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LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.

complétement 01,1blié les Bourbons, elle accepte–

rait volontiers tout gouvernement, quel · qu'il

füt, qui la débarrasserai t de souffrances devenues

insupportables. Cette vérité, saos doute exagé–

rée par l'envoyé de MM. de Talleyrand et de

Dalberg, avait fait naturellement impression sur

les ministres et les souverains réunis a Troyes,

et ils avaient répondu a M. de Vitrolles qu'on

était obligé de

~ontinuer

jusqu'au terme conven u

les confér.ences de Cl.iatillon; que si Napoléon

acceptait les frontieres de

1790,

011

traiterait

avec luí; que dans le cas contraire, on romprait,

et on entendrait alors tout ce qui pourrait etre

dit en faveur d'un autre gouvernement que le

sien, pourvu que ce gouvernement convint a la

France et présentat des chances de durée. Mais

les partisans de la guerre

a

outrance, quoiqu'ils

n'eussent pas besoin d'etre excités, en apprenant

ces co(Ilmunications, avaient senti redoubler Jeur

désir de rompre

a

Chatillon, et de marcher sur

París. C'était la le motif des avis réitérés et

se-~

crets que l'Autriche faisait parvenir

a

M. de

Caulaincourt. Quelques moments encore et tout

allait done changer de face

1

!

A Paris la situation prenait également un as–

pect des plus mena<¡ants. Napoléon avait, comme

on l'a vu, envoyé a la régente l\farie-Louise le

traité pl·oposé par les plénipotentiaires a Cha–

tillon, et s'était fl atlé que ce traité déshonorant

révolteraitquiconque sentait couler du saog dans

ses veines. Un conseil en effet, réuni le 4 mars

en présence de Marie-Louise et de Joscph , avait

re<¡u communication de toutes les picces de la

négociation. Napoléon, qui avait tant altéré la

vérité a. l'égard des négociations de Prague, et

memc de celles de Francfort, s'était décidé cettc

fois

a la dire tout entiere, parce qu'il espérait

qu'elle soulevcrait les coours

!

Hélas

!

elle n'avait

faitque lesconsterner,enervés qu'ilsétaientparun

long dcspotisme

!

On comptait, parmi les hommes

composant ce conseil, de bons citoyens, d'hon–

netes gens, mais ils avaicn t autant peur de dé–

plaire

a

Nap.oléon, en conseillant la paix immé–

diate, qu'au public, en conseillant la continuation

de la gucrre. lls n'avaient done

re~u

qu'avec une

sorte de crainte l'invitation de délibérer sur ce

grave su.jet. Dans ce conseil auquel assistaient,

outre l'Impératricc et Joseph, les grands digni-

1

Le

~rineipal

personnage employé uans ces négociations,

111. de

~1u·o~Jes

a

1·?e~nté

dans des mémoires spirituels, et

eneore méd1ts, sa m1ss10n au eamp des allié.s. J'en ai du Ja

communieation

il.

l'obligeance du déposilaire. Je suis done

eertain d'étre exaet dans Je récit que je viens de f¡¡,ire, et

taires, les ministres, et quelques présidents du

Conseil d'État, on avait, apres Ja lecture des

pieces, gardé un long silence de surprise et

d'effroi. Puis Joseph qui présidait, for<¡ant cha–

cun par une interpellation directe

a

rompre ce

silcnce, les vingt membres présents avaient bal–

butié leur avis en un langage embarrassé, et

avec la hrieveté non pas de l'énergie mais de la

faiblesse. Le traité proposé, suivant ces divers

opinants, était désolant; selon meme quelques–

uns qui avaient appelé les choses pllr leur nom ,

il

était une véritable capitulation. 11 fallait cs–

pérer, disaient-ils, que le génie de I'Empereur,

qui avait opéré tant de prodiges, accomplirait

el)core celui de repousser l'ennemi une derniere

fois, et de lui arracher des conditions plus ac–

ceptables. Toutefois on ne connaissait pas la

situation, Napoléon seul la connaissait, seul pou–

vait la juger, et émettre un avis éclairé (ce .qui

était bien vrai, grace

a

la

forme du gouverne–

rnent) ; mais si pourtant la situation était aussi

désespérée qu'on le disait, et qu'elle paraissait

l'etre, a juger des choses d'apres les apparences,

ne conviendrait-il pas mieux de traiter sur Ie·

pied des anciennes frontieres, que de laisser

entrer l'étranger dans Paris? On ne pouvait se

le dissimuler, si l'étranger pénétrait dans la ca–

pitale, il ne respecterait pas la dynastie glorieuse

sous laquelle on avait le bonheur de vivre ; il

tenterait un bouleversement intérieur, et c'était

la une calamité qu'il fallait écarter a tout prix.

Sans doute c'était une perte sensible que ce.lle de

la Belgique, mais

il

valait mieux perdre· Ja Bel–

gique que la France, et surtout que le tróne. D'ail–

leurs la France, apres tout, telle qu'elle avait

été sous Louis XIV, ayant son empereur

a

sa .

tete, serait toujours grande, car sa grandeur ne

dépendait pas d'une ou deux provinces. Napoléon

avait assez déployé le génie de la guerre,

il

serait bien

a

désirer qu'il eut le temps de dé–

ployer au.ssi le génie de la paix, et qu'il pút pro–

curer au pays autant de félicité qu'il lui avait

procuré de

gloir~. Alors~

bientót remise de son

épuisement, la France trouvcrait l'occasion de

recouvrer ce que la violence de l'étranger lui

enlevait aujourd'hui. Mais en tout cas, répétaient

ces hommes asservis qui souhaitaient ardemment

la paix s¡ms meme oser le dire, en tout cas, si

d'autaut pllls que j'ai pu con.fronlcr Je témoignage de

l\I.

de

Vitrolles avee eelui de qllClques-uns des prineipaux person–

nages du temps, et que c'est de leui·s térrioignages eomparés

que j'ai eomposé eette narration.