PREMIERE .ABDTCATION. -
DIARS
18U.
441>
de Vauclerc agauche, et le chateau de la Bove a
droitc, Ney et Victor éssaycrent d'emporter les
hauteurs ou la Lette prend sa sourcc. (Voir la
carte n°
64.)
lis les aborderent avec la résolu–
tion de s'cn rendre mailrcs. Mais aprcs une perte
de quelques centaines d'hommes, ils reconnurent
que ce ne pouvait etre que par une attaquc sé–
rieuse, c'est-a-dire par une, bataille, qu'on en
viendrait a bout. II ne fallait done pas verser
inutilemcnt un sang précieux , et le mieux était
de s'arretcr jusqu'a ce qu'on eUt pris un partí
décisif. Ney et Victor camperent au pied des
hauteurs. La premiere division de Ja vicille garde
sous Mortier s'étabJit
a
Corbeny, la cavalerie de
la vieille garde a Craonne, et da ns
Ja
campagne
environnante. La seconde division de .la vicille
garde passa la nuit eñ arriere de Berry-au-Bac,
et un peu en
de~.a
de l'Aisne,
a
Cormicy. Mar–
mont était en route sur ce point, pour former
J'arricre-garde de l'armée, et la flanquer pendant
les graves opérations qu'elle allait entreprendre.
Il fallait nécessairement, comme nous l'avons
déja dit, livrer bataille, quelque douteux que
fót
le résultat par suite de la force numérique et de
la position de l'ennemi , car sans avoir vaincu
Blucher, on nepouvait ni sereportersurSchwar–
zenberg, ni aller· chercher les garnisons
a
la
frontiere. Mais Ja maniere d'engager la bataille
donnait naissance
a
plus d'une question. Abor–
der directement le plateau de Craonne qui court
pendant plusieurs licues cntr·e l'Aisne et la Lette,
pour rejeter l'ennemi sur la Lette, et de la Lctte
dans la plaine de Laon, c'était abordcr la diffi–
culté par son coté le plus ardu, et, commc on
dit proverbiaJement, prendre le
taurean par les
cornes.
ll
y avait un moyen qui semblait moins
difficile, c'était, au Iieu de s'arreter
a
gauche
pour y combattre, de défiler tout simplement
par notre droite, de suivre la grande chaussée
de Reims a Laon par Corbcny et Festieux, et de
descendrc dans la pJaine de Laon, ou probable–
ment, en descendant en massc, on cut rcfoulé
l'ennemi sur Laon. Mais outre qu'il y avait sur
celte route plus d'un obsta.ele a surmonter, on
livrait ainsi la route de París, et l'ennemi ayant
Soissons en son pouvoir, était mattre, vaincu ou
non, de rejoindre la l\farne et la Seine, de s'y
réunir
a
Schwarzenberg, et de marcher sur Pa–
rís avec 200 mille hommcs. Saos doutc Ja memc
chose devait arriver en se portant sur la frontierc,
comme Napoléon en avait le projet, pour
y
ral–
lier les garnisons; mais il ne songeait
a
le faire
qu'apres avoir affaibli Blucher par une grande
défaite, apres avoir considérahlemcnt ébranlé le
moral des coalisés, et ranimé
:rn
meme degré le
courage des Parisiens et de l'arméc.
11
importait
done d'aborder Blucher de fa<;on
a
tendre un
bras vers Soissons, et un autre vcrs Laon (consi–
dération décisive dont les critiques militairc:.
n'ont pas tenu compte), et des lors
il
n'y avait
qu'un moyen, c'était, coute que collle, de gravir
sur notrc gauche le plateáu de Craonne, et de
faire de ce premier succes le premicr acte contre
Blucher. Parvenu sur ce plateau, on trouvait un
chemin qui ·en Jongeait le sommet jusqu'a Sois–
sons . On pouvait le suivre, jeter par un cffort
de notre droite l'ennemi sur la Lettc, pu is par un
sccond cffort le refouler de la Lctte dans ·1a
plainc de Laon, et si enfin on parvenait
a
lui en–
lever Laon, on aurait terminé
la
série des opé–
rations contrc Blucher, de la maniere. la plus dé–
sirable et
la
plus décisive.
ºº
pouvait,
a
la vérité,
:idopter un partí moyen, et par exemple ne pas
essayer d'emporter le platean de Craonne, ne
pas s'avancer non plus sur la route de Reims
a
Laon, mais pénétrer entre deux, a la faveur d'un
ravin qui donnait entrée dans la vallée de la
Lettc, et s'enfoncer ainsi en colonne serrée dans
cctte valléc, en. ayant
a
gauche les hauteurs de
Craonne,
l1
droite celles de la Bove. l\'Iais
il
fal–
lait pour cela s'engager dans une gaine étroitc,
au milieu de villages boisés et marécageux, avec
le danger de voir l'cnnemi fondre sur nous des
hautcurs qui bordent la Lette de loutes parLs, et
on aurait cu besoin de vieilles troupes, froide–
ment intrépides, pour s'aventurer dans ce coupe–
gorge.
L'enlcvement du platean de gauche par un
coup de vigueur, convcnait micux
a
<les troupes
jeunes, impétucuses, soutcnues par deux divi–
sions de vieille garde; et d'aillcurs, si la position
était redoutable, on avait l'avanlage de n'avoir
affaire de ce coté qu'a une aile des alliés, taquelle
était séparée du reste de leur armée par tant
d'obstacles qu'elle ne scr·ait pas facilement
secourue.
Napoléon se décida done pour une attaque par
sa gauche sur le plateau de Craonne. 11 y avait
sur ce plateau toute l'infanterie de Wintzinge–
rodc, confiée en ce moment au comte de Wo–
ronzoff, et tout le corps de Sacken, avec Lange–
ron en réserve, c'est-a-dire une cinquantainc de
mille hommes pourvus <l'une nombreuse artille–
rie. Blucher, par les tcntatives de la veille, par
la direction de nos mou vements, qu'il discernait
parfaitement des hauteurs qu'il occupait, avait