PREl\IIERE
ABDICATION. -
DlARs
18!4.
441
marche, comptant sur un événement décis1f dans
Ja journée. Craignant toujours que Blucher ne
réusslt
a
s'échapper par sa droite,
j]
vint Jui–
meme prendre position
a
Fismes, seule route qui
restat praticable dans la direction de Reims,
tandis que Marmont et Mortier poussaient direc–
tement sur Soissons par Oulchy et Hartennes.
(Voir les cartes nº• 62 et 64.
~
Quelque parti qu'il
adoplat, Blucher était réduit
a
combattre avec
l'Aisne
a
dos, et avec 4ñ mille hommes contre
~)!)
mille. Nous n'étioos pas habitués dans cette
campagne
¿¡-
avoir la supériorité du nombre, et
.Blueher devait etre inévitablemcnt préeipité dans
J'Aisne. Qu'il vouh1t s'arréter
a
Soissons pour y
livrer bataille adossé
a
une rivicre , ou qu'il
vou!Ut remonter l'Aisne, la position était la
meme. S'il s'arrétait devant Soissons, Napoléon,
se réunissant par sa gauehe
a
Marmont et Mor–
tier, lombait sur luí en lrois ou
quat.reheures
de temps; s'il voulait remonter l'Aisne pour y
établir un pont, ou se servir de celui de Bcrry–
au-Bae, Napoléon de Fismes se jetait encore plus
direetement sur lui, et ralliant en ehemin Mar–
mont et Mort.ier le surprenait dans une marche
de firme, position Ja plus critique de toutcs. La
perte deBlueher était done assurée, et qu'allaicnt
devenir alors Bulow et Wintzingerode errant
daos Je voisinage pour le rejoindre? que devc-–
nait Schwarzenberg resté scul sur Ja route
de
París? Les dcslins de la Francc devaient done
étre ehangés, car quel que put etre plus tard le
sort de la dynastic impéríale (question fort secon–
daire daos une crisc auss i grave), Ja France vic–
lorieuse aurai t conservé ses fron tieres naturelles
!
A lout inslant nous reccvions de nouveaux pré–
sagcs de la victoire. Le plus grand découragc–
ment.régnait parmi les lroupes deBlucher, tandis
que les nót1·es étaient brUlantes d'ardeur. On
recueillait
a
chaque pas des voitures abandon–
n écs et des trainards. Onze ou douze ecnts de
ces malheureux élaicnt ainsi tombés dans nos
mains.
Tout
ti
coup Napoléon
rc~ut
la nouvelle la
plus imprévue et la plus désolante. Soissons
qui était la clef de l'Aisnc, Soissons qu'il avait
mis un soin extreme
a
pourvoir de moyens de
défense suffisants, Soissons venait d'ouvrir ses
portes
a
B.luchcr, et de lui livrer le passage de
J'Aisne
!
Qui done avait pu changer si soudai–
nement la face des choses, et convertir en grave
péril pour nous, ce qui quelques heures aupara–
vant élait un péril mortel pour J'cnnerni ? Blu–
cher en effet était non-seulement soustrait
a
notre poursuite, et désormais protégé par
l'
Aisne
qui de notre ressource devenait notre obstacle,
mais
il
avait en mcrne temps rallié Bulow et
Wiñtzingerode, et atteint une force de cent
mille hommes
!
Qui done, nous le répétons,
avait pu bouleverser ainsi les roles et les dcsti–
nées? Un homme faible, qui, sans ctre ni un
traitre, ni un Iache, ni mérne un rnauvais offi–
cier, s'était laissé ébranler par les menaces des
généraux ennemis, et avait livré Soissons. Voici
comment s'était accompli cet événcment, le plus
funeste de notre histoire, apres celui qui devait
unan plus tard s'accomplir entre Wavre et Wa–
terloo.
Soissons était une premiere fois tombé aux
mains des alliés, par la mort du général Rusca,
et en avait été tiré par le maréchal Mortier, lors–
que celui-ci avait été mis
a
la poursuite des
généraux Sacken et d'York. Sur l'ordre de Na–
poléori, qui sentait toute l'importance de Sois–
sons dans les circonstances présentcs, le maré–
chal l\fortier avait pourvu de son rnicux
a·
1a
conservation de ce poste. La place, négligée
depuis longtemps, n'était pas en élat d'opposer
une bien grande r ésistance
a
l'ennemi, mais
avcc de l'artillerie et des munitions dont on ne
manquait pas, et ccrtains sacrifices que les cir–
constanccs autorisaient, on pouvai t s'y mainte–
nir quelqu es jours, et rester ainsi en possession
du passage de l'Aisne. D'apres une iostruction
que Napoléon avait revue, et qui avait été cxpé–
diée
a
Soissons, on devait d'abord bruler les bati–
menls des fauLourgs qui gcnaicnt la défense ,
puis mincr le pont <le l'Aisnc de maniere
a
le
faire sauler si on était trop pressé, ce qui , faute
de pouvoir le conscrver
a
l'armée
fran~aise,
devait l'óter du moins aux armées ennemics.
Comme garnison, on y avait cnvoyé les Polonais
nagucre rctirés
a
Sedan, et don t Napoléon n'était
pas dans ce momcnt trcs-satisfait.
JI
est vrili
qu'au désespoir de leur patrie perdue, se joignait
chcz eux une profonde misere, et que de la
belle troupe qu'ils formaient jadis il ne reslait
plus que 5
a
4 mille hommes, mal armés et
mal équipés. Cependant en présence de !'ex–
treme péril de la France, tout ce qui parmi eux
pouvait tenir un sabre ou un fusil avait rede–
mandé
a
servir. Un millier d'hommcs
a
cheval
sous le général Pac avaient rejoint la garde impé–
riale, un millier de fantassins étaicnt réunis dans
Soissons. Deux millc gardes nationaux devaient
les renforcer. On avait donné
a
Ja place pour
gouverncur le général Moreau (nullement parent
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