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PREJ.\UERE ABDICATION. -

MARS

i8i4.

451

Russes l'idée fausse qu'a Craonne les Prussiens

avaient cu la volonté d·e les laisser écraser. Cette

prévention, déraisonnable comme la plupart de

celles qui s

'élever.it

entre alliés faisant

la

guerre

ensemble , avait amené entre eux une més·intel–

ligebce des plus graves ; et une bataille, ou per–

sonne ne se ménagerait, était, outre toutes les

nécessités militaires que nous avons rapportécs,

une véritable nécessité morale et politique. Par

ces diverses raisons, Blucher avait résolu de

défendre Laon a ontrance, et

il

avait pris daos

celte vue de fort bonnes dispositions.

Les troupes pl'assiennes, qui n'avaient pas

combattu la veille, étaient, partie sur la hauteur

de Laon, partie en plaine , en face des faubourgs

de Semilly et d'Ardon que nous venions d'enlc–

ver. Elles devaient défendre le poste principal,

celu·i meme de Laon. Sur le cóté, vers notre gau–

che et vers

la

droite de l'ennemi , Woronzoff se

trouv~it

entre Laon etClacy, vis-a-vis des hauteurs

boisées a travers Jesquelles nous avions débouché.

Les corps des généraux Kleist et d'York, confon–

dus en un seu l, étaient a l'extrémité opposée,

c'est-a-dire a notre droite et

a

la gauche des alliés,

faisant face a Ja route de Reims, sur laquelle Mar–

mont étaitattendu. RestaientSackenetLangeron,

que Blucher avait placés derriere la hauteur de

Laon , a l'abri de nos r egards comme de nos

coups, et en mesure, suivant le besoin, de se

porter Iibrement ou sur la ch.aussée de Soissons

ou sur celle de Reims. Blucher, daos l'ignorance

ou

il

était de nos projets, ne savait pas de quel

cóté aurait licu la principale attaque; il savai t

seulement par ses reconnaissances, qu'il y avait

des troupes fran<;aises sur

J.es

deux routes, et c'est

par ce moLif qu'i 1avai t disposé une grosse réserve

derriere Laon, pour la dirigcr sur le point ou le

danger se déclarerait.

Des que le brouillard fut dissipé, Blucher

fit

aUaquer le faubourg de Semilly dont Ney s'était

emparé

a

l'extrémité de la route de Soissons, et

celui' d'Ardon que Mortier avait enlevé un peu

a

droite de cette route daos l'intention de donner

la main a Marmont. L'infanterie de Woronzoff

attaqua Semilly et celle de Bulow Ardon. Comme

il est d'usagc dans un retour offensif, les Russes

et les Prussiens mirent une grande vigueur daos

leur attaque, pénétrerent dans les deux fau–

bourgs, et en expulsercnt nos soldats. Déja meme

la colonne de 'iYoronzoff, qui avait enlevé Semilly,

s'avancait en masse sur la chaussée de Soissons·,

et son°mouvement allait couper la retraite aux

troupes de Mortier , lesquelles expulsées d'Ardon

se trouvaient en l'air sur notre droite. A cet as–

pect, le maréchal Ney, se saisissant de quelqúes

escadrons de la garde, fond sur l'infanterie russe,

l'arrete court, donne

a

son infanterie le temps

de se rallier, et la ramene sur Semilly qu'il ré–

occupe victorieusement. Tandis qu'il accomplit

cet exploit sur notre front,

a

notre droite le

général Belliard, rempla<;ant Grouchy dans le

commandement de la cavalerie, se met

a

la tete

<les dragons d'Espagne (division Roussel), charge

a son tour l'infanterie de Bulow, la culbute, et

rouvre au corps de l\fortier le chemin d'Ardon.

Apres avoir plusieurs fois pris, perdu, repris

ces faubourgs de Semilly et d'Ardon, situés au

pied du rocher de Laon, les deu x armées reste–

rent acbarnées l'une contre l'autre autour de

ces deux points. L'ennemi rentrait dans la moi–

tié d'un faubourg, on l'en chassait, et aussitót

il

y revenait. Napoléon, dévoré d'impatience, en–

voyait aide de camp sur aide de camp au maré–

cbal Marmont, pour presser sa marche, car il se

flattait avec raison que l'apparition de ce maré–

chal produirait chez les coalisés un ébranlement

moral, dont on pourrait profi.ter pour les arra–

cher du pied de cette hauteur

a

laquellc ils

étaient si fortement attachés. Mais trois lieues

de marécages et de coteaux boisés

a

traverser,

au milieu d'une nuée de Cosaques, laissaient peu

d'espérance de communiquer avec Marmont.

En attendant, Napoléon pensant que s'il y

avait moyen de déloger Blucher du pied de ce

fatal rocher de Lao-n, c'était en le débordant,

chargea le brave Charpentier avec ses deux divi–

sions de jeune garde, lesquelles s'étaient cou–

vertes de gloire l'avanl-veille, de filer le long

des coteaux boisés qui enceignent la plaine, et

d'aller enlever le village de Clacy sur notre

gauche, d'ou l'on pouvait partir pour tourner

Laon par le faubourg de la Neuville et par la

route de Ja Fere.

Cet ordre fut vaíllamment exécuté. Le géné–

ral Charpentier, longeant le pied des coteaux, et

se tenant au-dessus des prairies marécageuses

de la plaine, tandis que des tirailleurs jetés en

avant dans les bois divisaient J'attention de l'en–

nemi, traversa successivemen t Vaucelles, l\fons–

en-Laonnois, et aborda enfin le village de C'Jacy

qu'occupait une division de Woronzoff. Friant,

avec une division de la vieille garde, le suivait

pour l'app>uyer au besoin. Charpentier se jeta

sur Clacy avec une telle vigueur, qu'il y pénétra

malgré la plus énergique résistance des Russes.

Nos jeunes soldats, exáltés par le carnage, égor-