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LIVRE CINQUANTE-TROISIE!\IE.

aurait réussi

a

franchir

l'

Aisne• .Mais il y a tou–

jours

a

parier qu'en ne perdant pas de temps, si

peu qu'il en reste, on arrivera assez tót pour dé–

jouer les précantions de son adversaire. Napo–

léon,

a

qui son cxpérience sans pa1·eillc avait ap–

pris combicn est ordinairc l'incurie de ceux qui

commandent, ne désespérait pas de trouvcr

l'Aisne mal gardée, et de pouvoir en exécuter le

passage sans coup férir.

En effet, landis qu'a sa droitc le général Cor–

bineau pén'étrait dans Reims, y enlevait deux

millc hommes de Wintzingerode et beaucoup de

bagages, le général Nansouty, avec la cavalerie.

de Ja garde et les PoJonais du général Pac, ren–

contrait Jes Cosaques deWintzingerode en avant

du pont de Berry-au-Bac, les chargeait au galop,

les cuJbutait, et passait Je pont

a

lcur suite,

maJgré q!!elquc infanterie légei·e laisséc pour le

garder. La conqucte si rapide de ce pont de

picrre dispensait de tenter des passages sur d'au–

tres points

1

car le gros de l'ennemi étant encore

a

quelque distancc, on était maitre de déboucher

immédiatement, et Napoléon se bata , dans la

nuit du

t>

au 6, ainsi que dans la journée du 6,

de fairc défiler

la

masse deses troupes par Bcrry–

au-Bac , afin d'ctre établi sur la droite de la ri–

vierc avant que Blucher put s'opposer

a

son dé–

ploiement. - C'est un r eLit bien, s'écria-t-il en

apprcnant ce succes, en dédommagement d'un

grand mal! - Ce n'était pas un pctit bien, si ,

transporté au dela de

l'

Aisne,

il

pouvai

t

rempor–

ter une victoire; mais une victoire était difficile

a

remporler, Blucher ayant

100

mille hommes

des meilleurcs troupes de la coalition, tandis que

nous n'cn avions que

:5tí

millc, dans lesquels

deux tiers de conscrits,

a

peine vetus, nullcment

iostruil , partageant néanmoins le noble déscs–

poir de nos officiers, et se battant avec le plus

rnr e dévo

ucme.nt

. l'\Iais il n'y avait plus

a

eomp–

ter les eon cmis, et

il

fallait a tout prix livrer ba–

taille, car se rejeter sur Schwarzenberg sans

avoir vaincu Blucher, c'était attirer ce dernier a

sa suite, et s'exposer

a

etre étouífé dans ]es bras

des deux généraux alJiés. Quant au plan de

mar cher ·sur les places pour en recueillir les

garni ons, il étai t également impralieable avant

d'avoir battu Blucher, car autr ement on était

condamo é a l'avoir sur ses traces, vous suivant

parlout, et i rapproché qu on ne pourrait faire

un pas an etre vu et atteint par cet in com–

mode adversaire.

JI

fa llait done combatlre, n'im–

porle qucl nombre d·cnnemis ou quelles diffi cul–

lés de po. ition on aurait

a

br aver pour vaincr e.

Blucher avait été fort mécontent de Ja négli–

gence de \Vintzingerode a garder le pont de

Berry-au-Bac, et il aurait dtl ne s'en prendrc

qu'a lui-meme, car rien ne se fait surcmcnt si le

général en chef n'y pourvoit par sa proprc vigi –

lancc. 11 dissimula toutefois : Wintzingcrodc

commandait les Russes, et

il

fallait ménager des

alliés susceptibles et orgueilleux; d'aillcurs il Jui

restait encore une position trcs-fortc et tres–

facile

a

<léfendre, dont il se proposait de se bien

servir pour résister aux prochaines attaques de

Napoléon.

Quand on a passé l'Aisne

a

Berry-au-Ba.c, en

suivant la grande route de Reims

a,

Laon , on

laisse a droite de vastes campagnes légerement

ondulées, on longe agauche le pied des hauteurs

de Craonnc, puis on s'enfonce a travers des co–

teaux boisés, et on descend par Festieux dans

une plaine humide, au milieu de laquelle appa–

ralt tout a coup la ville de Laon , batie sur un

pic~~olé

et tou te couronnée de hautes et antiqucs

murailles. (Voir la carte n!) 64.) Les hauteurs de

Craonne, qu'on aper¡¡oit

a

sa gauche, aprcs

avoir franchi le pont de Berry-au-Bac, ne sont

que l'exlrémité d'un plateau allongé qui borde

l'Aisne jusqu'aux environs ele Soissons, et qui

d'un cóté forme Ja bcrge de l'Aisne, de l'autre

celle de la Lette, petitc riviere, tour

a

tour boi–

sée ou marécageuse, coulant parallelement

a

l'Aisne, et communiquant par plusieurs vallons

avec la plaine de Laon.

C'est sur ce plateau de Craonne, long de

plusicurs licues, et qui se présentc comme

une sorte de promontoirc des qu'on a passé le

pont de Berry-au-Bac, que Blucher avaH pris

position avee son armée et les cinquante millc

hommes qui l'avaient rcjoint. Chacun naturelle–

ment s'était placé d'apres son point de départ.

Wintzingerode, arrivé par Reims , s'était porté

sur les hauteurs de Craonne par Bcrry-au-Bac,

tandis que Bulow, arrivé par la Fere et Soissons,

s'était échelonné entre Soissons et Laon. Blu–

cher, avec Sackcn, d'York, Kleist, Langeron ,

ayant traversé l'Aisne

a

Soissons,, avait remonté

les bords de l'Aisne, et se trouvait partie sur Je

platcau de Craonne, partie sur les bords de la

Lelte, entre la Lette et Laon.

Le 6 au matio, Napoléon, le passage de l'Aisoe

opéré, vo ulut tater la position de l'ennemi, et

fit

aLlaquer vivement les hauteurs de Craonne.

On enleva d'abor d la ville meme de Craonnc, et

ce ne fut

n.i

sans peine ni sans effusion de saog.

Puis, s'engageant dans un vallon entre l'abbayc