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LIVRE CTNQUANTE-TROISlEl\IE.
La journée du 8 ayant été accordée au rcpos
t
au rallicment des troupes , Napoléon résolut
de se porter le 9 mars au malin au milieu de Ja
plaine humide de Laon. C'était l'audacieux Ney
qui devait marcher en tete, et forcer le défilé
d'ÉtouvelJc
a
Chivy. Pour lui faciliter sa tache,
Napoléon ehargea le général Gourgaud de péné–
trer pcndant Ja nuit avec quelques troupes lé–
geres
a
travers les monticules boisés qui domi.
naient notre gauche, et de tourner le défilé en
apparaissant brusquement sur le flanc de la
chaussée entre Étouvelles et Chivy. La division
de dragons Roussel avait ordre , des que le défilé
scrait franchi, de se précipiter au galop sur la
ville de Laon, pour tacher d'y pénétrer pele–
mcle avec l'ennemi.
Le maréchal Ney, pour etre plus sur de
réussir, se mit en marche le 9, bien avant le
jour, lorsque les troupes alliées étaient encorc
plongées dans un profond sommeil. Les soldats
du 2e,léger, sous la eonduite de eet intrépide
maréchal, fondirent en colonne serrée sur Étou–
vellcs, y surprirent une avant-garde de Czerni–
cheff qu'ils passerent au
fil
de l'épée, et, apres
avoir occupé ce pelit village, se jetercnt sur
Chivy dont ils s'cmparerent égaJement. 11 arriva
memc que Ja pelitc colonnc du général Gour–
gaud, chargée de tourner le défilé, ayant trouvé
plus de difficulté que la colonne principale, ne
parut dcvant Chivy qu'apres le maréchal Ncy.
Elle se réunit toutefois
a
lui au momcnt ou
il
entrait daos la plaine de Laon. La division de
dragons Roussel s'élan<;a alors au galop sur la
chaussée; mais elle ful contenue par la mi traille
d'unc batterie de douze pieces, qui lui tua quel–
ques hommes avec un chef d'escadron. Il fallut
done s'arreter et altendre l'infanterie avant de
songer
a
l'attaque de Laon. Du reste, le défilé
qu'on a ait cru si redoutable était beureusement
franchi, et toutc l'armée pouvait se déployerdans
la plaíne. Ney e rangea en avant de Chivy, vis–
a-vis du faubourg de Semilly. (Voir la car t'e nº 64.)
Charpentier prit position
a
gauche avec les deux
di i ions de jeune gardc du maréchal Victor,
Mortier
a
droite avec Ja seconde division de
·vieille gardc, et avec la division de jeune garde
Poret de Mor an . Friant,
a
la
tele de la principale
division de ieiJle garde, s établit ao centre, en
arrierc. Venaien
t
enfin Ja cavaler·ic et la réserve
d'artilleri , complétant un total de 56 millc com–
battants. Marmont,
a
troi licues sor la droite,
paré de Napoléon par des hauleurs boisées
ºtait aTec
12
ou
1-
mille hommes sur la route
de Reims, attendant notre canon pour se risquer
en plaine.
Un épais brouillard couvrait le bassin au mi–
Jieu ducruel Laon s'éleve, et on voyait
a
peine les
tours de la villc se dresser au-des u de ce
brouillard comme sur une mer. Favorisé par
eette brume épaisse, Ney se jeta sur le faubourg
de Semilly, bati au pied de
Ja
hauteur que la ville
couronne; Mortier, avee la division Poret de
Morvan, se jeta
a
droite, sur le faubourg d Ar–
don situé de meme. La vivaeité de l'a ttaque,
l'élan d'un bcurcux débul, le brouillnrd, tout
eontribua au sueccs de eette d011blc tentative.
En une heure, nous nous reodimes maitres des
deux faubourgs.
M'ais bientót, nous apcr<;umes
a
travers le
b1JOuillard qui commen<;ait
it
se dissiper, le site
singulier qui devait nous servir de champ de
bataille, et l'ennemi put se rassurcr e voyant Je
petit nombre de soldats qui venaient
a~taquer
ses
,cent mille hommes.
Laon s'éleve sur un pie de forme triangulairc
asscz semblable a un trépied, haut <le deux ccnts
metrcs, et dominant ele tout coté le bassin vcr–
doyant qui l'entoure. (Voir la carte nº 64.) La
vieillc villc, enceinte de murailles crénelées et
de tours, occupe en entier le sommet du terlrc.
Au pied, daos la plainc, se trouvent au sud les
deux faubourgs de Semilly et d'Ar<lon, que nous
venions d'occuper, au nord ceux de Ja Ncuville
a
gauchc, de Saint-Marccl au centre, de Vaux
a
droite, que nous ne pouvioas pas voir, paree que
la ville nous les cachait. Bluchcr, apres avoir cédé
le plateau de Craonne
a
nos efforts, était bien
résolu
a
disputcr la plaine de Laon, en s'attachant
fortement au rocher couronné de murs qui la
domine, et aux faubourgs batis tout autour. 11 y
avait daos son ame beaucoup trop de couragc,
de patriotisme, d'orgueil, pour abandonner
a
48 mille hommes un ehamp de bataille qu'il
occupait avec 100 mille, qui était de défense
facile, d'importancc capitale, et apres l'abandon
duquel il ne lui restait qu'a se retirer, sans
savoir ou il s'arreterait, car l'armée de Silésie
était séparée de l'armée de Bohemc de maniere
a
ne pouvoir plus Ja rejoindre. Le sor t de la
gucITe tenait done
a
cettc position de Laon et,
pour les uns comme pour les autres, il fallait en
etre maitrc ou périr.
Blucher avait uo motif de plus de se batlre en
désespéré. Par suite de lajalousiequi régnait ntrc
les Prussiens et les Russes, quoiqu'ils fussent l s
plus unis des coalisés, il s'était répandu chez les