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LIVRE
CINQUAN~E -TROISIEME.
non moins soucieux que le général Sébastiani.
L'un et l'autre, apres avoir repo ussé les avant–
postes bavarois, croyaient avoir aperc;u entre
l'Aube et la Seine, c'est-a-dire entre Arcis et
Troycs, toute l'armée deBobCme. Or, s'il en était
ainsi, on n'avait pas de temps
a
perdre pour
abandonner Arcis, qui est sur la rive gauche de
l'Aube, et pour passer sur Ja rive droite, afin de
mettre cette riviere entre soi et l'cnuemi. Tandis
que par
l~
réunion de troupes ordonnée sur Arcis
on devait
'y
avoir bientót 70 mille hommes,
quand Oudinot, Macdonald, Gérard et Lefebvrc
seraient arrivés, et 85 mille a Vitry, quand Mor–
tier et l\farmont auraient rejoint, on n'en avait
pas dans le moment plus de 20 mille. En effet on
avait
o
mille hommes de cavalerie de la garde ;
Ney amenait 9
a
10 mille hommes d'infanterie
de la jel!ne garde, et Friant 5
~1
6 mi,lle de la
vieille. Ce n'était pas de quoi tenir tete aux
90 mille combattants du prince de Schwarzen–
berg concentrés entre Arcis et Troyes .
Napoléon, qui avait vu
a
Méry les colonnes de
Schwarzenberg en retraite, ne pouvait pas ima–
giner que ce prince songeat a faire halte entre
Troyes et Arcis pour y risquer une bataille. Une
r econnaissance fort légerement exécutée sur la
route de Troyes par un jeune officicr, le confir–
mait
da.nssa persuasion, et
il
fit
établir l'infan–
terie de Ney en avant d'Arcis , un peu sur la
gauche, au Grand-Torcy; il envoya en meme
temps chercher sur l'autre rive de l'Aube sa
vieille garde qui était pres d'arriver, ainsi que
Lefebvre-Desnouettes dont on annonc;ait l'appro–
che. Ce dernier lui amenait 6 mille hommes en–
viron . Dans cette attitude ,
il
résolut d'attendre
les événements, qui ne pouvaient manquer de
s'éclaircir avant tres-peu d'heures. Bientót en
effet ils acquirent la plus effrayante clarté.
Le prince de Schwarzenberg, bien qu'il füt
peu téméraire, avait néanmoins la fermeté d'un
vieux soldat, et apres avoir replié ses principaux
corps de Nogent sur Troyes, ne pouvait pas
avcc 90 mille hommes reculer davantage devan t
les 50 ou 40 mille qu'il supposait a Napoléon .
D'ailleurs il était fatigué des propos des Prus–
siens, de leurs forfanteries continuelles, et
il
voulait leur prouver qu'il était aussi capable
qu'eux d'affronter la rcncontre du terrible em–
pereur des Fran<;ais.
11
résolut done de faire face
a
droite, et de se porter sur Arcis, pour accep–
ter la bataille si on la lui offrait, pour cmpecher
en tout cas les Frarn;ais de se jeter sur Troyes,
et d'y opérer de nouvelles captures. Dans cette
vue il ordonna aux Bavarois de s'approcher
d'Arcis par sa droite; il porta les corps de
Rajeffsky, de Wurtemberg, de Giulay directé–
ment sur Arcis, et lia ces deux masses par les
gardes et réserves. Vers deux heures il se trouva
en face d'Arcis.
Le général Sébastiani , piqué de certaincs pa–
roles de Napoléon qui n'avait pas pris ses craintes
au sérieux, s'était lancéavec quelqucs escadrons
sur Ja route de Troyes, pour mieux voir ce qu'il
croyait du reste avoir bien vu une premiere
fois. Au dela d'Arcis, dans la direction deTroyes,
le sol fortement ondulé peut dans ses plis cacher
des quantités considérables de troupes . Blentót
legénéral Sébastiani , ayantfranchiJes prcmieres
ondulations du terrain, découvrit la cavalerie
bavaroise et Ja cavalerie autrichiennc s'avanc;ant
en masse, et il revint
a
toute bride dire
a
Na–
poléon ce qui en était. On
se
hata de faire
monter
a
cheval les divisions Colbert et Excel–
mans pour les opposer
a
l'eonemi. Le général
Kaisarow,
a
Ja tete de plusieurs milliers de che–
vaux, chargea la division Colbcrt qui en comptail
a
peine 700
a
800 ' et Ja r ejeta sur la division
Exceltnans, qui, entrainée elle -meme par le choc,
fut obligée de céder. Tous ensemble, poursuivis
et poursuivants, arriverent pelc-méle sur Arcis.
Ncy était 3 gauchc au Grand-Torcy avcc l'infan–
tcrie de la jcune garde. Entre le Grand-Torcy
et Arcis il y avait fout au plus trois ou quatre
hataillons, au nombre desquels s'en tlouvai t un,
polonais de naLioo, et comm:mdé par le chef de
bataillon Skrzynecki, le meme qui , en 1850, a si
noblement et si habilement défendu comme géné–
ral en chefla Pologne expiran te. Cebataillon n'eut
que le ternps de se former en carré pour recueil–
lir Napoléon, et le soustraire au torrent de la ca–
valerie ennernie. Les Polonais , fi ers du précieux
dépót confié
a
leurs balonnettes, tinrent ferme
sous une pluie d'obus, et sous les assauLs répétés
d'innombrablcs escadrons. Mais Napoléon ne
profita pas loogtemps de l'asile qu'il avait trouvé
au milieu d'eux. Le premicr cboc de cette cava–
lerie amorti,
il
sortit du carré ,
se
transporta
vers Arcis, au risque d'etre enlevé, arreta , rallia
ses cavaliers en fuite, et les lan<;a lui-meme sur
l'ennemi. Nos escadrons, électrisés par sa pré–
sence , chargercnt avcc la plus grande vigueur,
et parvinrent
a
contenir, sans pouvoir la re–
pousser toutefois, la masse trop supérienre des
cavalie:rs bavarois et autrichiens. Pendant ce
temps Ney, -établi daos le Grand-Torcy, s'ap–
pretait
a
résister
a
tous les e:fforts de l'armée de