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PREMIERE ABDICATION. -

MARS

i8i4.

47t>

léon écarté, les Bourbons que la France a oubliés,

aux lumicres desquels elle n'a pas confiance, les

Bourbons deviendront tout

a

coup possibles, de

possiblcs nécessaires. C'est politiquement, ce

n'est pas militairement qu'il faut chercher

a

finir

la

gucrre, et pour cela, des qu'il se fera

entre les armées belligérantes une ouverture

quelconque,

a

travers laquelle vous puissiez pas–

ser, hatez-vous d'en profitcr, allez toucher Paris

du doigt, du doigt seulement, et le colosse sera

renversé. Vous aurez brisé son ·épée que vous

ne pouvez pas lui arracher. - Telle est la sub–

stance des discours que le comte Pozzo adressait

saos cesse

a

l'empcreur Alexandre, et au surplus

il travailJait

SUI'

une ame facile

a

persuader.

Outre }'esprit tres-remarquable d'Alexandre, le

comte Pozzo avait pour le seconder toutes les

passions de. ce prince. Se venger, non de l'iu–

cendic de Moscou auquel il ne songeait plus

guere, mais des humiliations que Napoléon lui

avait infligécs, entrer dans París, dans la capi–

tule de la civilisation, y détróner un despote, y

tendre aux Fran9ais une main généreuse, s'en

faire applaudir, était chez lui un reve enivrant.

Ce reve l'occupait tellement, que pour le réaliser

il était capable d'une audace qui n'était ni dans

son creur ni dans son esprit.

Du reste, l'opinion que professait le comte

Pozzo di Borgo avait envahi peu

a

peu toutcs

les tetes. Née.d'abord parmi les Prussiens, chez

qui elle avait été engendrée par la haine, elle

avait fini par pénétrer chez les Russes, et meme

chez les Autrichiens. On comprenait tres-bien

chez ces derniers que frapper politiquemcnt

Napoléon était la maniere la plus su re et la plus

prompte de le détruire. L'empereur Franc;ois et

l\'I.

de Metternich, quoique regretlant en lui ,

non pas un gendre, mais un chef plus capable

qu'aucun autrc de gouverner la France, avaient

reconnu , depuis la rupture du congres de Cha–

tillon, qu'il fallait enfin prendre un parti -décisif

meme conLre sa personne. lis avaient longtcmps

répugné

a

pousser les choses

a

la derniere extré–

mité, mais le Rhin franchi, ayant admis le prín–

cipe des limites de 17!:)0, ce qui rendait vacants

les anciens Pays-Bas qu'on devait leur paycr

avec l'Italie, connaissant trop bien Napoléon

pour croire qu'il se soumettrait jamais

a

une

telle réduction de territoire, ils en étaient venus

par avidité aux memes conclusions que les

Prussiens par haine , les Russes par vanilé.

Aller chercher

a

París la solution politique qui

contienurait en meme temps la solution mili-

taire, leur semblait désormais nécessaire . Le

prince de Schwarzenberg, esprit timide rnais

sur, en était venu

a

penser'

a

cct égarcl, comrnc

~I.

de Metternich, et comme l'empereur Fran<;ois,

car en ce moment l'Autriehc présentait

le

phé–

nomcnc singulier cl'un empereur, d'un premier

ministre et d'un généralissime, identiques dans

leurs sentiments, et ne faisant qu'un homme,

étranger

a

l'amour comme

a

la haine, et conduit

uniquement par de profonds calculs. Dans cette

disposition, le prince de Schwarzenberg, voyant

la route de París ouverte, inclinait pour la prc–

miere fois

a

la preudre, de maniere que l'unani–

mité était presque acquise

a

la résolution de

marchcr sur la capitale de la France, bien que

plu ieurs officiers fort éclairés opposasscnt en–

core

a

cette marche téméraire l'autorité des

regles, ·qui enseignent qu'il ne faut ni aban–

donner le soin de ses communications, ni man–

quer le but par trop d'impaticnce d'y atteindre .

Toutefois, un événement extremcment favorable

a

l'opinion la plus hardie s'était passé dans la

journée. La cavalcrie de Wintzingerode, formant

l'avant-garde de Blucher, venait de se rencon–

trer pres de laMarne avec celle du cornte Pahlen,

appartenant au prince de Schwarzenberg. On

s'était félicité, réjoui de cette jonction, qui, du

reste, aurait. du s'opérer plus tót, car la batailJc

de Laon s'étant livrée les 9 et 10 mars, il était

étrange que Blucher n'eut pas suivi Napoléon

ou les maréchaux chargés de le remplacer sur

l'Aisne, et que le 25

il

füt encore

a

tatonner

entre l'Aisne et la Marne. Mais Blucher avait agi

comme les généraux qui ont plus de résolution

de caractere que d'esprit. 11 avait essayé de

prendre Reims, puis Soissons, avait longtemps

attendu quelques mille hommes du corps de

Bulow restés en arriere, enfin s'était décidé

a

pousser devant lui les maréchaux l\fortier et

Marmont, et avait rejoint la Marne par Chalons.

Quoi qu'il en soit, il arrivait avec 100 mille

hommes, et on en avait ainsi 200 mille pour

marcher sur París. Une tclle force faisait tomber

bien des objections tirées des regles de la guerre

étroitement entendues.

Daos cet état des choses, Je prince de Schwar–

zenberg se trouvant a,u chateau de Dampierre

avec l'empereur Alexandre pour

y

passer la

nuit, on apporta tout

a

coup des dépeches prises

sur un courrier de París, que la cavalerie légere

des alliés avait arreté. 11 y avait dans le chateau

de DampierFe le prince Wolkonski,

exer~ant

aupres d'Alexandre les fonctions de chef de son