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PREMIERE

ABDICATION. -

DIARS

18i4.

4t>9

Sa Majesté Impériale, qui seule avait le secret

des affaires, qui seule· pouvait p.rononcer en

connaissance de cause, inclinait a accepter les

anciennes frontieres plutot que de courir de nou–

veaux hasards, le Conseil étaít d'avis que l'hon–

neur de l'Empereur le permettait, car son hon–

neur véritable c'était l'intéret de la France, et

l'intéret de la France c'était Ja paix immédiate. -

Certcs. l'intéret de la France c'était la paix,

mais c'était son intéret unan,

deu~

ans, six ans

plus tot, et c'est alors qu'il aurait fallu le dire.

Aujourd'hui , a continuer la guerre, il n'y avait

de danger que pour la dynastie, car assurément

on ne ferait la France sous les Bourbons ni plus

petite, ni plus dénuée d'influence que ne le vou–

laient les plénipotentiaires ,de Chatillon ;

il

est

meme certain que, dans le soin qu'on apportait

a l'affaiblir, la crainte de Napoléon entrait pour

beaucoup, et qu'avec les Bourbons on cherche–

rait ii;ifiniment moins a réduirc sa puissance na–

turelle et séculaire. Les choses en étant a ce

point,

il

n'y avait pas grand péril a risquer en–

core quelques batailles, pour amener peut-etre

une transaction entre les anoiennes et les nou–

velles frontieres , pour avoir l\fayence en sacrifiant

Anvers. Un seul homme, il faut le nommer,

M. de Cessac, vota pour qu'on ne souscrivít pas

aux propositions de Chatillon. Du reste, meme

dans ce moment supreme, ce fut

d~

la part des

membres du Conseil de régence un concours de

soumission inou'i. Les plus hardis énoni;aient

d'un ton un peu plus rogue -les memes bassesses.

- La paix, la guerre, comrne l'Empereur vou–

drait l... - Tel était leur unique avis, en lais–

sant voir cependant que si par hasard l'Empereur

préférait la paix, c'était bien la ce qu'ils dési–

raient tous

1 •

Napoléon a:vait toujours manifesté un extreme

dédain pour les réunions nombreuses ou l'on

devait traiter de guerre ou de politique, parce

qu'en eífet

il

y avait trouvé les hommes lels que

les fait Je despotisme, la plupart ayant peu d'opi–

nion, quelques-uns seulement capables de s'en

faireune, et parmi ces derniers les uns cherchant

la pensée du maitre pour y conformer la leur,

les autres contredisant par mauvais caractere ou

par mécontentement. Ce Conseil , si Napoléon

avait pu y assister, aurait bien justifié son sen–

timent, et révéfé les conséquences du régime

sous lequel il avait fait succomber la France, et

1

Le proees-verbal de ce cqnseil exisle avee !'avis de cha–

cua, et si jamais

il

esL publié oa verra que aous n'exagérons

riea.

sous lequel il allait succ9m1,Jer lui-meme. Au

surplus

il

cut été fort déc;u , car c'était une ex–

plosion d'indignation patriotique qu'il avait voulu

provoquer, et on lui envoyait au contraire une

humble et tremblante supplication pour la paix,

écrite entre deux peurs : peur de luí, peur de

l'ennemi.

Mais l'humilité qu'on avait montrée devant son

épouse, devant son frere et son fidele archichan–

celier Cambacéres, on la dépouillait hors de la

présence de ces témoins redoutés, et on tenait

partout ailleurs un langage bien différent. De la

soumission on passait ,brusquement a une véri–

table fureur contre son entetcmcnt. -

Cet

homme est fou

!

était le propos qu'on entendait

dans toutes les bouches.

-11

'nousfera tous tuer,

disaient des gens qui n'avaient jamais paru sur

un champ de bataille. Parmi les hommes ·parti–

culierement attachés a Joseph, et en général

c'étaient des employés militaires ou civils qui

étaient allés chercher

a

Madrid la faveur qu'ils

ne trouvaient point

a

París, on commenc;ait

a

insinuer qu'il fallait remettre dans les mains de

Joseph le pouvoir de sauver la France. Ces amis

de Joseph, fort rµaltraités par Napoléon qui le-s

accusait d'etre la cause de nos malheurs en Es–

pagne, lui payaient ses mauvais traitements en

mauvais propos, et disaient qu'il falla it procla–

mer une régence, en donncr la présidence

a

Joseph, avec Jeque! l'Europe trailerait plus vo–

lontiers qu'avec Napoléon. Ils prétendaient que

ce serait une maniere adroite de dégager l'or–

gueil des souverains coalisés, comme celui <le

Napoléon lui-meme, et de tirer la France des

mains d'un génie qui n'était propre qu'a la

guerre, pour la remettre dans les mains d'un

génie essentiellement propre a la paix. C'était

vouloir tout simplement faire abdiquer Napoléon

au profit de Joseph. Aussi n'étaient-ce que les

plus téméraires, e'est-a-dirc les plus mécontents,

qui osaient tenir ce langage. Ceux qui se bor–

naient

a

vouloir mettrc un terme prochain

a

la

guerre, sans songer

a

porter la main sur le trone,

se contentaient de dire qu'il faudraít, en réponse

a l'espece de

con~ultation

provoquée par Napo–

léon, lui envoyer une adresse dans laquelle on

lui demanderait la paix en termes formels.

Les choses furent poussées au point que Jo–

seph, entrant dans la pensée de ceux qui vou–

laient faciliter la paix

a

son frere au moyen d'une

manifestation pacifique, imagina de consulter

M. l\'leneval, dont la fidélité était inaltérable, et

le chargea d'écrire au quartier général, pour