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de ses opérations, Iui permettait de rallier ce
renfort, qui, joint a ce ·qu'íl avait entre la Sein·e
et la Marne, porterait son armée
a
120 mi.Jle
hómmes, et le placerait en outre sur les der–
rieres de ses adversaíres, maniere la plus sure
de les attirer loin de París. A cette grande con–
ception il y avait néanmoins deux objections :
le défaut d'ouvrages défensifs autour de Paris,
et la situation morale de
cett~
vaste cité. N·apo–
léon , comme nous l'avons dit, par crainte d'alar–
mer la population, avait différé jusqu'au dernier
moment d'élever les ouvrages nécessaires. Au–
tour de la eapitale de
la
Fra.nce, ou s'élevent
aujourd'hui onze ou douze lieues de murailles et
'16
citadelles,
il
n'y avait pas meme des redoutes
en terre. Quelques hatteries palissadées en avant
des portes étaíent les seuls travaux qu'on y eut
exécutés.
12
mille hommes de gardes nationales,
choisis parmi les citoyens les plus paisibles et
les moins agissants, et 15 ou 20 mille hommes
des dépóts avec une nombreuse artillerie, en
composaient Ja garnison. Toutefois c'eut été
assez avec un chef énergique pour en écarter
l'ennemi pendant quelques jours, surtout si on
avait pu donner des fusils a.u peuple des fau–
bourgs. Mais l'état moral de la capital
1
e était
encore la plus grand·e des difficultés de la dé–
fense. La population, partagée entre l'aversion
pour l'étranger et l'aversion pour un despotisme
qui, apres vingt ans de victoires, avai t amené
l'Europe armée sous ses murs, était prete a se
donner au premier occupant, et un partí de
mécontents habiles pouvaít, des que l'ennemi
paraitrait, se faire l'instrument actif d'une révo–
lution déja opérée dans les esprits. C'était la
pour l'Empire une immense faiblesse, plus dan–
gereuse encore que celle qui naíssait de notre
état militaire presque détruit. Prince légitime,
c'est-a-dire issu d'une ancienne dynastie, ou
prince sage ayant conservé la confiance du pays,
Napoléon aurait pu avoir l'ennerni dans París,
comme Frédéric le Grand l'avait eu dans Berlin,
et n'en éprouver qu'un échec réparahle. Pour
lui, au contraire, l'entrée des étrangers dans sa
capitale·, facilitée par le défaut d'ouvrages dé–
fensifs, était non pas un revers militaire, mais
l'occasion presque assurée d'une révolution.
C'étaient
fa
de graves objections sans doute
contre tout plan qui consistait a s'éloigner de
Paris, mais le systeme de se battre alternative–
ment contre Blucher et Schwarzenberg dans
l'angle formé par la Seine et la Marne,
1
étant
devenu presque impraticable, premierement
parce qu'il était trop prévu, secon<lement parce
que Napoléon étant acculé au fond de I'angle, les
deux masses ennemies en se rapprochant allaient
n'en plus faire qu'une,
il
fallait absolument qu'il
changeat de tactique, et
il
n'y en avait pas une
meilleure que celle qui, en lui donnant 50 mille
hommes de plus, l'établissait sur les derrieres
de l'ennemi. 'N'ayant pas le choix, Napoléon
cherchait
a
se persuader que le danger politique
n'était pas grand, qu'on n'oserait pas secouer le
joug de son autorité, et que les Parisiens d'ail–
leurs, ayant ses freres a leur tete, sauraient se
défendre. Il ne se figurait pas alors, parce qu'il
ne l'avait pas éprouvé, ce que deviennent l'in–
certitude et la faiblesse des volontés lorsqu'un
gouvernement est moralement ébranlé, et que
les esprits l'abandonnent
!
Soit done par néces–
sité, soit par un reste d'illusion, il adopta le plan ,
si profondément
con~u
sous l'e rapport militaire,
de marcher sur les places: lequel pour réussir
cxigeait seulement que Paris tin
t
cinq ou sixjours.
Toutefois, avant de s'engagcr dans cette ·au–
dacieuse manreuvre, Napoléon avait voulu don–
ner quelques jours de repos
a
ses troupes, pres–
crirc certaines dispositions indispensables, et
voir s'il ne pourrait pas, avantdes'éloigner, tom–
ber encore une fois sur les derriercs de l'une des
deux armées envahissantes, celle de Bobeme ,
par exemple, qui ayant pris position
a
Nogent
luí pretait déja le flane. C'est a quoi
i'l
avait em–
ployé les quatre jours passés
a
Reims, da 14 au
17 mars. Il avait laissé le général Charpentier a
Soissons avec quelques débris suffisants pour dé–
fendre la place; il avait réorganisé, en les fon–
dant ensemble, les quatre divisions d'e jeune
garde composant les corps de Victor et de Ney;
il
avait ordonné qu'on lui envoyat de Paris, sous
la conduite de
Lefehvre-D~snouettes,
environ 5 a
4 mille hommes d'infanterie de jeune garde,
2 mille cavaliers montés du meme corps, le
faible reste des troupes polonaises, une nouvelle
division de réserve fórmée avcc les gardes natio–
naux qu'on versait dalils les dépóts de ligne, et
enfin un immense pare d'artillerie. Cette adjonc–
tion devaitlui procurer envirón 12 mille hommes.
11
en avait déja
re~u
a
peu pres 6 mille des places
des Ardennes sous le général
J
anssens, et avec
ces d'ivers renforts il lui était possible de repor–
ter son armée a 60 mille hommes. S'il y jbignait
les corps de Macdorrald, d'Oudinot et de Gérard,
il devait avoir en:viron 85 mille combattants,
et 1'55 mille, si sa marche vers les places avait
tous les résultats qu'il en attendait.
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