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LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.
état-major, et M. le comte de Nesselrode, exer–
<;ant celles de chef de sa chancellerie. On
fit
ap–
peler ce dernier, qui , ayant longtemps vécu a
Paris , pouvait mieux qu'un autre saisir le vrai
sens des dépeches inter ceptées , et on le chargea
d'en prendre connaissance. Elles étaient, en effet,
d'une importance extreme. Elles consistaient en
Icttres de l'Impératrice et du duc de Rovigo a
l'Empereur. Les unes et les autres exprimaient
sur l'état intérieur de Paris les plus vives in–
quiétudes. Celles de l'lmpéralrice, ernpreintes
d'une sorte de tcrreur, n'avaient pas , sans doute,
une grande signification , car elles pouvaient bien
n'etre que l'expression de la faiblesse d'une
femme. Mais celles du duc de Rovigo avaien t une
tout
aut.revaleur, car, ministre de Ja police et
homme de guerre, fort habitué aux positions
difficiles, il ne pouyait etre suspect de timidité,
et il déclarait que Paris comptait dans son sein
des complices de l'étranger fort influents, etqu'a
l'apparition d'unc arrnée coalisée il était
1
pro–
bable qu'ils suivraient l'exemple des Bordelais.
Cette révélation était dans le rnoment d'une
imrnense gravité; elle achevait d'éclairer la si–
tuation políLíque, et faisait cesser toutes les
incertitudcs qu'on aurait pu conserver sur la
conduite a tenir. Apres cet aveu involontaire
échappé au gouvernement de l'Empereur,
a
sa
fcmme,
a
son ministre de la police, on ne pou–
vait plus douter que son tróne ne ft1t pres de
tomber en ruine, et que toucher a Paris ne füt
Je moyen assuré de le faire écrouler. On courut
éveillcr l'empereur Alexandre et le prince de
Schwarzenberg, on leur communiqua les pieces
interceptécs, et pour l'un comme pour l'autre
la démonstration fut complete. Marcher sur
Paris parut la résolution
a
laquellc
il
fallait s'ar–
réler tout de sui te, et qu'on devait mcttre
a
exécution des le lever du so leil. Les tro is souve–
r ains n'étaient pas actuellcment réunis. Alcxan–
dre, le plus actif des trois, voulan t loujours etre
p:irtout, et parliculierement auprcs des gén é–
r aux, se trouvaiL aupres du généralissime. Le
plus modcste, le plus sage, cclui qui se don nait
le moins de mouvement, et qui, n'étant pas
militaire, prétendait ne devoir causer aux mili–
taires au cun embarras par sa présence, I'cmpe–
reur Franc;ois résidait actuellcment assez loín,
c'est-a-dire
a
Bar-sur-Aubc. Le roi de Prusse,
formant entre les deux une sorte de termc
moyen , plus réservé que l'u n, plus actif que
l'autre, avaiL pris gite daos les environs. 11 fut
convenu qu'on irait le chercher immédiaternent,
qu'on meltrait l'armée en mouvemcnt des Je
matin pour se rapprochcr de la l'\farne, ou l'on
devait rencontrer Blucher, et que la réunis tous
ensemble, apres une délibération dont le résul–
tat ne pouvait devenir douteux par la présence
des Prussiens, on prendrait la route de París.
Le prince de Schwarzenberg se chargea de
mandcr a son maitre le partí qu'on adoptail, et
l'engagea, en lui écrivant, a ne pas songer
a
rcjoindre la colon ne d'iovasion , car
il
pourrait
bien, au milieu• du croisement des armées belli–
gérantes, tornber daos les mains de son gendre,
ce qui serait une grave complieation daos les
circonstances actuelles. 11 existait
a
travers la
Bourgogne une ligue de communication , pour
ainsi dire autrichie.nne, puisqu'on avait envoyé
de Troyes a Dijon des secours au corntc de
Bubna. Le prince de Schwarzenberg conseilla
done
a
l'empereur Fran<;ois et a
1"1.
de Metter–
nich de se diriger sur Dijon, car outre qu'il
était sage de ne pas se faire prendre, il était con–
venable aussi que l'empereur Fran<;ois n'assistat
point au détronement de son gcndre, et surtout
de sa filie. Ces díspositions arretées, on quitta
Dampierre, le 24 au matin, pom' se rendre
a
Sommcpuis.
11 ne fallait pas beaucoup de temps pour
y
arriver, ce point étant
a
une distan ce de trois
licues
a
peine. L'empereur Alexandre, le prince
de Schwarzenberg, le chef d'état-major Wol–
konski, le comte de Nesselrocle , partis tous en–
semble du chateau de Dampierre, rencontrerent
a
Sommepuis le roi de Prusse , Blucher et. son
état-major. On prétend que. la r ésolution fatale
qui devait conduire les armées de l'Europe au
milieu de Paris, fut prise sur un petit tertre,
si tué dans les en•virons de Sommepuis, et que la
s'établit la délibération dont le résultat
~tait
certain d'avance, puisque
a
tous les sentirncnts
qui avaient parlé daos le chatcau de Dampierre
étaient' venues s'ajouterles passions prussiennes.
On fut a peu pres unanimc. Les réponses, en
efTet, s'offraieot en foule nux objcctions qu'éle–
vaient les mililaires méthodíqucs, qui ne sor–
taient pas des regles de la guerre servilement
cornpriscs. Napoléon allait se placer sur les com–
munications des armées alliées, mais on allait
aussi se placer sm les siennes. Le mal qu'il allait
causer en saisissant les magasins des alliés, leurs
hopitaux , leurs arriere-gardcs, Ieurs convois de
matérieJ, on le lui rendrait au double, au triple,
en caplurant tout ce qui devait se trouver entre
Par is et l'armée franc;aise, sur la route de Nancy.