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LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.
hardi était fort exécutable, car le nombre
d'bommes existait, et Jo trajet pour les ralJier
n'exigeait ni lrop de fatigue, ni trop de temps.
En effet de Soissons a Rethel, de Rethel
a
Verdun, de Vcrdun
a
Toul, le chemin a faire
n'excédait guere celui qu'on avait déja
fait
pour
courir alternativement de Schwarzenberg
a
Blucher. D'ailleurs, peu importaient deu x ou
trois jours de plus, quand la simple annonee clu
mouvement projeté aurait ramené l'ennemi de
París vers les frontieres, et dégagé la capitale.
Ainsi la guerre pouvait etre terminée d'un seul
coup si ia fortune secondait l'exécut.ion de ce
projet, car certainement le princede Schwarzen–
berg, déja réduit
a
90
mille hommes par le dé–
tachement envoyé
a
Lyon, revenant traqué par
les paysans de nos provinces, ne pourrait pas
tenir tete a une armée de
100
milJe hommes,
commandée par l'Empereur en personne.
En conséquence Napoléon ordonna au général
l\faison de ne laisser a Anvers que des ouvriers
de marine, des gardes nationaux, ce qu'il fallait
en un mot pour résister
a
un ennemi qui ne son–
geait pasa une attaque en regle, d'en faire au- ,
tant pour les autres places de Flandre, et de
s'apprcter
a
marcher sur 1\Iézieres avec tout ce
qu'ilaurait pu ramasser. JI donna Je méme ordre
aux gouverncurs de Mayence, de l\fot.z, de Stras–
bourg. ns devaient les uns et les autres ne
laisser que !'indispensable daos ces places, s'y
faire suppléer par des gardcs nationalcs, attirer
a eux les garnisons des villes moins importan les,
et se réunir de Mayence et de Strasbourg sur
i\fct.z, de Melz sur Nancy, pour etre recueillis
en passant. Les faibles troupes qui bloquaient
nos forteresses ne pouvaient pas empécher ces
réunions si nos commandants de garnisons agis–
saient avcc vigueur. Dans tous les eas Napoléon
venant leur tendre la main, dégagerait ceux qui
auraient trouvé des obstaclcs sur leur chemin.
Des hommcs surs et déguisés furent chargés de
porter ces ordres, qu'il n'était pas difficilc de
faire parvcnir, car l\fayence cxceptée, on avait
des nouvelles depresquetoutcs nos places fortes,
tant l'invcstissement en était incomplet.
Plein de ce projet, en concevant les plus
justes cspérances, Napoléon, apres avoir passé
la Mame dans la nuit du 2 au 5 mars, s'attacha
a
poursuivrc Blucber qu'il fallait mettre hors de
combat, ou éloigner du moins , pour exécuter Je
plan qu'il vcnait d'imagincr. Les rapporls du
matin élaient unanirues, et représentaient Blu–
cher commc tomhé dans les plus grands em-
barras. En effet on le poussait sur l'Aisne, qu'il
ne pouvait franchir que sur le pont de Soissons,
lcquel nous appartenaiL. (Voir la carte nº 62.) Il
pouvait,
il
est vrai, se dérober par un mouve–
ment snr sa droite qui le porterait vers la Fere–
en-Tardenois etvers Reims, ce qui lui permettrait
de se sauver en remontant l'Aisne, et en allant
la passer dans la partie supérieure de son cours,
ou les ponts ne manquaient pas, et ou il devaít
rcncontrer Bulow et Wintzingerodc. Mais Napo–
léon n'était pas homme
a
Jaisser cette ressource
a
son adversaire. Dans cette intention,
i1
prit
Jui-meme
a
droite apres avoir franchi la
~larne,
et la remonta par Ja grande route de Ja Ferté–
sous-Jouarre
a
Chatcau-Thierry. 11 avait ainsi Je
doublc avantage d'aller plus vite, et de gagner
la routc directc de Chateau-Thierry
a
Soissons
par Oulchy. Une fois s'ur cclte routc il avait dé–
bordé Blucher, et
il
était certain de luí fermcr
l'issue vers Reims, Ja seule qui Jui restat.
Arrivé
a
Cbateau-Thierry, Napoléon cessa de
rcmonler
a
droite, et, marchant directement
sur Soissons,
il
poussa vivcmcnt Blu cher sur
Oulcl1y. Au merue instant les maréchaux .Mortier
et l\[armont nyant repassé l'Ourcq sur notre
gauchc, et débouché de Lizy et de l\lay, se mi–
rcnt de leur cóté
a
la poursuitc de l'enncmi. Une
gcléc suhite survenuc le 5 au matin rcndit
Ja
rctraite de Blucher un pcu moins difficilc. Son
dangcr n'cn était pas moins grand, car la route
de llcims allaiL luí
et.reinterdilc. A Oulchy on
relrouve l'Ourcq, et l\farmont y cut un cngagc–
ment fort vif :>vec l'arriere-garde de Blucber. 11
prit ou tua cnviron 5 mille hommes
a
cellc
arrierc-garde, et
la
jeta en désordrc au dela de
l'Ourcq. Le passage était ainsi assuré le lendc–
main malin pour les maréchaux l\fortier et 1\Iar–
mont qui eheminaieot de concert. Un
a~trc
avantagc était obtenu, c'était d'avoir occupé Ja
Fcre-en-Tardenois par notrc extreme droile, et
d'avoir intercepté la route de Rcims. Blucher
n'avai t plus d'au tre ressource pour franchir
l'Aisne que Soissons qui était en notrc pouvoir.
Nous tcnions done enfin cet irréconciliable en–
nemi, et nous étions
a
1a veillc de l'étouffer dans
nos bras
!
Napoléon avait porté son avant-gardejusqu'au
village de Rocourt, tandis que les troupes de
Marmont étaient
a
Oulcby, et de sa personne il
vint coucher
a
Bézu-Saint-Gcrmain, rempli des
plus bellcs, des plus justes espérances qu'il eut
jamais
con~ues
!
Le lendcmain en effct, 4 mars, il se mit en