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LIVRE CINQUANTE-TROISIEME.
savoir si une démarche daos le seos de la paix
conviendrait
a
Napoléon , et daos quelle forme il
désirerait qu'elle ftit faite . M. l\feneval déclara
qu'il informerait avant tout l'Empereur de ce
qui se passait, et qu'il écouterait ensuite les pa.;
roles qu'il aurait permission d'entendre. En
conséquence
il
écrivit sur-lc-champ
a
Napoléon
avec la réserve délicatc qu'il savait allier
a
une
parfaite franchise.
Napoléon en arrivant
a
Reims trouva la lettre
de
:M.
Mencval, et plusieurs autres qui donnaicnt
l'idée de cct état de choses. Grace
a
sa prorli–
gieuse sagacité, que la défiance aiguisait saos la
troubler, il dcvina tout , et peut-etre dans le pre–
mier moment s'exagéra-t-il un peu ce qu'il avait
deviné. 11 fut surtout tres-mécontent de ce que
le duc de Rovigo, ne voulant comprornettre per–
sonne, et n'attachant pas grande importance aux
propos lcnus autour de Joscph , ne lui avai t ríen
mandé de ce qui se passait. Avec cctte prompti–
tude et ce défaut de ménagements qui caraeté–
risaient trop souvent sa maniere d'agir, il adressa
au due de Rovigo la lettre suivante, qui ne r évé–
Ierait qu'un triste despotisme, et ne mériterait
pas d'étre citéc, si en meme temps ell e ne faisait
ressortir une inflexibilité de caractere bien ex–
traoruinaire en de telles circonstances.
"
A
u
ministre ele la police.
" Rcims, le 14 ma rs
1814 ..
" Vous ne m'apprenez ricn de ce qui se fait
a
" Paris. 11 y est question rl'adresse, de r égence,
" et de mille intrigues aussi plate.s qu'absurdes,
" et qui peuvcnt tou t au plus ctre conc;ues par
" un imbécile comme Miot. Tous ces gens-la ne
«
savent point que je tranche le nooud gordien
" a
la maniere d'Alexandre. Qu'ils sachcnt bien
" que je suis aujourd'hui le mémc homme que
" j'étais a Wagram et
¡¡
Austerlitz; que je ne
" veux dans l'État aucune intrigue; qu'il n'y a
" point d'autre autorité que la mienne, et qu'en
" cas d'événements pressés c'est la Régcnte qui
" a exclusivement ma confiance. Le roi (Joscph )
({
est faible, il se laisse aller
a
des intrigues qui
pourraient etrc funestcs
a
l'État, et surtout
a
" lui et
a
ses conseils, s'il ne rentre pas bien
" promptcment daos le droit chemin. Je suis
" mécontent d'apprendre tout cela par un autre
" canal que par le vótrc... Sachez que si l'on
avait
fo it
fairc une adresse conlraire
a
]'auto–
" rité, j'aurais fait arreter
le
roi, mes ministres
(( et ceux qui l'auraient signée. - On gate la
«
garde nationale, on gate Paris parce qu'on est
(( faible et qu'on ne connait point le pays. Je ne
«
veux point de tribuns du peuple. Qu'on n'ou–
" blie pas que c'est moi qui suis le grand tribun :
" le peu ple alors fera toujours ce qui convient
a
•<ses véritahles intérets, qui sont l'objet de toutes
<<
mes pensées. "
Apres cette fachease expérience des hommes
qui l'entouraient, Napoléon se chargea seul de
la réponse
a
faire aux plénipo1entiaires de Cha–
tillon. Il avait déja ordonné
a
M. de Caulain–
court d'user de tous les moyens pour alimenter
la négociation et en cmpechcr la rupture, saos
concédcr néanmoins les bases proposées. Il
s'agissait toujours du contre-projet exigé dans
un délai fatal, et que Napoléon, sans s'y refuser
absolument, éprouvait une extreme répugnancc
a
présenter. 11 renouvela ses instructions, en
termes cette fois a ussi sages qu'honorables. -
Demandez, écrivit-il
a
M. de Caulaincourt , si
les préliminaircs proposés, et auxquels on vcut
que vous opposiez un con tre-projet, sont le dcr–
nier mot des alliés. S'il en est ainsi, vous rom–
prez immédiatement, quoi qu'il puisse en arri–
ver, et nous dirons
a
la Francc ce qu'on a voulu
nous faire subir. Si au contraire, comme c'est
probable, on yous répond que ce n'est pas le
dernier mot, vous répliquerez que, nous aussi,
en nous reportant sans cesse aux bases de
Francfort, nous n'avons pas dit notre der–
nier mot, mais qu'on ne peut pas cxigcr que
nous oil'rions nous - mcrnes dans un contre–
projet les sacrifices qu'on prétend nous arra–
cher. Car, ajouta-t-il, si on veut
nous donnel'
les étrivieres
,
e'
es
t
bien
le
moins
qu'
on ne
nous oblige pasa nous les donne1· nous-memes.
Napoléon voulait que M. de Caulaincourt,
établissa nt une discus ion de délail, pul s'as–
snrcr par lui-rneme de ce qu'il fallait nécessai–
rement sacrifier, et de ce qu'il était pos ible de
défendre cncore, car l'inconvénient d'un contre–
pr ojet , c'était , dans l'ignorance ou nous étions
des intcntions définitives des alliés sur chaque
point, de céder ce qu'on pourrait peut-etre re–
tenir . Il nutorisa done
1\1.
de Caulaiucourt
a
abandonner d'abord le Brabant hollandais , c'est –
a-dire cctle partie de la Hollande qu'il avait
en
1810
ótée
a
son frere Louis. C'élait une bien
faible conccssion, cnr la fronticre reportée du
Wahal
a
la l\'Ieuse était toujours ce qu'on appe–
lait la frontiere naturelle, ou
bases de Francfort ,