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LIVRE CINQUANTE-'fROISIEl\fE.
Le repos accordé
a
ses troupes lui ayant paru
suffisant, et ses dispositions étant terminées, il
résolut de partir de Reims le 17 au matin, et de
se rendre a Épernay, pour micux juger de ce
qu'il convenait de faire dans les circonstances
actuelles . Paris était doublement alarmé par la
nouvelle approche du pl'ince de Schwarzenuerg
qui avait cnvoyé des avant-gardes jusqu'a Pro–
vins et par les événements survenus
a
J'armée
'
.
d'Espagne entre
Bayo~rne
et Bordeaux. Place au
.bord de la Marne,
it
Epernay, Napoléoo verrait
s'il fallait se jeter tout de uitc sur les dcrrier s
du prioce de Schwarzenberg, pour l'arreter
daos sa marche vers la capitalc, ou 'il fallait
persister dans le projet de se portcr sur Je
places. Ses dispositions étaient des la veille con–
cucs daos cctte double vue, car tout en achemi–
~ant
Ja masse de ses forces sur Épcroay,
il
avait
envoyé Ney avec l'infaoterie de la jeune garde i1
Chalons.
s·¡1
se portait sur les places,
il
n avait
qu'a diriger tous ses corps vers Chalons
a
Ja suil
de
~
ey, ou bien au contraire
a
le replier vers la
Fere-Champenoise, s'il se jetait sur 1 prince de
Schwarzenberg. Ney, expédié en avant n'aurait
pas pour se rendre
a
la Fere-Champenoi
plus
de chemin
a
faire en y allaot de Chlllons que
d'Épernay.
Partí le 17 au matin de Reims, il fut rcodu
le soir
a
Épernay.
11
avait laissé l\forticr a Reim ,
pour seconder l\farmont dan
In
d 'fcnse de
Berry-au-Bac, et leur avait dooné mission
a
l'un
et
a
l'autre de contenir Dlucher pcndant quel–
ques jours, en disputant successivement les
1
passages del'Ais11e et de la 1'1arnc. Arrivé
a
Épcr–
nay, il y apprit que le princc de Schwarzeobcrg
s'était fort avancé au dela de la Scinc. Ce dcrnier
était meme si engagé dans la dircction de Paris,
que tomber sur ses derrieres semblait un coup
de main assur-é, de grande conséqueoce commc
celui de l\lontmil'ail, et politiquement nécessaire
a
cause de !'extreme consternation des esprits
dans la capitale. En effet on y appelait Napoléon
a
grands cris, car on ne pouvait voir approcher
les bafonnettes étrangcres sans invoquer aussi–
tót le secours de son bras. Les événements de
Bayonne et de Bordeaux avaient ajouté
a
la
désolation des Parisiens. Ces événements, fort
graves, comme on va le voir, avaient inspiré aux
ennemis du gouvernement une exaltation d'es–
pérance qu'il fallait faire tomber sur-le-champ.
Napoléon par tous ces motifs prit sans hésiter le
chemin de la
Fere~Champenoise,
afin de se rendre
de la 1'farne sur la Seine. Le 18 au matin toute
l'armée fut mise en mouvement daos cette direc–
tion.
Avant de le suivre dans cctte nouvelle série
d'opérations, il faut relracer brievement les évé–
nements qui venaient de se passer sur les fron–
tieres d'Espagne, et qui avaient si fortement ému
les esprits. Le maréchal Soult avait continué
d'occuper l'Adour par sa droite , et le gave
d'Oloroo par son centre et sa gauche tant que
lord Welliogton o'avait pas été résolu
a
se por–
ter en avant. Mais le géoéral anglais, ayant rec;u
les ressources néccssaires pour nourrir les Espa–
gnols avait pris l'offensive avec huit divisions
anglaises, deux divisions portugaises, et quatre
espagnoles.
11
avait chargé deux divisions an–
glaises et deux e pagnoles de bloquer Bayonne,
pui aveclereste( oixantemillehommesenviron)
il avait marché contre le marécbal Soult, qui lui
avait cédé le gave d'Oloron, et était venuprendre
position sur le gave de Pau , aux environs d'Or–
thez.
Le maréchal Soult, apres avoir laissé une
division entiere
a
Bayonne (indépcndamment de
la garnison), apres avoir envo é
a
Napoléon deux
divisions d'infnnterie et plusieurs brigades de
cavaleric conservait encore six divisions din–
fanterie, et une de cavalerie, formant en tout
40 mille hommes de troupes excellentes. Si ce
n'était pas a sez pour vaincre, surlout en face
des troupes anglaises, c'était asscz pour disputer
le terrain pied
a
pied, et pour couvrir Bordeaux.
Bordeaux était en ce moment la capitalc du 1'Jidi.
11
r égnait outre un méconlentemcnt particu–
lier aux villes maritimes privées de commerce
depuis vingt ans, un esprit religieux et roya–
liste général dans les provin ces méridionales, et
ainsi tous les cntimcnts les plus contraires au
régime impérial
y
fermentaient . Le duc d'An–
gouleme, fils du comte d Artois et nevcu de
Louis
,,rVIII,
accouru sur la fronticre d Espagnc,
n'avai t pas été xec;u par lord Wellington, grace
au oin que mettaient les Anglais
a
écarter de
e tte guerre toute apparence d'nne question de
dyna tic. 1'1ais il se tenait sur les derricres du
quartier général, et sa pré ence causait dans le
pays une agitation extraordinaire , ce qui ne
s'était pas vu en Franche-Comté et en Lorraioc,
ou l'arrivóe du comte d'Artois o'avait produit
aucune sensation. De nombreux émissaires roya–
l i tes avaient déja paru
a
Bordeaux, et
il
suffisait
d'un monvement. de l'enncmi pour y délerminer
une explosion.
C'est la ce qui avait décidé Napoléon
ñ
laisser