PREl\llERE ABDICATION. -
MARS
t8i4.
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prince de Wurtemberg_et du général Giulay se
repliaient vers Troyes, et les réserves sous Bar–
ciay de Tolly se concentraient entre Brienne et
Troyes.
Napoléon en débouchant par Plancy avaitdonc
<lonné un peu trop
a
droite, c'est-a-dire un peu
trop vers Paris, et en fut bientót convaincu en
voyant la marche rétrograde des diverses co··
lonnes de l'armée de Boheme. Néanmoinssachant
par expérience
qu'e~
se jetant hardiment au mi–
lieu de troupes en retraite, on a plus de chances
d'y faire de bonnes prises que d'y rcncontrer
une forte résistance,
il
passa saos hésiter le pont
de Plancy avec la cavalerie de sa garde et, apres
avoir traversé l'Aube, se porta sur Ja Seine. 11
Jaissa le général Sébastiani avec les divisions
Colbert et Excelmans sur sa gauche, pour s'éclai–
rer du cóté d'Arcis, et, avec Ja vieille garde
a
cheval de Letort,
il
courut droit au pont de
Méry sur la Seine. (Voir la carte nº 62.) Méry
étant occupé par l'ennemi , LelorL franchit la
Seine
a
un gué au-dessous, et tomba au milieu
de l'arriere-garde du prince de Wurtemberg.
Jl
sabra quelques centaines d'hommes, et opéra
une capture d'une grande valeur, celle d'un
équipage de pont appartenant a l'armée de Bo–
heme. Si un rnois auparavant Napoléon avait eu
cet instrumcnt de guerre ,
il.
se serait peut-etre
débarrassé de tous ses ennemis. On venait de luí
en envoyer un de Paris, mais si lourd, qti'il étai t
impossible de s'en servir.
JI
fut done enchanté
d'en acquérir un bien construit, léger et facile
a
transporter. Apres cette hardie reconnaissance,
il
laissa vers Méry Letort occupé
a
courir apres
la queue des colonnes ennemies, repassa la Seioe
de sa personne, et vint coucher a Plancy sur
l'Aube.
La journée avait parfaitement éclairci la situ·a–
tion. Le prince de Schwarzenberg se retirait en
toute bate, par la seule crainte d'avoir l'armée
frarn;aise sur son flanc droit; que serait-ce lors–
qu'il la croirait sur ses derrieres? Napoléon
résolut done de profiter de ce que París était
dégagé, de ce que le prince de Schwarzenbcrg
montrait si peu de fermeté, pour revenir a son
projet de se porter sur les places, d'en recueillir
les garnisons, et de prendre ainsi position avec
des forces presque doubJées sur les derrieres de
l'ennemi. 11 devait paraitre bien présumable que
le prince de Schwarzenberg, déja en retrait.e
aujourd'hui, s'y mettrait bien davantage quand
Napoléon serait
a
Vitry,
a
Saint-Dizier,
a
Toul,
a
Nancy, et que de son cóté Bluchcr n'avan-
cerait pas lorsque Schwarzenberg rétrograde–
rait
1 •
En
co~séqucncc,
Napoléon
fit
les dispositions
suivantes. 11 ordonna aux maréchaux Oudinot et
l\facdonald, au général Gérard, maíntenant dé–
barrassés de la présence del'ennemi, de remonter
vers
lui
par Provins, Villenauxe, Anglure,
Plancy, et de le rejoindre
a
Arcis par la rive ,
droite de l'Aube. 1\'ey, acheminé sur Arcis par
la memc rive, devait y parvenir dans la journéc
avcc la jeune garde, et Friant avec la vieille.
Napoléon résolut de s'y rendre lui-meme le len–
demain matin 20, avec la cavalerie de la garde,
en remontant l'Aube par la rive gauche. Apres
avoinallié autour d'Arcis, Ney, Friant, Oudinot,
Macdonald, Gérard, et recueilli chcmin faisant
quelques dépouilles de l'ennemi, apres avoir rec;u
les conyois partis de Paris sous Lefebvre-Des–
nouettes, il devait tirer droit de l'Aube sur la
Marne, et se porter
a
Vi try, Saint-Dizier, peut–
ct1·e meme
a
Bar-le-Duc. Les maréchaux Mortier
et Marmont, laissés
a
Reims et
a
Berry-au-Bac,
pouvaient le rejoindre facilement par Chalons ,
et Napoléon leur en expédia l'ordre. Tout fut
ainsi réglé de maniere
a
se diriger avec 70 mille
hommes sur les places. Apres ces dispositions,
Napoléon écrivit
a
Paris ce qu'il allait faire, re–
commanda fort le sang-froid
a
tout le monde, et
se montra rempli de confianee. Cette confiance
était en partie affectée, mais en grande partie
sincere, car
il
sentait le mérite de ses combinai–
sons, et ne doutait guere de lcur succes.
Le Iendemain , 20 mars, jour qui devait etre
plus d'une fois mémorablc dans sa vic,
il
quitta
Plancy pour remonter l'Aube par la rive gauche
avec une portion de sa cavalerie. Letort en avait
laissé une autre portion autour de Méry, afin de
ramasser des bagages et des prisonniers. Le gé–
néral Sébastiani, avec les divisions Colbert et
Excelmans, avait pris les devants et s'était porté
sur Arcis. Dansson extremeconfiance, Napoléon
n'avaitpas daigné repasser l'Aube pour cheminer
a
couvcrt, et il avait marehé sur Arcis par la
roule qu'il avait tracée aux divers détachements
de sa cavalerie.
Parvenu vers le milieu du jour a Arcis (Arcis–
sur-Auhe), il y trouva le général Sébastiani, fort
soucieux de ce qu'il avait vu en route. Le ma–
réchal Ney, qui venait de s'y rendre avec son in–
fanterie par Ja rive droite de l'Aube, paraissait
1
.Je parle ici d'apres la correspondance de Napoléon, re–
lra~anl
jour par jour, lleurc par heure, ses ré>olulions el ses
rnouvcmenls.
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