Table of Contents Table of Contents
Previous Page  453 / 616 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 453 / 616 Next Page
Page Background

PREMIERE

ABDICATION. -

MARS

18i4.

445

de Blucher le danger s'était tout

a

coup détourné

sur la sienne. Blucher en effet venait d'acquérir

une force de

100

mille hommes, et l'Aisne, qui

devait etre sa perte, était devenue son bouclier.

Quant a nous, il nous fallait, ou passer l'Aisne

avec

50

mille hommes devant

100

mille, ce qui

était une grande témérité, ou nous en éloigner

pour revenir sur la Seine, sans savoir qu'y faire,

car comment se présenter devant l'armée de

Boheme sans avoir vaincu l'armée de Silésie ?

On comprendra done que Napoléon écrivit la

lettre suivante au ministre de la guerre :

" Fismes,

¡¡

mars 1814.

«

L'ennemi était daos le plus grand embar–

" ras, et nous espérions aujourd'hui recueillir

u

le fruit de_quelques jours de fatigue, lorsque

u

la trahison ou la betise du comrnandant de

u

Soissons leur a livré cette place.

" Le 5, a midi, il est sorti avec les honneurs

u

de la guerre, et a emmené quatre pieces de

" canon. Faites arreter ce misérable ainsi que

" les membres du conseil de défense; faites-les

" traduire par-devant une commission militaire

<t

composée de généraux, et, pour Dieu, faites

u

en sorte qu'ils soient fusillés dans les vingt–

u

quatre h eures sur la place de Greve

!

JI

est

et

temps de faire des exemples. Que la sentence

«

soit bien motivée, imprimée, affichée et en–

u

voyée partout. J'en suis réduit a jeter un pont

et

de chevalets sur l'Aisne, cela me fera perdre

" trente-six heures et me donne toute espece

d'embarras. ,,

·

Et cependant Napoléon ne connaissait qu'une

partie de la vérité, car il ignorait que Blucher

venait d'acquérir une force douhle de la sienne.

Ce qu'il savait, c'est queB!ucher lui avaitéchappé,

et que pour l'atteindre

iI

était obligé de le suivre

au dela de l'Aisne. Le malheur était déja bien

assez grand, et de naturP. a déconcerter tout

autre que lui. Si, apres une pareille déconvenue,

Napoléon eut été embarrassé, et eut perdu un

jour ou deux

J:i

chercher un nouveau plan, on

pourrait ne pas s'en étonner en voyant ce qui ar-

1

ni.

le général Koch dit, chapitreXIV

L'empe1·eur, dont

»

Je plan élait déjoué par un événemenl aussi inattendu,

" demeura un jour enlier dans l'incertilude, et laissa percer

" son embarras pai· la nalu1·e des opéralions divergentes et

»

hardies qu'il entreprit

»

C'est une erreur fort excusable

pou1· qui n'a Ju ni les ordres ni la correspondance de Napo–

léon. JI élait assurément fort

dé~u,

mais point déconcerlé,

comme on va le voir, el il ordonna, sons une heure de temps

perdu, les nouvelles dispositions qu'exigeaiL la circonstancc.

rive

a

Ja plupart des généraux

1

11 n'en fut ríen

pourtant. Bien que Blueher cut pour lui l'Aisne

qu'il avait d'abord contre Jui, bien qu'il fUt ren–

forcé dans une proportion ignorée de nous, mais

considérable,Napoléon ne renom;a pasa le pour–

suivre, pour tacher de le saisir corps

a

corps, car

il

lui était impossible, sans l'avoir battu, de re–

venir sur Schwarzenberg. Bientót en effet il se

serait trouvé pris en tre Blucher le suivant

a

la

piste, et Schwarzenberg victorieux des maré–

chaux qu'on avait laissés a la garde de l'Aube,

posilion affreuse et tout a fait insoutenable. Il

fallait done a tout prix, dtit-on y suceomber, car

on succomberait plus certainement en ne le fai –

sant pas, il fallait aller chercher Blucher au dela

de l'Aisne, et l'y aller chercher sur-le-charnp ,

avant que l'ennemi songeat

a

rendre impratica–

bles les passages de cctte riviere. Napoléon

donna ses ordres le

;>

au matin, aussitót apres

avoir rec;u la nouvelle qui le désolait.

Dans la nuit, Napoléon avait envoyé le géné–

ral Corbineau a Reims, afin de s'emparerde cette

communication importante avcc les Ardennes,

et pour y ramasser tout ce que Winlzingerode

avait du laisser en arriere. Voulant s'assurer le

passagc de l'Aisnc, ce qui était l'objet essentiel

du momcnt,

il

avait dirigé le général Nansouty

avec la cavalerie de la garde sur le pontdeBerry–

au-Bac, qui était un pont en pierre, et sur Jeque!

passait la grande route de Reims a Laon. (Voir

la car'le nº 64.)

JI

avait ordonné aussi que l'on

envoyat un détachement de cavalerie sur Maisy,

situé a notre gauche, pour y jeter un pont de

chevalets, et prescrit en meme ternps au maré–

ehal l\Iortier de se rendre sans délai

a

Braisne,

pour aller préparer d'aulres moyens de passage

a

Pontarcy. Son intention était d'avoir trois

ponts sur l'Aisne, afin de n'etre pas obligé de

déboucher par un seul en face de Blucher, ce

qui pouvait rendre l'opération impossible. Sans

doute, si Ja vigilance de l'enncmi ef1t égalé la

sienne, on aurait trouvé les cent mille hommes

de l'armée de Silésie derriere les points présu–

més de passage, et ce n'est pas avee cinquante

mille soldats, quelque bravcs qu'ils fussent, qu'on

Ce qui a causé l'crreur de 111. le général Koch, c'est qn'il sup–

pose que la reddition de Soissons ayant cu lieu le 3, Napoléon

dul la savoir le 4,

a

cause de la proximilé. lllais la corrcs–

pondancc prouve que Napoléon ne la sut que le 5 au malin,

parce que les marécbaux Morlier el l\larmont ne la connurent

que le 4 au soir. Or tous les ordres

ti<;

passage de l'Aisne

sont du 5 au malin. 11 n'y cut done ni hésitalion ni temps

perdu, el en pareille circonslancc, il y a ccrlainemenl de

quoi s'en élonuer.