PREl\IIERE ABDICATION. -
MARs
f8U.
4üo
avec lesquelles il pourrait peut-etre changer la
face des choses. Il conserva done une fermeté
dont peu d'hommes de guerre ont donné
l'exemple, et peut-etre aucun, car jamais rnortel
n'était descendu d'une position si haute dans
une situation si affreuse.
JI
avait en effet sou–
levé le monde contre sa personne, et en avait
complétement détaché la Frapce
!
11 lui restait,
a
la vérité, un corps d'admirables officiers ,
formés
a
son école, remplis d'un saint désespoir
qu'ils communiquaient
a
l'héroique jeuncsse de
Francc, ramassée en marchant pour la faire
tuer avec eux;
il
lui .rcstait son inépuisable
génie , l'orgueil de sa grande fortune, et
il
n'était pas troublé, sans doute aussi parce que ,
meme dans sa chute,
il
entrevoyait une gloire
ineffa<;able. Rentré dans Soissons que l'ennemi
. n'avait pas osé garder,
il
attendait, I'reil fixé sur
ses adversaires, lequel d'entre eux commettrait
la faute dont il espérait profiter. 11 y était depuis
vingt-quatre heures, occupé
a
donner du pain,
des soá.liers, quelque repos, et une organisation
un peu meilleure
a
ses jeunes soldats, lorsqu'un
des nombreux ennemis attachés
a
sa sµite vint
se placer
a
portée de ses coups. C'était le général
de Saint-Priest qui amenait un nouveau déta–
chement tiré du blocus des places, ou il avait
été remplacé par des milices allemandes. 11 était
venu des Ardennes sur Reims, et avait expulsé
de cette ville le détachement de Corbineau.
C'étaient 15 mille soldats russes ou prussiens,
commandés par un excellent officier, Fran<;ais '
malheureusement , que la haine du régime
de 1793 avait conduit jadis en Russie, eLqui
n'avait pas su en revenir lorsque ce régime avait
eessé d'ensanglanter la Francc. Ce n'était pas la
une proie assez importante pour dédommager
Napoléon de ses derniers échccs, mais en se
jetant sur elle
il
pouvait faire sentir encore le
danger de son voisinage, et rendre ses ad ''er–
saires plus circonspects. .En attendant une meil–
leure fortunc, celle-Ia n'était point
a
dédaigner.
Tandis que .61ucher était arreté au bord de
l'Aisne, par la pos:ition que l\'Iarmont avait prise
a
Berry-au-Bac, Napoléon fit ses dispositions
pour courir de Soissons
a
Reims, .et accabler le
corps de Saint-Priest. Le
12
au soir
il
p.rescrivit
a
Marmont de laisser
a
Berry-au ~Bac
les forces
indispensables, ·de se porter sur Reims avec le
reste, tandis que lui s'y rendrait par la route de
Fis.mes .. lis devaient, le lendemain 15 au matin,
opérer leur jonction
a
une
lie.uede Reims. Le
plus grand secret fut ordonné et observé.
Le 12 mars, dans la nuit, Napoléon apres
avoir fait mettre
a
Soissons trente bouches
a
feu
en bat.teric, derriere des sacs
a
terre et des ton–
neaux, apres avoir détruit tous les obstacles qui
nuisaient
a
la défense, apres avoir laissé pour
garnison quelques fragments de bataillons et un
bon commandant, partil pour Reims avec la
demi-satisfaction quedcvait lui inspirer le succes
vers lequel il marcbait. Des la pointe du jour,
il
rencontra le corps de l\farmont et le marécbal
lui-meme, auquel il adressa quelques reproches,
moins sévercs toutefois qu'il n'aurait eu le droit
de les
faire~
et poussa sur Reims les 50 mille
hommes qu'il a-vait réunis pour ce coup de
main.
En route, on trouva sur la droite, au viliage
de Rosnay, deux bataillons prussiens qui faisaient
la soupe. (Voir la carte nº 64.) On troubla leur
repas en les prenant tous, malgré une certaine
résistance de leur part, puis on arriva en face de
Reims. Napoléon, qui aurait voulu enlever le
corps de Saint-P.riest tout ·entier, songeait
a
fai'rc
passer la Vesle
·a
ses troupes
~1
cheval, et
a
les
porter au dela de Reims pour couper la retraite
a
l'imprudent ennemi tombé dans ses filets.
(Voir la carte nº
62.)
Mais les alliés ayaient dé–
truit le pont qu'il cut été trop long de rétablir,
et
il
fallut se borner
a
culbutcr sur Reims les
troupes de Saint-Priest qui en étaient sortics pour
défendre les hauteurs. On les aborda avec la
plus grande vigueur, et apres un combat fort
court on les rejeta des hauteurs sur la ville. Alors
l'Emper.eur lan<;a sur elles les régiments des
gardes d'honneur. Le général Philippe de Ségur,
qui commandait l'un de ces régiments, tourna
l'extreme gauche d:c l'ennemi, culbuta sa cava–
lerie, et enleva onzc pieces de canon. L'infanterie
russe prise
a
revers par ce.mouvement se préci–
pita sur Reims. Elle voulut défendre les portes
de la ville, mais on enfon<;a ces portes
a
coups
de canon, puis on entra pele-méle avec elle, et
on ramassa 4 mille prisonniers. Ce rapide
coup demaü1, qui nous avait
a
peine couté quel–
ques centaines d'hommes, en
fit
perdre environ
6 mille au corps de Saint-Priest, qui fut pour le
moment rejeté assez loin.
1.\1.
de Saint-Pricst lui–
memc y perdit la vie.
Ce succes, sans rendre
a
Napoléon l'ascendant
qu'il avait apres .Montmirail, avait l'avantage de
procurcr quclques consolations
a
son armée, et
d.e contenir l'ennemi, qui sentait la nécessité de
réfléchir
a
ses moindres mouvements en face
d'un tel adversaire.11 s'arreta
a
Reims, pourvoir
•
•