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Ll VRE CINQUANTE-TROISIEl\IE.

du célebre l\foreau), et qui ne passait pas pour

un manvais officier. Malheureusement

il

était

a

lui seul le coté faible de la défense.

Le 1

º'

et le 2 mars on vit

app~raitre

deux

masses ennemies, l'une par la rive droite, l'autre

par la rive gauche de

l'

Aisne : c'étaient Bulow

qui, arrivant de Belgique et descendant du

Nord, abordait Soissons par

la

rive droite,

et

Wintzingerode qui, venant du Luxembourg, et

ayant

pr~

par Reims, s'y présentait par la rive

gauche. Tous deux sentaient l'importance capi–

tale du poste qu'il s'agissait d'enlever, et pour

Blucher et pour eux-memes. Effectivement, Sois_–

sons était pour Blucher la seule issue par laquelle

il

put franchir Ja barriere de

l'

Aisne, et pour

eux-memes le moyen de sortir d'un isolement

qui a chaque instant devenait plus périlleux.

S'ils ne pouvaient s'emparer de ce pont, ils

étaient obligés de rétrograder, l'un par la rive

droite de l'Aisne, l'autre par la rive gauche,

pour aller opérer leur jonction plus haut, et de

laisser Blucher seul entl'c l'Aisne et Napoléon.

Aussi, apres avoir, dans la journée du 2 mars,

canonné sans grand résultat, firent-ils dans la

journée dn 5 les menaces les plus violentes au

général Moreau, et cherchcrent-ils a l'intimi–

der en parlant de passer la garnison par les

armes.

La place ne pouvait pas résister plus de deux

a

trois jours' car' attaquée par 1)0 milJe

hommes, ayant un millier d'hommes pour gar–

nison, et des ouvrages en mauvais état, une

résistance tant soit peu prolongée était absolu–

ment impossible. Les 2 mille gardes nationaux

qui devaient se joindre aux Polonais n'étaient

pas venus; les maisons des faubourgs qui ge–

naient la défense n'avaient pas été détruites, et

le pont n'avait pas été miné, ce qui était la fa ute

du gouverneur. On avait done toutes ces cir–

constances contre soi; mais enfin les Polonais,

vieux soldats, offraient de se défendre jusqu'a la

dernierc extrémité; de plus, on avait entendu

le canon dans la direction de la Marne, ce qui

indiquait l'arrivée prochaine de Napoléon, et

révélait toute l'importance du poste, que d'ail–

leurs les pressantes instances de l'ennemi suffi–

saient seules pour faire appréeier. Dans une

position ordinaire, se rendre eut été tout simple,

car on doit sauver la vie des hommes quand le

sacrifice n'en peut etre utile; mais dans la

situation ou l'on se trouvait, essuyer l'assaut, y

succomber, y périr jusqu'au dernicr homme,

était un devoir sacré.

Vn

officier du génie, le

lieutenant-colonel Saint-Hillier ,

fit

sentir le

devoir et la possibilité de la résistance, au moins

pendant vingt-quatre heures. Néanmoins, le gé.:.

néral Moreau, ébranlé par les menaces adressées

a

la garnison, consentit

a

livrer

la

place le 5 mars,

et seulement employa la journée

a

disputer sur

les conditions. 11 voulait sortir avee son artille–

rie. Le comte Woronzoff, qui était présent, dit

en russe

a

l'un des généraux : Qu'il prenne

son artillerie, s'il veut, et la mienne avec, et

qu'il nous laisse passer l'Aisne

! -

On semontra

done facile, et en concédant au général l\foreau

la capitulation en apparenee la plus honorable,

on lui

fit

consommer un acte qui faillit lu{ cou–

ter la vie, qui coUta

a

Napoléon l'empire, et

a

la France sa grandeur. Le 5 au soir, Bulow et

Wintzingerode se donnerent la main sur l'Aisne,

et e'est ainsi que le 4 dans la journée, Blucher

trouva ouverte une porte qui aurait du etre fer–

mée, trouva un renfort qui portait son armée

a

pres~

de 100 mille hommes, et fut sauvé en un

clin d'reil de ses propres fautes et du sort ter–

rible que Napoléon luí avait préparé.

Quelques histol'iens, apologistes de Blucher,

ont prétendu que

le

danger qu'il courait n'avai t

pas été si grand que Napoléon s'était plu a le

dire, car Blucher eut été renforcé au moins de

Wintzingerode, qui, venant de Reims, était sur

la rive gauche de l'Aisne, ce qui aurait porté

l'armée prussienne a 70 mille hommes contre

1)1) mille. D'abord,

il

n'y avait pas de force

nnmérique qui pllt racheter la fausse position de

Blucher, car, arrivé le 4 devant Soissons, tandis

que Napoléon était ce memejour

a

Fismes,

il

eut

été obligé ou d'essayer de passer l'Aisne devant

lui, en jetant des ponts de chevalets, ou de

remonter l'Aisne dix licues durant, avec l'armée

franc;aise dans le flanc. L'avantage d'etre 70 mille

contre 1)1) mille, ce qui ne nous étonnait guere

en ce moment, n'était rien aupres d'une posi–

tion militaire aussi fausse. Ensuite

il

est presquc

certain que Wintzingerode, n'ayant pu faire par

Soissons sa jonction avee Bulow dans la journée

du 5,

se

serait haté de rebrousser chemin le 4,

pour aller passer l'Aisne a douze ou quinze

licues plus haut, c'est-a-dire

a

Berry-au-Bac. Blu–

cher se serait done trouvé, pendant toute une

journée, seul entre Napoléon et le poste fermé

de Soissons.

Le désastre était par conséquent aussi assuré

que chose puisse l'etre

a

la guerre, et Napoléon,

en apprenant que Soissons avait ouvert ses portes,

fut saisi d'une profonde douleur, car de la tete