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LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.

terre conservat Malte et la plupart·. de ses

acquisitions. Mais cette énumération précise des

concessions faites par la France impliquait na–

turellement qu'elle entendait garder le Rhin et

les Alpes, c'est-a-dire Anvers, Cologne, Mayence,

Chambéry, Nice, puisqu'elle ne déclarait pas les

abandonner.

Cette fois l\f. de Caulaincourt ne fut point in–

terrompu par les plénipotentiaires, car

il

avait

rempli la condition de présenter un contre–

projet, et

il

fut écouté avec un froid silence,

mais sans étonnement. La lecture du docu–

ment

a

peine acbevée, les plénipotentiaires se

leverent, et, apres avoir donné acte de la remise

de notre contre-projet, et annoncé qu'ils allaient

l'envoyer au quartier général des souverains,

déclarerent qu'on pouvait regarder la négocia–

tion comme définitivement rompue, et que sous

quarante-huit heures ils quitteraient Cbatillon.

Les Anglais, et notamment lord Aberdeen, qui

dans les formes avaient toujours observé les

convenances, répéterent

a

M. de Caulaincourt

qu'ils regrettaient infiniment qu'on n'cut pas

conclu

la

paix au'X. conditions par eux énoncées,

car on aurait fait cesser l'effusion du sang qui

désormais allait ctre saos terme, qu'a ces condi–

tions on aurait traité de bonne foi avec Napo–

léon, qu'on l'aurait meme reconnu comme em–

pereur, ce que l'Angleterre n'avait jamais fait .

Ces déclarations , empreintes de la plus évidente

sincérité, désolerent M. de Caulaincourt, qui

n'ayant pas pu sauver la grandeur de l'Empire,

aurait voulu sauver au moinsl'Empire lui-meme 1

Ce citoyen éminent, qui avait représenté la

France apres Iéna et Friedland, et avait été

comblé alors des caresses del'Europe tremblante,

était, dans sa douleur qu'il ne savait pas assez

cacher, un exemple frappant des vicissitudes de

la fortune, un exemple que les plénipotentiaires

n'auraient pas dtl envisager saos une vive crainte.

.iUais les diplomates ne sont pas plus philosophes

que les autres hommes, et le présent les enivre,

eux aussi, jusqu'a leur faire oublier le passé et

l'avenir

!

Le contre-projet, remis le

1

!'.)

mars, devait re–

cevoir sa réponse au plus tard sous deux jours,

c'est-a-dire le

17'

et le

congr~s

devait etre dis–

sous le

18.

l\L de Caulaincourt le manda sur-le–

champ a Napoléon a Reims.

Napoléon le prévoyait, et en avait pris son

parti. Arrivé a Reims le

15

au soir, il avait ré–

solu d'y passer le

14,

le

rn,

le 16, peut-étre

le

17,

afin de laisser reposer ses troupes, de

fondre les uns dans les autres certains corps

organisés a Paris trop a la hate, et·de bien juger

la marche des coalisés avant d'arréter définitive–

ment la sienne. Bien que son second mouve–

ment contre l'armée de Silésie n'eut pas réussi

comme le premier, bien qu'il eut été trompé

dans ses espérances par la perte de Soissons, et

par le r ésultat des hatailles de Craonne et de

Laon, néanmoins Blucher avait été fort mal–

traité, et le prince de Schwarzenberg, quoique

revenu de l'Aube sur la Seine, n'avait pas, osé

se porter au dela de Nogent. Ce prince parais–

sait attendre pour faire un pas de plus que Napo–

léon révélat mieux ses desseins. Enfin le combat

de Reims, faible dédommagement de cruelles

déceptions, avait cependant produit une forte

impression sur les coalisés. Napoléon ne se tc–

nait done pas encorc pour vaincu, et

il

atten–

dait toujours quelque faux mouvement de ses

advcrsaires pour tomber sur eux avec la promp–

titude de

la

foudre.

Le plan qu'il continuait de préférer a tout

autre, était de se rapprocher de ses places pour

en recueillir les garnisons, et pour s'établir sur

les communications des généraux ennemis. 11

était fort encouragé a suivre ce plan par l'arri–

vée a Reims du général Janssens avec

!>a

6 mille

hommes, tirés des places des Ardennes, lesquels,

réunis en un corps bien compacte, avaient traversé

heureusement les provinces envahies. Napoléon

avait déja, comme on l'a vu, ordonné au général

Maison de prcndre a Lille,

a

Valenc·iennes, a

Mons, dans les forteresses enfin de la Belgique,

tout ce qui ne serait pas indispensable pour en

garder les murailles pendant quelques jours,

d'en former une petite armée, et de le joindre

a

ce qui viendrait d'Anvers. Il avait prescrit

a

Carnot, qui tenait toujours les Anglais en échec

devant Anvers, de n'y conserver que les gens de

marine, les bataillons les plus récemmcnt orga–

nisés, et d'envoyer les meilleurs au nombre d'en–

viron 6 mille hommes au général .l\1aison. 11

avait encore prescrit au général Merle de sortir

· de Maestricht et des places de la Meuse, aux gé–

néraux Durutte et Morand de sortir de Metz et

de :Mayence (ordres qui étaient parvenus et

allaient s'exécuter), et il comptait ainsi tirer des

places , dcpuis Anvers jusqu'a l\Iayence, environ

oO

mille hommes. 11 n'avait pas besoin d'aller

a

l\1ayence ou Metz pour recueillir ces divers déta–

chements; un simple mouvement sur la haute

Marne par Chalons, Vitry, Joinville, mouve–

mcnt qui ne l'éloignait pas beaucoup du cercle