PnEMIERE ABDICATION. -
DIARs
1su.
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pour voir s'il ne pourrait pas batLre les maré–
chaux
s~us
les yeux memes de Napoléon arreté
par l'obstacle de la Marnc. Ayant rencontré une
vaillante résistance sur tous les points de l'Ourcq,
il prit enfin le partí de décamper le 5 au matin
pour
se
rapprocher
de
l'Aisne, et se réunir ou
a
Bulow qui arrivait par Soissons, ou
a
Wintzin–
gerode qui arrivait par Rcims. (Voir la carte
nº 62.) Mais il allait se trouver entre la Marne
que Napoléon devait avoir bientót franchie, et
l'Aisne sur laquelle il n'y avait
a
sa portée que
Je
pont
de
Soissons dont nous étions maitres;
de
plus le pays entre la Marne et l'Aisne qu'il devait
traverser, était marécageux,
et
devenu presque
impraticable par suite d'un dégel subit. Sa situa–
Lion était done des plus alarmantes, grace
a
son
imprudence et aux profonds calculs de son adver–
saire.
Sur
ces
entrefaites, Napoléon parvenu aux
bords
de
la l\farne brulait du désir de la tra–
verser. Il y employa les marins de la garde,
et
a
force d'activité, il put rétablir le passage dans la
nuit du 2 au 5 mars. Les nouvelles qu'il recueil–
lait
a
chaque pas étaient faites pour exciter son
impatience au plus haut point. Les paysans
venant
de
l'autre cóté de la Marne, et remplis
de zele comme tous ceux qui avaient vu l'en–
nemi de pres, peignaient
des
plus tristes cou–
leurs l'état de J'armée prusienne. En effet, cette
armée, pleine du souvenir de Montmirail, de
Chateau-Thierry, de Vauchamps, et se sachant
poursuivie par Napoléon en personne, s'atten–
dait
a
un désastre. L'état des routes profondé–
ment défoncées ajoutait
a
ses alarmes,
et
elle se
voyait condamnée
a
abandonner au moíns ses
canons
et
ses bagages des que la faible barriere
qui la séparait de Napoléon serait franchie. C'é–
tait pour cclui-ci un motif de ne pas perdre de
tcmps; et selon sa coutume il n'en perdnit pas.
Il avait da ns les nouvelles
re~úes
des environs de
Troyes un autre motif de se presser. On lui an–
norn;ait que le prince de Schwarzenberg, ayant
pénétré le secret de 'Son départ, avait repris l'of-.
fensive, et qu'il poussait de nouveau sur Troyes
et Nogent les inaréchaux laissés
a
la garde de
l'Aube. Cetle circonstance, tout en luí faisant
une loi de se hater, l'ihquiétait peu, car il était
bien certain, une fois qu'il
en
aurait fini avec
l'armée de Silésie, de pouvoir revenir sur l'armée
de
Boheme,
et
de ramener celle-ci en arriere
plus promptement qu'elle ne se serait portée en
avant. Tout
a
coup,
a
la
vue des mouvements
compliqués de ses adversaires, Napoléon
con~ut
une grande pensée militaire, dont les consé–
quences pouvaient etre immenses. Se rejeter
immédiatement sur Schwarzenberg, apres avoir
battu Blucher, lui paraissait une tactique bien
fatigante et surtout trop peu décisive. 11 en
imagina une aulre. L'arrivée en ligue des corps
de Bulow et
de
Wintzingerode, qui lui était an–
noncée, lui prouvait que les coalisés négligeaient
singulierement le blocus des places, et laissaient
pour les investir des forces aussi méprisables en
nombre qu'en qualité; qu'il serait done possihle
de tirer parti contre eux des garnisons, puis–
qu'ils se servaient contre nous des troupes de
blocus, et de mettre ainsi
a
profit ce qu'il appe–
lait dans son langage profondément expressif :
les forces mortes.
En conséquence,
il
résolut de
mobiliser tout ce qu'il y avait de troupes dis–
ponibles dans les places, et de les en faire sortir
pour composer une armée active dont
le
róle
pourrait devenir des plus importants. On avait
jeté dans les forteresses de la Belgique, du
Luxembourg, de la Lorraine, de l'Alsace, des
conscrits qui, placés dans de vieux cadres,
avaient du acquérir une certaine instruction,
depuis deux mois et demi que durait la campa–
gne. Se battant avec des conscrits qui avaient
souvent quinze jours d'exercice seulement, Na–
poléon pouvait penser que des soldats incor–
porés depuis deux mois et demi étaient des sol–
dats formés. Ces données admises , il était
possible de tirer de Lille, d'Anvers, d'Ostende,
de Gorcum, de Berg-op-Zoom, 20 mille hommes
environ, et 1
o
mille au moins. On devait en
'tirer plus du double des places
de
Luxembourg,
l\fetz, Verdun, Thionville, Mayence, Stras–
bourg, etc... Si done, apres avoir mis Blucher
hors de cause, Napoléon,
a
qui il resterait
oO
mille hommes
a
peu pres, en recueillait
oO
mille, en se portan{ par Soissons, Laon,
Rethel, sur Verdun et Nancy (voir la carte
nº 61), il allait se trouveravec 100mille hommes
sur les derrieres du prince de Schwarzenberg, et
sans aucun doute ce dernier n'attendrait pas ce
moment pour revenir de París sur
Besan~on.
Au
premier soupcton d'un pareil projet, le généra–
lissime de la coalition rebrousserait chemin,
poursuivi par les paysans exaspérés de la Bour–
gogne, de la Champagne, de la Lorraine, les–
quels, abatíus d'abord par la rapidité de l'inva–
sion, avaient sentí depuis se réveiller en eux
l'amour du sol dans toute sa vivacité. 11 arrive–
rait ainsi
a
moitié vaincu pour tomber définiti–
vement sous les _coups de Napoléon. Ce plan si
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