parmi les troupes des généraux Pacthod et
Compans, il y avait des régiments de cavalerie
organisés
a
la hale dans le dépót de Versaillcs.
L'un de ces régiments, ayant suivi le mouvemenl
du général Pacthod, parut
a
l'improvistc entre
Vassimont et Connantray, chargea la cavaleric
cnnemie, dégagca notre infanterie, et sauva Je
corps du maréchal l\fortier. Ce dernier en fut
quitte commc l\farmont en sacrifiant une partic
de son artillerie qui ne put franchir le ravin de
Connantray pour gagner la Fere-Champcnoise.
Cette échauffouréc, ou
le
m:rnvais temps se
faisant l'allié d'un ennemi dix fois plus nombreux
que nous, avait paralysé la résistance de nos sol–
dats , nous couta environ 5 mille hommes et
beaucoup d'artillerie. C'était une perle cruellc,
soit en elle·memc, soit relativement
lt
la faiblesse
numérique des dcux maréchau'x, et ce n'était
pas la dernierc qu'ils dussent éprouver.
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était impossible de séjourner
a
la Fcre-Cham–
penoise, et on ne pouvait s'arreter qu'a la nuit.
11
fallut done se mettrc en marche sur Sézannc.
l\Tais on n'était pas sur d'y arriver, pressé qu'on
était par des flots d'ennemis. Hcureusement que
pour se rcndre
a
Sézanne, on cótoyait les hau–
teurs sur lesquelles passc Ja grande route de
Cba!on s
a
.Montmirail, et ou l'on avait livré un
mois auparavant de si bcaux combats. L'un des
monticules appartenant
a
ces hauteurs, et for–
man t une sorte de promontoire avancé daos la
plain e, se Lrouvait tout pres , et
a
droitc. On
alla
y
prendrc position pour la nuit, et s'y rncttrc
a
l'abri des attaqucs incessantes de la cavalcrie dc–
alliés. Mais landis qu'on y marcbait, une affrcuse
canonnade retentissait
a
droite en arrierc. Le
maréchaux en furent tres-soucieux , et i\Jortier
alors se rappela le brave et inforluné Pacthod,
qui lui avait demandé des instructions qu'il
n'avait pu lui donner.