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LIVRE CINQUANTE-TROISIEl\fE.

bien deviné que nous attaquerions le plateau de

Craonne, et, sur le conseil de M. de Muflling,

quartier-maitre général de l'armée de Silésie, il

avait résolu de former une seule masse de

presque toute sa cavalerie, de la porter sur

la grande route de Laon

a

Ileims, dans le pays

découvert, et de la précipiter, au nombre de

U ou 1

!)

rnille cavaliers, sur notre flanc droit

et sur nos dcrrieres. S'il réussissait, il nous

coupait de Berry-au-Bac, et puis nous jetait

dans l'Aisne . La cornbinaison pouvait en eífet

avoir de giaves conséqucnces pour nous, mais

il

fallait deux choses , que no us n'cussions.

pas emporté le plateau ., et que la seconde

division de la vieille garde, ainsi que le corps de

l\farrnont, destinés

a

couvrir nos flanes et nos

derrieres, se fussent laissé enfoncer par la cavale–

rie ennemie, ce qui n'était guerc vraisernblable.

Cette _expédition de cavalerie

fut

confiée

a

Wintziugerode, regardé parrni les alliés comme

le plus alerte de leurs officiers d'avant-garde, et

c'est pour

~e

motif qu'il avait laissé son infan–

tcrie et son artillerie légere au comte de vVoron–

zoíf. Prcsque toute la cavalerie des a1Iiés futdonc

dirigéc sur la Lette

a

travers le pays fourré qui

forme les deux bords de cette petite riviere, et,

la Lette franchie, elle fut par un long détour

accumulée sur la grande chaussée de Laon

a

B.eims. (Voir la carte nº 64.) Kleist devait avec

son infanterie appuyer Wintzingerode; la cava–

leric d'York devait surveHler les deux bords de

la Lelte; Bulow était chargé de garder Laon,

tandis que Woronzoff, Sacken et Langcron dé–

fcndraient j usqu'a la dernicre cxtrémi té le pla–

teau de Craonne.

Le 7 mars au rnatin, Napoléon arreta son plan

d'attaque. Nous avons dit que le plateau de

Craonne se composait d'unc suite de hauteurs

a

sornmet aplati, s'allongeant entre

l'

Aisne et la

Lette qu'elles séparent, et s'étendant jusqu'aux

environs de Soissons. C'était la parlie la plus

avancée de ce plateau, formant, ainsi qu'on

vient de le voir, une espece de promontoire au

milieu de la plaine de Craonne, qu'il fallait em–

porter. Si on avait du l'escalader d'un seul coup ,

la tache eut été trop difficile. JI y avait comme

une premiere marche

a

gravir, c'était ce qu'on

appelle le petit plateau de Craonne, s'élevant

au-dessus de Craonnelle, et fort heureusement

occupé par nos troupes des la veille . Il devait

nous servir de point de départ pour nous élever

plus aiséfuent sur le plateau lui-meme. Afio de

rendre l'opération moins meurtriere, Napoléon

résolut de la seconder par deux attaques de

flan e, que permettait la na ture du sol. Deux ra–

vins descendaient du plateau, l'un, celui d'Oul–

ches, situé

a

notre gauche, et plongeant sur

l'Aisne, I'autre, celui de Vauclerc, situé

a

notre

droite, et donnant dans la vallée de la Lelte,

~u

milieu de laquelle se trouve la célebre abbaye

de Vauclerc. Ces deux ravins aboutissant, l'un

i1

gauche, I'autre

a

droite, sur les flanes du pla–

teau,

a

un endroitqu'on nomme la

ferme d'Heur–

tebise,

fournissaient le rnoyen de prendre

a

rcvers les troupes qui défendraient la position

principale. Ney, avec ses dcux divisions de jeune

gardc, et ayant pour appui une partie de la .cava–

lerie Nansouty, devait s'engager dans le vallon

d'Oulches, tandis que Victor., avec ses deux divi–

sions de jeune garde s'engageant dans celui de

Vauclcrc, viendrait déboucher sur le platean,

assez pres de Ney, vcrs la ferme d'Heurtebise.

Napoléon, au centre avec la vieille garde, la ré–

serve d'artilleric et le gros de la cavalerie, était

SU!'

le pelit plateau de Craonne, pret a ordonner

I'attaque du grand plateau, lorsque le mouve–

ment de ses ailes luí en donnerait la possibilité.

En ce moment, l\farmont arrivait de Berry-au–

Bac pour couvrir nos derrieres. Toutes nos trou ..

pes ayan t du défiler les unes apres les autres par

l'unique pont de Berry-au-Jfac, la plus grande

partie de notre artillerie était en arriere, cir–

constance regrettable en face d'un ennemi qui

avait réuni en avant de sa position un nombre

considérable de bouches a feu.

A <lix hcures du maLin , Napoléon donna le

signa} de l'attaque. Víctor

a

droite s'engagea

dans le vallon de Vauclerc, Ney a gauche dans

celui d'Oulches. Víctor, avec une brigade de la

division Boyer, se dirigea sur le pare de l'ab–

baye de Vauclerc, ou

il

trouva l'infantcríe ele

Woronzoff bien postée, et protégée par une nom–

brcuse artillerie qui tirait du sommet du pla–

teau. Apres des pertes sensibles, Víctor se rendit

maitre du pare de Vauclerc. Au-dessus s'éle–

vaient en étages des rnaisons et des jardins situés

sur le flanc meme de la hauteur. L'ennemi

y

avait une réserve qu'il voulut jeter sur la divi–

sion Boyer, mais trop tardivement. Cette divi–

sion, soliderncnt établie daos les batimcnts et

les jardins de I'abbaye, ne se laissa pas arracher

le poste qu'elle avait conquis. L'ennemi l'acca–

bla d'obus, mit en fou les batiments ou elle

s'était logée, rnais elle tint ferrne au milieu des

flammes.

Pendant ce temps on entendait de l'autre cóté