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PREl\IlERE ABDICATION. -

BIARS

18!4.

475

moi avoir évité un pareil éclat. Au fond ces

gens-la ne sont pas de· bonne foi. Si vous avicz

cédé, bientót ils auraient demandé davantage.

lis répandent partout qu'ils en veulent

a

moi et

non a Ja Francc. Mensonges r¡u e tout cela! lis

s'en prennent

a

moi parce qu'ils savent que seul

je puis sauver la France (ce qui était ' 'rai alors,

car cclui qui l'avait pcrdue pouvait seul Ja sau–

ver) ; mais au fond , c'est

a

fa

France et

a

sa

grandeur qu'ils en vculent. L'Angleterre con–

voite la Belgique pour la maison d'Orange; Ja

Prusse convoite Ja Meuse pour elle-meme ; l'Au–

lrichc désirerait nous óter l'Alsace et

la

Lorraine

pour en trafiquer avec Ja Bavicre et les princes

allemands. On veut nous détruire, ou nous

amoindrir jusqu'a nous réduire

a

rien. Eh bien,

rnon cher Caulaincourt,

il

vaut mieux mourirque

d'etre amoindris de Ja sorte. Nous sommes assez

·vieux soldats pour ne pas craindrc la mort. On

ne dira pas cette fois que c'est pour moa ambi–

tíon que je combats, car il me scrait aisé de

sauver le treme; mais le. tróne avec la France hu–

miliée, je n'en veux point. Voyez ces braves

paysans comme ils s'insurgent déja, et tuent des

Cosaques de toutes parts

!

Ils nous donnent

l'exemple, suivons-le. Croiriez-vous que ces mí-

.sérables du Conseil de r égence voulaient accepter

)'infame traité qu'on vous a proposé ? Ah! je lcur

ai prescrit de se taire et de se tenir trnnquill cs .

Ces pauvres paysans valcnt bien mieux que ces

gens de París. Vous aJlez assister, mon ch er Cnu–

Jaincourt, a de belles ehoses. J e vais marcher sur

les places, et raJlier 50 ou 40 mille hommes

d'ici

a

quelques jours. L'ennemi me suit évidem–

ment. On ne peut pas expJiquer autrement la

masse de cavalcric qui nous en toure. La bru sqne

npparition que j'ai faite sur ses derrieres a ra–

mené Schwarzenberg, et en apprenant qu e je

rnenace se communieations

il

n'osera pas se ri -

que1· sur Paris. J e vais avoir bientót 100 mille

hommes dans la main, je fondrai sur le plus

1·approché de moi , Blucher ou Schwarzenberg

n'importe, je l'écraserai , et les paysans de la

Bourgogoe l'ach everont. La coalition est aussi

pre de a perte que moi de la mienne, mon cher

Caulaincourt, et si je triomphc nous décb irerons

ces abominable traités. Si je me trompe, eh

bien, nous mourrons

!

nou ferons comme tant de

nos ieux compagnons d'armes font tous les

jours, mais nous mourrons apres avoir sauvé

uotre honneur. -

M. de Caulaincourt, qui au!ant que per onnc

était capablc de comprendre cet héro'ique Jan-

gage, se rappelait trop de fautes commises, trop

de refus bors de propos et que l'honneur ne com–

mandait point, pour n'etre pas mécontent et

froidement improbateur. Berthier, devant qui

se tenaient ces discours, était consterné.

11

était

frapp é comme Napoléon du tumulte qui se faisait

autour de l'armée, doutait comme lui que ce fUt

la un simple détachement, mais se demandait

d'autre part comment 200 miJle coalisés, pres–

que victorieux, pouvaient se laisser détourner de

París , cette grande proie qu'ils avaicnt sous la

main, pour suivre un e poignée d'hommes ha–

sardée sur Jeurs derriercs . 11 doutait, et, en une

si grave eirconstance, Je doute était une angoisse

douloureuse, car si l'ennemi ne suivait pas,

il

pouvait en quelqu es jours etre dans París. Ce

sentiment était général. Contenu devont Napo–

léon , il éclatait ailleurs en tres..:mauvais propos.

Quant

a

Napoléon lui-meme, sans exclure le

doute, il répétait toujours

a

M. de Caulaincourt:

Vous avez bien fait de revenir, je vous aurais

désavoué. Vous etes venu

a

temps pour assisler

a

de grandes choses. -

Toute cette énergie, admirable comme don de

Dieu , mais déplorable quand on songe que, si

mal cmployée, elle nous avait conduits au bord

d'un abime, ne se communiquait guere, et chacun

s'allendait d'un momcnt

a

l'autrc

a

un affreux

dénoument. Ce dénoumcnt approchait en effet ,

et l'heure fatale, hélas ! était ven ue. Les combi–

naisons m ilitaires de Napoléon étaient assuré–

ment bien profondes, rnais si sa situation mili–

tairc pouvait se rétablir

a

force de génic, il n'y

avait pas de génii:i qui put rétablir sa situation

politiqu e. Paris plein de terreur, plein de dégout

d'un tel r égime, régime glorieux mais sanglant,

ordonné mais despotique, Paris pouvait nu pre–

rnier eontaet d'un cnnemi qui se présentait en

libérateur, échapper

a

la

main de Napoléon, et

devenir le théatrc d'une révolution

!

Or,

il

suffi–

sait que les coalisés soupi;onnassent eette tdste

vérité, pour que négligeant les considérations de

prudence, ils songeassent

a

tenter sur París non

pas une opération miJitaire, mais une opération

politique, et aJors les plans de Napoléon de–

vaient etre déjoués, et son tróne, que sa pui -

santc main avait relevé deux ou lrois fois depui

un mois, dcvait enfin s'écroul r. On va -voir

combien les coalisés étaient pre de devi ncr Ja

redoutablc vérité, qui fai ait toute notre

fai–

blesse devaut les envabisscurs de notre patrie.

Le prince de Schwarzenberg n'avaí t pas trop

compris Je. mouvement de l'armée

fran~aise

sur