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LIVRE

CINQUANTE-TROISIEl\fE.

rent l'Aube, et vinrent se réunir

a

l'armée par la

rive droite de cette riviere, avec les corps d'Ou–

dinot, de l\facdonald, de Gérard, qui étaient en

marche de Provins sur Arcis.

Telle fut la bataille d'Arcis-sur-Aube, la dcr–

niere que Napoléon Iivra en personne dans cette

campagne, et ou l'armée ainsi que lui firent des

prodiges d'énergie. Il se regardait comme victo–

rieux, et le croyait sincerement, car c'était un

miracle que 20 mille hommes eussent résisté

a

une masse qui s'était successivement élevée de 40

a

90 mi!le.

) 1

était fier de lui-meme et de ses

soldats, et voyait

~lans

ceLte possibilité de com–

battre

a

forces si inégalcs, des ga1·anLies de succes

pour la suite de la guerre . Sa confiance était de–

venue telle, qu'il voulut le lendemain meme tenir

téte

a

toutel'arméedu prince de Schwarzenberg.

Cependant il ne pouvait etre rejoint dans la

journée que par le corps d'Oudinot, et en y ajou–

tant cc que Lefebvre -Desnouettes avait nmené, il

aurait atteint tout au plus une force de 52 milie

bommes. Il n'était done pas prudcnt de

bra~r

le choc de 90 mille combattants, surtout en

ayant une riviere

a

dos. Aussi finit-il par céder

aux conseils de la raison et de ses marécbaux qui

insistaient pour qu'il mit l'Aube entre lui et

l'ennemi. Apresavoir tenu ses troupes déployées

en avant_ d'Ar cis, pendan t qu'on préparait un

deuxieme pont, ils les

fit

replier soudaincment

a

travers les rues de cettc petite ville , franchit les

deux ponts, et laissa le prince de Schwarzen–

berg fort surpris et fort dé<¡u de voir luí échap–

per une proie qui semblait assurée. Les ponts

de l'Aube furent rompus, et le maréchal Oudinot

vint border la rive droite avec son corps appuyé

d'une nombreuse artillerie. L'ennerni ne pou–

vant se r ésoudre

a

laisser l'armée

fran~aise

s'en

aller saine et sauve, vo ulut tenter le passage de

la riviere, et demeura pendant cette tentative

exposé

a

un feu meurtrier.

11

perdit encore dans

cette journée du 21 plus d'un millier d'hommes

sans aucun résultat, car partout ou

il

se présenta

pour essayer de franchir l'Aube, les troupes

d'Oudinot, bien postées, l'accueillirent par un fcu

nourri de mousqueterie et de mitraille. Ce n'est

pas trop de dire que ces deux jours couterent

a

l'armée de Boheme 8

a

9 mille hommes , tandis

que nous n'en perdimes pas

1

plus de 5 mille,

grace

a

notre petit nombre et

a

l'avantage de

nous hattre

a

couvert dans des positions défen–

sives.

Au milieu de ces perpétuelJes aventures de

guerre, Napoléon trouvant l'armée toujours

héro'ique et dévouée quoique souvent mécon:–

tcnte, comptant sur son génie, croyant plus que

jamais aux ressources de son art, était loin de

désespérer de sa cause, et toutefois

il

ne se fai–

sait pas complétement illusion sur sa situation

politique. Bien qu'il ne voulut pas s'avouer

a

que! point il s'était aliéné

la

nation par ses

guerres continuelles et par son gouvernement

arbitraire, il n'avait garde cependant de s'aveu–

gler sur l'état moral de la France. Sur le terrain

meme d'Arcis, et au milieu du feu, s'entretenant

familierement avec le général Sébastiani, Corsc

comme luí, et doué d'un grand sens politiquc:

Eh bien , général, luí demanda-t-il, que dites–

vous de ce que vous voyez? - Je dis, répondit

le général, que Votre l\fajesté a sans doute d'au–

tres rcssources que nous ne connaissons pas. -

Celles que vous avez sous les yeux, reprit Napo–

léon , et pas d'autres. - Mais alors, comment

Votre Majesté ne songe-t-elle pas

a

soulever la

nation? - Chirneres, répliqua Napoléon, chi–

meres, empruntées aux souvenirs de l'.Espagnc

et de la Révolution frarn;aise

!

Soulever la nation

dans un pays ou la Révolution .a détruit les no–

bles et les pretres, et oú j'ai moi-meriie détruit

la Révolution

!...

Le général resta stupéfait, admirant oe sang–

froid et cette profondeur d'esprit, et se demaQr

dant commcnt tant de génie ne servait pas

a

empecher tant ele fautes.

Le mornent était venu pourtant de prendre

une résolution définitive. Entre Arcis et Cha–

lons, l'Aube et la Marne ne sont guere qu'a ooze

ou douze lieues de distance l'une de I'autre.

(Voir Ja carte nº 62.) Blucher, auquel on avait

opposé Marmont et Mortier pour le contenir,

pouvait etre ralenti, mais non arreté par ces

deux maréchaux. Les armées de Boheme et de

Silésie ne devaient pas tarder

a

se réunir, et on

allait étre alors étouffé dans leurs bras. Napo–

léon avec ce qu'il avait de forces , ne pouvant

plus les battre séparément,

a

moins de circon–

stances extremement heureuses que la fortune

ne luí ménageait plus guere, pouvait encore

moins les battre réunies. Poursuivre son idée de

se rapprocher des places, pour s'y procurer un

renfort de cinquante mille hommes, et pour

attirer l'cnnemi loin de Paris, etait définitive–

ment la seule ressource qui lui restat, ressource

qui , hasardeuse avec luí , eut été mortelle avec

un autre.

11

résolut done de partir le 21. mars pour

Vitry sur la Marne. En passant par Sommepuis