PREMIERE
ABDICATION. -
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geant avec raison que l'Aube n'était pas tenable,
que la position de Troyes elle-meme pouvait etre
tournée de tout cóté, s'étaient repliés sur la
Seine entre Nogent et l\fontereau, livrant
a
eha–
que pas de vigoureux eombats d'arriere-garde.
Le prinee de Schwarzenberg les avait suivis,
avait réoecupé Troyes, et bordé la Seine de No–
gent
a
Montereau . Il avait p'ris la ferme résolu–
tion, Blucher avanc;ant sur París, de ne pas le
laisser avancer seul.
l\iilitairement la situation s'était done fort
gatée pendant les dix ou douze jours employés
p:;r Napoléon
a
eombaltre Blucher. Politique–
ment, elle était singuliercmenL empirée.
Les confércnces de Lusigoy avaieot été défini–
tivement abandonnées, le prince de Schwarzen–
berg n'en ayant plus besoin pour se débarrasser
de la poursuitede Napoléon, etNapoléon s'obsti–
nant
a
eaeher une question de frontiercs sous
une question d'armistice. En entrant
a
Troyes,
le prinee avait eongédié les commissaires qui
avaient essayé un inslant d'arreter l'effusion du
sang par une suspension d'armes. Du reste,
il
l'avait fait avee regret, et contraint unique–
ment par !'esprit qui régnait daos la coali–
tion.
A Chatillon également on était
a
la veille de
rompre. Nous avons <lit qu'en faisant signer
a
Chaumont le traité du 1
er
mars, lord Castler eagh
avait obtenu qu'on fixat un délai fatal, aprcs le–
qucl on cesscrait d'attendre le contre-projet de–
mandé
a
M. de Caulaincourt. Le délai fixé était
eclui du 10 mars, et on avait déclaré
~
l\L de
Caulaincourt qu'apres le 1O mars le congres se–
rait dissous, et toute négoclation remise jusqu'a
la destruction des uns ou des autres. Le prince
Esterhazy, envoyé secrctement par
l\'I.
de Metler–
.oich
a
M. de Caulaincourt, lui avait r enouvelé
le
conseil de traiter, de traiter
a
tout prix, car
ce rnomen t passé on ne voudrait plus négocier
avec Napoléon, et on viscrait
a
luí óter non–
seulement le Rhin, maís le tróne. M. de Cau–
laincourt avait mandé ces détails au quartier
général, en suppliant l'Empereur de luí permeltre
de se désister en quelques points des bases de
Francfort, car, s'il persistait dans ses résolutions,
la négociation serait rompue
a
l'instant, et apres
a grandeur, son existence meme serait miseen
question.
'
Ce qu'écrivait M. de Caulaincourt, d'apres les
avis enveloppés, mais sinceres, du prince Ester–
hazy, était rigoureusernent exact. A l'impatience
d'entrer
a
París qu'éprouvait Alexandre,
a
la
haine furieuse qui animait les Prussiens, étaient
venuess'ajouler les excitatíons du partí royaliste.
1'1.
de Vi trolles .expédié, commc on l'a vu, avec
une commission avouée de l\L de Dalberg, mais
non avouée de M. de Talleyrand, avait réussi,
apres beaucoup de traverses,
a
gagner le quar–
tier général des alliés, et
a
s'y faire admettre,
en se servant des signes de reeonnaissanee dont
il
était porteur pour l\f. .de Stadion. Quoiqu'il
fó.t tout
a
faít inconnu des ministres de la eoali–
tion, ils avaient fini par prendre confiance en
lui , en écoutant son langage sincere et passionné,
en écoutant surtout .l'énumération des noms
considérables dont
il
s'autorisait. C'
était.lepre-
. mier message sérieux que recevaient les souve–
raios alliés, et
il
produisait chez eux, outre
beaucoup de satisfaction, un redoublement de
eourage, car l'espérance de trouver dans Paris
meme un partí qui leur en ouvrirait les portes,
et une
fois
entrés les aiderait
a
eonstituer un
gouvernement avec lequel ils pourraient traiter,
cette espérance, d'abord tres-vive quand ils
avaient passé le Rhin , tres-affaiblie depuis en
voyant si peu de manffestations royalistes écla–
ter autour d'eux, se réveillait maintenant, et
augmentait for·t leur résolution de marcher en
avant. Ils avaient longuement questionné M. de
Vitrolles sur l'intérieur de París, s'étaien t plaints
de n'en rien savoir, et lui avaient répété le
theme en usage, que, n'étant pas venus pour ou
contre la cause d'une dynastie, ils ne songe–
raient
a
écarter Napoléon du tróne que si la
Prance en manifestait le vreu formel, qu'alorsils
seraient b eureux de conlribner
a
la délivrer du
joug qui pcsait sur elle et sur l'Europe. A cela
M. de Vitrolles, s'appuyant des noms de l\IM. de
Talleyrand et de Dalberg, fort appréciés au eamp
des alliés, et beaucoup plus que les noms les
plus qualifiés parmi les royalistes, avait répondu
que la France, tremblante sous la tyrannic im–
périale, n'osait pas manifester ses véritables sen–
timents; que sachant d'ailleurs les eours de
l'Europe occupées
a
négocier
a
Cbatillon avec
Napoléon, elle était encore moins disposée
a
le–
ver contre lui l'étendard de la révolte, étendard
que les souverains armés n'osaient pas lever
eux-memes, mais que si on rompait définitive–
ment avec luí , les monarques alliés verraient
éclater autour d'eux un élan unanime en faveur
de la maison de Bourbon . 11 était malheureuse–
ment vrai que l'aversion de la Franee pour le
despolisme et pour la guerre affaiblissait en elle
l'horreur de l'étranger' et que, bien qu'elle eut
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