PREl\flERE
ABDICATION. -
n1Ans
18!4.
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Boheme. L'essentiel était de tenir jusqu'a ce que
la vieille garde, dont on apercevait les tetes de
colonne sur l'autre rive de l'Aube, eut passé
cettc riviere et occupé Arcis. Lorsque les 6 mille
vieux soldats composant cette troupe d'élite se–
raient en avant d'Arcis, et se lieraient aux
1
O
mille jeunes soklats de Ney qui défendaient
le Grand-Torcy, on pouvai t C\tre tranquille. Mais
il fallait qu'ils arrivassent.
En attendant Ney soutenait
a
Torcy des
assauts furieux. Le corps du maréchal de Wredc
était entré en ligne , et par sa droite, composée
des Autrichiens, attaquait le Grand-Torcy ,
tandis que par sa gauche, composée des Bava–
rois, il cherchait
a
séparer ce village de la petite
ville d'Arcis . Toutcs les réserves russes, prus–
siennes~
:rntrichiennes, comprenant les gardes,
les grenadicrs, les cuirassiers
1
marchaient
a
l'appui ele celte attaque. Nous avions done en
face de nous plus de quarante mili e hommes d'in–
fanterie, saos compter des flots de cavalerie.
Ney dMendit le Grand-Torcy avcc son énergie
accoutuméc. Établi daos les maisons et derriere
les rues barricadées du village, il arreta par un
feu épouvántableles masses de l'int'anterie autri–
chienne. Vaincu un moment par le nombre, il
fut
rejeté hors du Grand-Torcy, mais se met–
tant
a
la tete de quclqucs bat.aillons, et faisant
a
la bai:onnette une charge déscspérée, il r cntra
daos le village. et parvint
a
s'y maintenir. Au
meme instant, Napoléon courant sans cesse
d'Arcis
a
Torcy, pour encourager les troupes par
sa préscnce, faillit voir sa prodigieuse destinéc
terminée d'un seul coup. Un obus lombe devant
les rangs d'un j cunc bataillon, pcu lrnbitué, en–
core
a
ce genre de spectaclc, et les hommes les
plus rapprochés du projectile fürnant rcculcnt
d'un pas. Napoléon pousse son cheval sur l'obus
pour leur enseigner le mépris du danger. L'obus
éclate, le couvre de feu et de fumée, el il sort
sain el sauf du nuage enflammé. Son cheval scul
csl blessé. 11 se jeltc sur un aulre, au rnilieu des
cris d'enthousiasme de ses jeuncs soldats.
Grace
a
ces nctes d'une héroi:que témérité,
nous conservons nolre position. Enfin la vicille
garde traverse le pont d'Arcis sous la conduite
de l'int.répide Frian
t.
Napoléon la rangelui-meme
en
avant d'Arcis , et envoie deux de ses vieux
batai11ons
a
l'appui de Ney. Le secours arrive
a
propos, car en ce moment la garde russe, entrée
en ligne, venait renforccr le maréchal de WrCde.
Une dernicre attaquc, encore plus violente que
Jes précédentes ,
est
essayée conlre le Grand-
Torcy. Ney la soutient avcc une fermeté imper–
turbable, et la repousse victorieusement.
Tandis que ce renfort de vieille infanterie cst
survenu si a propos, Lefebvre-Desnouettes, parti
de París pour rcjoindrc l'armée, débouche par
le pont d'Arcis
a
la tete de deux mille chevaux
avec lesqucls il avait devaneé son infanterie. Le .
général Sébastiani, disposant alors de quatre
mille chcvaux, se déploie dans la plaine d'Arcis,
Jaquelle s'élevc légerement vers l'ennemi. 11
s'apprete
a
prendre une rcvanche . Ses escadrons
bien lancés culbutent ceux de Kaisarow, les ren–
versent sur ceux de Frimont, et se vengent de
l'échauífourée du matin. Mais bientot ou voit
apparaitre la cavalerie bavaroise, la grosse cava–
Ierie russe, et la prudencc conseille de se retirer
sur Arcis. On gagne ainsi la fin du jour, Ney
se maintcnant au Grand-Torcy, la vieille garde
a
Arcis, la cavalerie entre deux, et on échappe
au désastre qu'avec moinsd'éncrgie nous aurions
certainement essuyé. Effectivement nous avions
combattu d'abord avec 14 milie hommes contre40
mille, puis avec 20 contre 60, et enfin avec 22
ou 25 contre 90, car sur notre droite les corps
deGiulay, de Wurternberg, dc'.Rajeffski, avaient
débouché de Nozay, et cornmenc;aient
a
prendre
part au combat lorsque la nuit était venue sépa–
rer les deux armées.
Au loin sur notre droite s'était passé un épi–
sode qui aurai t pu avoir des suites facheuses,
sans la rare vaillance de la cavalerie de la garde.
On se souvient que les chasseurs et les grena–
diers a cheval avaient été laissés au dela du pont
de Méry, sur la gauche de la Seine, avec les cap–
tures qu'ils avaient opérées la veille, et notam–
ment avec l'équipage de pont qu'ils avaient pris.
Partis le malin de Méry avec cet équipage de
pont, ils avaient essayé de rejoindre l'armée en
marchant directcment de
1\f
éry sur Arcis par
Premier-·Fait. (Voir la carte nº 62.) lis étaient
tombés nalurellemeutau milieu de toute la cava–
lcrie des corps de Rajeffski, de Giulay et de Wur–
temberg, réunis sous le commandement du prince
de Wurtemberg. Assaillis par une force cinq ou
six fois plus considérablc qu'cux , ils ·ne s'étaient
sauvés qu'cn déployant la plus rare valeur, et en
se battant pendant plusieurs heures le sabre
a
la
main. Rejoints cnfin par des escadrons du dépot
de Vcrsailles, qui avaient fait route par Méry,
ils s'étaient repliés sur Méry meme, saos avoir
perdu plús d'une centaine de cavaliers, et sans
avoir surtout laissé échapper leur équipage de
pont. Le lendemain ils gagnerent Plancy, passe-