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LIVRE CINQUANTE-'l'ROISIEl\fE.
gcrent quelques centaines d'hommes
a
coups de
bai"onnelle. On
fit
plusieurs centaines de prison–
niers. Ce succcs sur nolre gauche était d'assez
grande importance pour la suite de la bataille,
car il nous donnait quelques chances de tourner
Blucher. 11 fut compensé cependant vers notre
droile par la perte du faubourg d'Ardon. Bulow
s'y jeta une derniere fois avec fureur. La divi–
sion Poret de l\Iorvan eut son général toé, et
fu
t
obligée de se replier. l\fais au centre Ney était
resté maitre du faubourg de Semilly, en tete de
la chaussée de Soissons. A droite, si nous avions
pcrdu Ardon, nous avions occupé le village de
Leuilly;
a
gauche nous étions en possession de
Clacy, d'ou il étaiL possible de tourner Laon. Il
y avait done un progres véritablc uccompli par
la colonne principale que dirigeait Napoléon en
personne, et, malgré notre infériorité numé–
rique, on pouvait espérer encore de conquérir
cette plaioe de Laon, arrosée déja de tant de
sang, mais a condition qu'a no Lre extreme droite,
c'esl-a-dire sur la route de Reims, tout se pas–
serait heureusement.
Sur cette route de Reims , en effet, Marmon t
avait enfio débouché de Festie ux dans la plaine
de Laon. Son canon s'était fait entendre
a
deux
hcurcs de l'apres-midi, et avait rernpli Napoléon
d'espérance, Blucher d'anxiété.
11 s'était porté par la ro ute de Reims, lajeune
division de Padoue en tete , sur Je village
d'Athies, en présence des flots de la cavalerie
enncmic. (Voir Ja carte n°
64.)
Il avait successi–
vcment repoussé cette cavalerie, puis s'était ap–
proché du village meme d'Athies. Les troupes
d'York et de Kleist y élaient en position. l\1ar–
mont, qui entendait de s on colé le canon de
l'Empereur, et quí sentai t le besoin de faire
quelque chose dans cette journée pour le secon–
der, crut devoir emporter Athies. Voulant en
faci lilcr l'allaque a ses jcunes troupes, il pla<;a
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quarante bouches
a
feo sur son front , et canonna
impiloyablemcnt ce village. Ensuitc
il
le
fit
as–
saillir par l'infanterie du duc de Padoue , et l'en–
leva . La journée tirant a sa fin,
il
s'arreta, et
prit position la meme ou s'était terminé son suc–
ces.
Jusque-la tout allait bien, et Ja journée, quoi–
qu'on n'eut accompli que la moitié de l'reuvre,
promettait de bons résultats pour le lendemain,
si on pouvait toutefois conjurer l'infériorité du
nombre, grave difficulté, car on se battait daos
la proportion d'un contre deux, avec de jeuncs
troupes contre les plus vieilles bandes de l'Eu-
rope. Pourtant on avait exécuté des choses .si
extraordinaires dans cette campagne, et notam–
ment Ja veille et l'avant-veille, que si le lende–
main on partait vigoureusement du point ou
l'on était parvenu, et que l\farmont attirant a
lui Ja principale masse de l'ennemi, Napoléon
pUt se Jancer de Clacy sur les derrieres de Laon,
le triomphe était presque certain. Mais
il
fallait,
pour qu'il en fUt ainsi, bien des eireonstances
heur_euscs; il fallait d'abord réussir
a
se concer- .
ter
a
grande distance, a travcrs les bois, les ma–
récages et les Cosaques, puis enfin passer la nuit,
Marmont surtout, daos des positions peu sures.
l\farmont, établi en l'air au village d'Athies,
au milieu de la plaine, attendait les instructions
de Napoléon, et avait envoyé le colonel Fabvier
pour allcr les chercher
a
Ja tete de
ººº
bommes.
Était-ce bien le cas de les attendre immobile ou
il était, et n'aurait-il pas du, apres avoir aper<;u
daos la journée des masscs imrnenscs de
~avale-
...rie, prendre pour la nuit position en arriere,
ver s Festieux par exemple, espece de petit col
par Jeque! il avait débouché dans Ja plaine, et ou
il
aurait été en parfaite sécurité? Mais la erainte
mal entendue d'abando nner le tcrrain conquis
dans l'apres-midi , le reti nt, et l'empecha d'opé–
rer un mouvement r étrograde que la prudence
conseillait. Ce qui était moins excusable cncore
en demeurant au milieu de flots d'ennemis,
c'était <le ne pas multiplier les précautions pour
se garantir d'une surprise de nuit. Avec une lé–
ge1·cté qui ótait
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ses qualilés une partic de leur
prix, Marmont s'en remit
a
ses lieutenants du
soin de sa sureté. Ceux-ci laisserent leurs jeuncs
soldats fatigués se répandre daos les formes en–
viroonantes, et ne songerent pas memc
a
pro–
téger la batterie de quarante pieces de canon qui
avait canonné Athies avec tant de succes. C'étaient
de jeuncs canonniers de la marine, peu habitués
au service de terre, qui étaient attachés
a
ces
picces, et qu i n'eurent pas le soin de remettre
leurs canons sur l'avant-lrain ) de maniere
a
pouvoir les enlevcr promptement au prcmier
danger. Tout le monde, chef et officiers, s'en fia
ainsi
a
la nuit, dont on aurait du au coGtraire se
défier profondément.
11 n'y avait que trop de raisons, h élas
!
de se
défie1• de cette nuit fatale , car Illucher, des qu'il
avait entendu le canon de l\farmont, s'ét.ait per·
suadé que l'altaque par la routc de Reims était
la véritable, que celle qui avait rempli la journée
sur la route de Soissons étai t une pure feinte,
et qu'il fallait porter par conséquent sur la route