PREl\fIERE ABDICATION. -
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du plateau, dans le vallon <l'Oulches, le canon
de Ney aux prises avec· Sacken, et s'effor¡;ant
d'enlever la forme d'Heurtebise. Le 'plateau
étant étranglé en cet endroit, il y avait peu de
distance entre l'extrémité du ravin de Vauclerc
et celle du ravin d'Oulches, et les deux maré–
cbaux combattaient fort pres l'un de l'autre.
(Voir la carte nº 64.) Ney s'était engagé dans la
vallée d'Oulches avec ses dc'ux divisions et la
cavalerie de Nansouty. 11 avait formé son infan–
terie en deux colonnes, et s'était avancé sous une
mitraille épouvantable, car les Russes avaient
accurnulé l'artillerie
a
chacun des débouchés. Les
soldats de Ney, jcunes et ardents, supportercnt
bravement ce feu, et parvinrent jusqu'au bord
du ,plateau. l\faisarrivés la ils trouvérent l'infan–
Lerie de Sackcn sur plusieurs lignes, les fusillan t
a bout portaut, et ils furent refoulés dans le fond
du ravin. Cependant le destin de la guerre dé–
pendait du résultat de cette bataille, et Ney ne
voulait pas que ce résultat dépendit de la mau–
vaise conduite des troupes qu'il commandait.
Sans se décourager, avec cet élan auquel ses sol–
dats ne résistaient jamais, il rallie ses bataillons
au fond du ravin, leur parle, les ranime, puis
imagine de les réunir en une seule colonne, et
de fondre au pas de course sur l'ennemi, afio de
ne pas lui laisser le temps d'user de ses feux. La
colonne se forme en effet avec la résoJution de
vaincre ou de périr, puis elle s'avance le long du
ravin, et parvenue
a
son extrémil.é, elle s'élance,
le maréchal en tete, sous une grele de bailes.
Elle vole, elle aborde comme la foudrc l'infan–
terie surprise de Sacken, la l'enverse et l'oblige
a reculcr. Cettc infanterie plic sous un pareil
efTort, et rétrograde jusqu'a un petit hameau
qn'on appelle Paissy, en laissant aux divisions de
Ncy l'espace nécessaire pour se déployer. (Voir la
carle nº 64.) Tandis que la gaucbe de Ney prend
pied sur le plateau, sa droite se jette sur la ferme
d'Heurtebise, y pénétre malgré la résistance de
I'ennemi, et tue tout ce qui l'occupait . Aprés
quelques instants, l'infanterie de Sacken, remise
de son émotion, essaye de regagner le terrain
.perdu, mais les soldats de Ney étant en position
égale dans ce moment, ne veulent pas céder le
bord du plateau si cherement aequis. De part et
d'autre on se fusiIJe presque
a
bout portant.
A
l'attaque de droite, Viclor, encouragé par le
succes de Ney, n;entend pas rester en arriere.
La division Boyer apres s'etre emparée de I'ab–
baye de Vauclerc, cherche
u
déboucher sur le
platean, et vient s'établir avec la division Char-
pentier
a
la lisiere d'un petit bois qui s'étend de
l'abbaye de Vauclerc au hameau d'Ailles. Placée
la, elle essuie sans s'ébranler le feu de soixante
pieces de canon. Ces deux attaques de flanc ayant
dégagé le centre, Napoléon,
a
la tete de la vieille
garde, gravit le plateau presque sans coup férir,
et vient prendre position en face de
la
ferme
d'Heurtebise. 11 forme ainsi une ligne qui relie
l'attaquc de Ney
a
celle de Víctor. Le retard de
notre artillerie nous laisse exposés au feu des
nombreux canons de l'ennemi. Pour compenser
cette inférioritéNapoléon cnvoie quatre batteries
de Drouot, qui accourent se déployer entre Ney
et Victor. Le fcu est alors moins inégal, mais
toujours horriblement meurtrier, et quoique
accablées de boulets et de mitraille, les deux divi–
sions Charpentier et Boyer se soutiennent avec
une hérolque fermeté.
A
gauehe, au centre,
a
droite, nous avions pris
pied sur le plateau,
mais
ce n'était pas assez,
il
fallait s'y maintenir, s'y étendre, et en chasser
l'cnnemi. Le momentétait ven u pour la cavalerie
de soutenir l'infanterie, car au dela de la forme
d'Heurtebise le terrain commence a s'élargir. Les
cscadrons de Nansoutyayant suivi Ney a travers
le ravin d'Oulehes, et ayant débouché avec luí
sur le plateau, passent entre les intervalles de ses
bataillons, et fondent sur l'ennemi, les lanciers
polonais et les chasseurs
a
cheval en tete, les
grenadiers en réserve. Ces braves cavaliers ,
trouvant ici l'espace pour se déployer, s'élancent
au galop, renversent plusieurs carrés russes, les
acculent sur le harnea u de Paissy, et n'ont qu'un
pas
a
faire pour les précipiter dans un ravin pa–
ralléle
a
celui d'Oulches, et donnant sur l'Aisne.
l\Iais en se repliant, l'infanterie russe démasque
une ligne d'artillerie qui tire
a
mitraille sur nos
cavaliers, et les arrete. Ils sont obligés de revenir
pour ne pas rester sous ce feu destructeur, et
sont suivis par douze escadrons russes. Ceux-ci
a leur tour chargent avec tant d'impétuosité
qu'ils
dépassent les grenadiers
a
cheval de la
garde demeurés en seconde ligne. A l'aspect de
cette bourrasque de cavalerie, les jeunes soldats
de Ney perdent contenance et s'enfuient vers le
ravin d'Oulches, d'ou ils s'étaient si bravement
élaneés
a
la conquete du plateau. En vain Ney,
se jetant au milieu d'eux, les appelle de sa forte
voix, de son geste énergique : ils fuient saisis
d'une terreur inexprimable, pbénomene assez
fréquent chez les jeunes gens, que leur émotion
rend aussi prompts
a
la faite qu'a l'attaquc. Na–
poléon, placé un peu en arriere et veilJant aux
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